Métrique en Ligne
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e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
VOL_3/VOL44
VOLTAIRE
(François-Marie Arouet)
LA HENRIADE
POËME EN DIX CHANTS
1723
CHANT DEUXIÈME
ARGUMENT
Henri le Grand raconte à la reine Élisabeth l’histoire des malheurs de la France : il remonte à leur origine, et entre dans le détail des massacres de la Saint-Barthélemy.
« Reine, l’excès des maux la France est livrée 6+6 a
Est d’autant plus affreuxque leur source est sacrée 6+6 a
C’est la religiondont le zèle inhumain 6+6 b
Met à tous les Françaisles armes à la main. 6+6 b
5 Je ne décide pointentre Genève et Rome. 6+6 a
De quelque nom divinque leur parti les nomme, 6+6 a
J’ai vu des deux côtésla fourbe et la fureur ; 6+6 b
Et si la perfidieest fille de l’erreur, 6+6 b
Si, dans les différends l’Europe se plonge, 6+6 a
10 La trahison, le meurtreest le sceau du mensonge, 6+6 a
L’un et l’autre parti,cruel également, 6+6 b
Ainsi que dans le crimeest dans l’aveuglement. 6+6 b
Pour moi, qui, de l’Étatembrassant la défense, 6+6 a
Laissai toujours aux cieuxle soin de leur vengeance, 6+6 a
15 On ne m’a jamais vu,surpassant mon pouvoir, 6+6 b
D’une indiscrète mainprofaner l’encensoir : 6+6 b
Et périsse à jamaisl’affreuse politique 6+6 a
Qui prétend sur les cœursun pouvoir despotique, 6+6 a
Qui veut, le fer en main,convertir les mortels, 6+6 b
20 Qui du sang hérétiquearrose les autels, 6+6 b
Et, suivant un faux zèle,ou l’intérêt, pour guides, 6+6 a
Ne sert un Dieu de paixque par des homicides ! 6+6 a
« Plût à ce Dieu puissant,dont je cherche la loi, 6+6 b
Que la cour des Valoist pensé comme moi ! 6+6 b
25 Mais l’un et l’autre Guiseont eu moins de scrupule. 6+6 a
Ces chefs ambitieuxd’un peuple trop crédule, 6+6 a
Couvrant leurs intérêtsde l’intérêt des cieux, 6+6 b
Ont conduit dans le piègeun peuple furieux, 6+6 b
Ont armé contre moisa piété cruelle. 6+6 a
30 J’ai vu nos citoyenss’égorger avec zèle, 6+6 a
Et, la flamme à la main,courir dans les combats 6+6 b
Pour de vains argumentsqu’ils ne comprenaient pas. 6+6 b
Vous connaissez le peuple,et savez ce qu’il ose 6+6 a
Quand, du ciel outragépensant venger la cause, 6+6 a
35 Les yeux ceints du bandeaude la religion, 6+6 b
Il a rompu le freinde la soumission. 6+6 b
Vous le savez, madame,et votre prévoyance 6+6 a
Étouffa dès longtempsce mal en sa naissance. 6+6 a
L’orage en vos Étatsà peine était formé ; 6+6 b
40 Vos soins l’avaient prévu,vos vertus l’ont calmé : 6+6 b
Vous régnez ; Londre est libre,et vos lois florissantes. 6+6 a
Médicis a suivides routes différentes. 6+6 a
Peut-être que, sensibleà ces tristes récits, 6+6 b
Vous me demanderezquelle était Médicis ; 6+6 b
45 Vous l’apprendrez du moinsd’une bouche ingénue. 6+6 a
Beaucoup en ont parlé ;mais peu l’ont bien connue, 6+6 a
Peu de son cœur profondont sondé les replis. 6+6 b
Pour moi, nourri vingt ansà la cour de ses fils, 6+6 b
Qui vingt ans sous ses pasvis les orages ntre, 6+6 a
50 J’ai trop à mes périlsappris à la conntre. 6+6 a
« Son époux, expirantdans la fleur de ses jours, 6+6 b
À son ambitionlaissait un libre cours. 6+6 b
Chacun de ses enfants,nourri sous sa tutelle, 6+6 a
Devint son ennemidès qu’il régna sans elle. 6+6 a
55 Ses mains autour du trône,avec confusion, 6+6 b
Semaient la jalousieet la division, 6+6 b
Opposant sans relâcheavec trop de prudence 6+6 a
Les Guises aux Condés,et la France à la France ; 6+6 a
Toujours prête à s’uniravec ses ennemis, 6+6 b
60 Et changeant d’intérêt,de rivaux, et d’amis ; 6+6 b
Esclave des plaisirs,mais moins qu’ambitieuse ; 6+6 a
Infidèle à sa secte,et superstitieuse ; 6+6 a
Possédant, en un mot,pour n’en pas dire plus, 6+6 b
Les défauts de son sexe,et peu de ses vertus. 6+6 b
65 Ce mot m’est échappé,pardonnez ma franchise : 6+6 a
Dans ce sexe, après tout,vous n’êtes point comprise ; 6+6 a
L’auguste Élisabethn’en a que les appas ; 6+6 b
Le ciel, qui vous formapour régir des États, 6+6 b
Vous fait servir d’exempleà tous tant que nous sommes ; 6+6 a
70 Et l’Europe vous compteau rang des plus grands hommes. 6+6 a
« Déjà François Second,par un sort imprévu, 6+6 b
Avait rejoint son pèreau tombeau descendu ; 6+6 b
Faible enfant, qui de Guiseadorait les caprices, 6+6 a
Et dont on ignoraitles vertus et les vices. 6+6 a
75 Charles, plus jeune encore,avait le nom de roi : 6+6 b
Médicis régnait seule ;on tremblait sous sa loi. 6+6 b
D’abord sa politique,assurant sa puissance, 6+6 a
Semblait d’un fils docileéterniser l’enfance ; 6+6 a
Sa main, de la discordeallumant le flambeau, 6+6 b
80 Signala par le sangson empire nouveau ; 6+6 b
Elle arma le courrouxde deux sectes rivales. 6+6 a
Dreux, qui vit déployerleurs enseignes fatales, 6+6 a
Fut le théâtre affreuxde leurs premiers exploits. 6+6 b
Le vieux Montmorency,près du tombeau des rois, 6+6 b
85 D’un plomb mortel atteintpar une main guerrière, 6+6 a
De cent ans de travauxtermina la carrière. 6+6 a
Guise auprès d’Orléansmourut assassiné. 6+6 b
Mon père malheureux,à la cour enchné, 6+6 b
Trop faible, et malgré luiservant toujours la reine, 6+6 a
90 Trna dans les affrontssa fortune incertaine ; 6+6 a
Et, toujours de sa mainpréparant ses malheurs, 6+6 b
Combattit et mourutpour ses persécuteurs. 6+6 b
Condé, qui vit en moile seul fils de son frère, 6+6 a
M’adopta, me servitet de mtre et de père ; 6+6 a
95 Son camp fut mon berceau ;là, parmi les guerriers, 6+6 b
Nourri dans la fatigueà l’ombre des lauriers, 6+6 b
De la cour avec luidédaignant l’indolence, 6+6 a
Ses combats ont étéles jeux de mon enfance. 6+6 a
« Ô plaines de Jarnac !ô coup trop inhumain ! 6+6 b
100 Barbare Montesquiou,moins guerrier qu’assassin, 6+6 b
Condé, déjà mourant,tomba sous ta furie ! 6+6 a
J’ai vu porter le coup ;j’ai vu trancher sa vie : 6+6 a
Hélas ! trop jeune encor,mon bras, mon faible bras 6+6 b
Ne put ni prévenirni venger son trépas. 6+6 b
105 Le ciel, qui de mes ansprotégeait la faiblesse, 6+6 a
Toujours à des hérosconfia ma jeunesse. 6+6 a
Coligny, de Condéle digne successeur, 6+6 b
De moi, de mon partidevint le défenseur. 6+6 b
Je lui dois tout, madame,il faut que je l’avoue ; 6+6 a
110 Et d’un peu de vertusi l’Europe me loue, 6+6 a
Si Rome a souvent mêmeestimé mes exploits, 6+6 b
C’est à vous, ombre illustre,à vous que je le dois. 6+6 b
Je croissais sous ses yeux,et mon jeune courage 6+6 a
Fit longtemps de la guerreun dur apprentissage. 6+6 a
115 Il m’instruisait d’exempleau grand art des héros : 6+6 b
Je voyais ce guerrier,blanchi dans les travaux, 6+6 b
Soutenant tout le poidsde la cause commune 6+6 a
Et contre Médiciset contre la fortune ; 6+6 a
Chéri dans son parti,dans l’autre respecté ; 6+6 b
120 Malheureux quelquefois,mais toujours redouté ; 6+6 b
Savant dans les combats,savant dans les retraites ; 6+6 a
Plus grand, plus glorieux,plus craint dans ses défaites 6+6 a
Que Dunois ni Gastonne l’ont jamais été 6+6 b
Dans le cours triomphantde leur prospérité. 6+6 b
125 « Après dix ans entiersde succès et de pertes, 6+6 a
Médicis, qui voyaitnos campagnes couvertes 6+6 a
D’un parti renaissantqu’elle avait cru détruit, 6+6 b
Lasse enfin de combattreet de vaincre sans fruit, 6+6 b
Voulut, sans plus tenterdes efforts inutiles, 6+6 a
130 Terminer d’un seul couples discordes civiles, 6+6 a
La cour de ses faveursnous offrit les attraits ; 6+6 b
Et n’ayant pu nous vaincre,on nous donna la paix. 6+6 b
Quelle paix, juste Dieu !Dieu vengeur que j’atteste, 6+6 a
Que de sang arrosason olive funeste ! 6+6 a
135 Ciel ! faut-il voir ainsiles mtres des humains 6+6 b
Du crime à leurs sujetsaplanir les chemins ! 6+6 b
« Coligny, dans son cœurà son prince fidèle, 6+6 a
Aimait toujours la Franceen combattant contre elle : 6+6 a
Il chérit, il prévintl’heureuse occasion 6+6 b
140 Qui semblait de l’Étatassurer l’union. 6+6 b
Rarement un hérosconnt la défiance : 6+6 a
Parmi ses ennemisil vint plein d’assurance ; 6+6 a
Jusqu’au milieu du Louvreil conduisit mes pas. 6+6 b
Médicis en pleurantme reçut dans ses bras, 6+6 b
145 Me prodigua longtempsdes tendresses de mère, 6+6 a
Assura Colignyd’une amitié sincère, 6+6 a
Voulait par ses avisse régler désormais, 6+6 b
L’ornait de dignités,le comblait de bienfaits, 6+6 b
Montrait à tous les miens,séduits par l’espérance, 6+6 a
150 Des faveurs de son filsla flatteuse apparence. 6+6 a
Hélas ! nous espérionsen jouir plus longtemps. 6+6 b
« Quelques-uns souonnaientces perfides présents, 6+6 b
Les dons d’un ennemileur semblaient trop à craindre. 6+6 a
Plus ils se défiaient,plus le roi savait feindre : 6+6 a
155 Dans l’ombre du secret,depuis peu Médicis 6+6 b
À la fourbe, au parjure,avait formé son fils, 6+6 b
Façonnait aux forfaitsce cœur jeune et facile ; 6+6 a
Et le malheureux prince,à ses leçons docile, 6+6 a
Par son penchant féroceà les suivre excité, 6+6 b
160 Dans sa coupable écoleavait trop profité. 6+6 b
« Enfin, pour mieux cachercet horrible mystère, 6+6 a
Il me donna sa sœur,il m’appela son frère. 6+6 a
Ô nom qui m’as trompé !vains serments ! nœud fatal ! 6+6 b
Hymen qui de nos mauxfus le premier signal ! 6+6 b
165 Tes flambeaux, que du cielalluma la colère, 6+6 a
Éclairaient à mes yeuxle trépas de ma mère. 6+6 a
Je ne suis point injuste,et je ne prétends pas 6+6 b
À Médicis encoreimputer son trépas : 6+6 b
J’écarte des souonspeut-être légitimes, 6+6 a
170 Et je n’ai pas besoinde lui chercher des crimes. 6+6 a
Ma mère enfin mourut.Pardonnez à des pleurs 6+6 b
Qu’un souvenir si tendrearrache à mes douleurs. 6+6 b
Cependant tout s’apprête,et l’heure est arrivée 6+6 a
Qu’au fatal dénmentla reine a réservée. 6+6 a
175 « Le signal est donnésans tumulte et sans bruit ; 6+6 b
C’était à la faveurdes ombres de la nuit. 6+6 b
De ce mois malheureuxl’inégale courrière 6+6 a
Semblait cacher d’effroisa tremblante lumière : 6+6 a
Coligny languissaitdans les bras du repos, 6+6 b
180 Et le sommeil trompeurlui versait ses pavots. 6+6 b
Soudain de mille crisle bruit épouvantable 6+6 a
Vient arracher ses sensà ce calme agréable : 6+6 a
Il se lève, il regarde,il voit de tous côtés 6+6 b
Courir des assassinsà pas précipités ; 6+6 b
185 Il voit briller partoutles flambeaux et les armes, 6+6 a
Son palais embrasé,tout un peuple en alarmes, 6+6 a
Ses serviteurs sanglantsdans la flamme étouffés, 6+6 b
Les meurtriers en fouleau carnage échauffés, 6+6 b
Criant à haute voix :« Qu’on n’épargne personne ; 6+6 a
190 C’est Dieu, c’est Médicis,c’est le roi qui l’ordonne ! » 6+6 a
Il entend retentirle nom de Coligny ; 6+6 b
Il apeoit de loinle jeune Téligny, 6+6 b
Téligny dont l’amoura mérité sa fille, 6+6 a
L’espoir de son parti,l’honneur de sa famille, 6+6 a
195 Qui, sanglant, déchiré,trné par des soldats, 6+6 b
Lui demandait vengeance,et lui tendait les bras. 6+6 b
« Le héros malheureux,sans armes, sans défense, 6+6 a
Voyant qu’il faut périr,et périr sans vengeance, 6+6 a
Voulut mourir du moinscomme il avait vécu, 6+6 b
200 Avec toute sa gloireet toute sa vertu. 6+6 b
« Déjà des assassinsla nombreuse cohorte 6+6 a
Du salon qui l’enfermeallait briser la porte ; 6+6 a
Il leur ouvre lui-même,et se montre à leurs yeux 6+6 b
Avec cet œil serein,ce front majestueux, 6+6 b
205 Tel que dans les combats,mtre de son courage. 6+6 a
Tranquille il arrêtaitou pressait le carnage. 6+6 a
« À cet air vénérable,à cet auguste aspect, 6+6 b
Les meurtriers surprissont saisis de respect ; 6+6 b
Une force inconnuea suspendu leur rage. 6+6 a
210 « Compagnons, leur dit-il,achevez votre ouvrage, 6+6 a
« Et de mon sang glacésouillez ces cheveux blancs, 6+6 b
« Que le sort des combatsrespecta quarante ans ; 6+6 b
« Frappez, ne craignez rien ;Coligny vous pardonne ; 6+6 a
« Ma vie est peu de chose,et je vous l’abandonne 6+6 a
215 « J’eusse aimé mieux la perdreen combattant pour vous… » 6+6 b
Ces tigres à ces motstombent à ses genoux : 6+6 b
L’un, saisi d’épouvante,abandonne ses armes ; 6+6 a
L’autre embrasse ses pieds,qu’il trempe de ses larmes 6+6 a
Et de ses assassinsce grand homme entouré 6+6 b
220 Semblait un roi puissantpar son peuple adoré. 6+6 b
« Besme, qui dans la courattendait sa victime, 6+6 a
Monte, accourt, indignéqu’on diffère son crime ; 6+6 a
Des assassins trop lentsil veut hâter les coups ; 6+6 b
Aux pieds de ce hérosil les voit trembler tous. 6+6 b
225 À cet objet touchantlui seul est inflexible ; 6+6 a
Lui seul, à la pitiétoujours inaccessible, 6+6 a
Aurait cru faire un crimeet trahir Médicis, 6+6 b
Si du moindre remordsil se sentait surpris. 6+6 b
À travers les soldatsil court d’un pas rapide : 6+6 a
230 Coligny l’attendaitd’un visage intrépide ; 6+6 a
Et bientôt dans le flancce monstre furieux 6+6 b
Lui plonge son épée,en détournant les yeux, 6+6 b
De peur que d’un coup d’œilcet auguste visage 6+6 a
Ne fît trembler son bras,et glaçât son courage. 6+6 a
235 Du plus grand des Françaistel fut le triste sort, 6+6 b
On l’insulte, on l’outrageencore après sa mort, 6+6 b
Son corps, percé de coups,privé de sépulture, 6+6 a
Des oiseaux dévorantsfut l’indigne pâture ; 6+6 a
Et l’on porta sa têteaux pieds de Médicis, 6+6 b
240 Conquête digne d’elle,et digne de son fils. 6+6 b
Médicis la reçutavec indifférence, 6+6 a
Sans partre jouirdu fruit de sa vengeance, 6+6 a
Sans remords, sans plaisir,mtresse de ses sens, 6+6 b
Et comme accoutuméeà de pareils présents. 6+6 b
245 « Qui pourrait cependantexprimer les ravages 6+6 a
Dont cette nuit cruelleétala les images ? 6+6 a
La mort de Coligny,prémices des horreurs, 6+6 b
N’était qu’un faible essaide toutes leurs fureurs. 6+6 b
D’un peuple d’assassinsles troupes effrénées, 6+6 a
250 Par devoir et par zèleau carnage acharnées, 6+6 a
Marchaient le fer en main,les yeux étincelants, 6+6 b
Sur les corps étendusde nos frères sanglants. 6+6 b
Guise, était à leur tête,et, bouillant de colère, 6+6 a
Vengeait sur tous les miensles mânes de son père. 6+6 a
255 Nevers, Gondi, Tavanne,un poignard à la main, 6+6 b
Échauffaient les transportsde leur zèle inhumain ; 6+6 b
Et, portant devant euxla liste de leurs crimes, 6+6 a
Les conduisaient au meurtre,et marquaient les victimes. 6+6 a
« Je ne vous peindrai pointle tumulte et les cris, 6+6 b
260 Le sang de tous côtésruisselant dans Paris, 6+6 b
Le fils assassinésur le corps de son père, 6+6 a
Le frère avec la sœur,la fille avec la mère, 6+6 a
Les époux expirantsous leurs toits embrasés, 6+6 b
Les enfants au berceausur la pierre écrasés : 6+6 b
265 Des fureurs des humainsc’est ce qu’on doit attendre. 6+6 a
Mais ce que l’aveniraura peine à comprendre, 6+6 a
Ce que vous-même encoreà peine vous croirez, 6+6 b
Ces monstres furieux,de carnage altérés, 6+6 b
Excités par la voixdes prêtres sanguinaires, 6+6 a
270 Invoquaient le Seigneuren égorgeant leurs frères ; 6+6 a
Et, le bras tout souillédu sang des innocents, 6+6 b
Osaient offrir à Dieucet exécrable encens. 6+6 b
« Ô combien de hérosindignement périrent ! 6+6 a
Resnel et Pardaillanchez les morts descendirent ; 6+6 a
275 Et vous, brave Guerchy,vous, sage Lavardin, 6+6 b
Digne de plus de vieet d’un autre destin. 6+6 b
Parmi les malheureuxque cette nuit cruelle 6+6 a
Plongea dans les horreursd’une nuit éternelle, 6+6 a
Marsillac et Soubise,au trépas condamnés, 6+6 b
280 Défendent quelque tempsleurs jours infortunés. 6+6 b
Sanglants, percés de coups,et respirant à peine, 6+6 a
Jusqu’aux portes du Louvreon les pousse, on les trne ; 6+6 a
Ils teignent de leur sangce palais odieux, 6+6 b
En implorant leur roi,qui les trahit tous deux. 6+6 b
285 « Du haut de ce palaisexcitant la tempête, 6+6 a
Médicis à loisircontemplait cette fête : 6+6 a
Ses cruels favoris,d’un regard curieux, 6+6 b
Voyaient les flots de sangregorger sous leurs yeux, 6+6 b
Et de Paris en feules ruines fatales 6+6 a
290 Étaient de ces hérosles pompes triomphales. 6+6 a
« Que dis-je ! ô crime ! ô honte !Ô comble de nos maux ! 6+6 b
Le roi, le roi lui-même,au milieu des bourreaux, 6+6 b
Poursuivant des proscritsles troupes égarées, 6+6 a
Du sang de ses sujetssouillait ses mains sacrées : 6+6 a
295 Et ce même Valoisque je sers aujourd’hui, 6+6 b
Ce roi qui par ma boucheimplore votre appui, 6+6 b
Partageant les forfaitsde son barbare frère, 6+6 a
À ce honteux carnageexcitait sa colère. 6+6 a
Non qu’après tout Valoisait un cœur inhumain, 6+6 b
300 Rarement dans le sangil a trempé sa main ; 6+6 b
Mais l’exemple du crimeassiégeait sa jeunesse ; 6+6 a
Et sa cruauté mêmeétait une faiblesse. 6+6 a
« Quelques-uns, il est vrai,dans la foule des morts, 6+6 b
Du fer des assassinstrompèrent les efforts. 6+6 b
305 De Caumont, jeune enfant,l’étonnante aventure 6+6 a
Ira de bouche en boucheà la race future. 6+6 a
Son vieux père, accablésous le fardeau des ans, 6+6 b
Se livrait au sommeilentre ses deux enfants ; 6+6 b
Un lit seul enfermaitet les fils et le père. 6+6 a
310 Les meurtriers ardents,qu’aveuglait la colère, 6+6 a
Sur eux à coups pressésenfoncent le poignard 6+6 b
Sur ce lit malheureuxla mort vole au hasard. 6+6 b
« L’Éternel en ses mainstient seul nos destinées ; 6+6 a
Il sait, quand il lui plt,veiller sur nos années, 6+6 a
315 Tandis qu’en ses fureursl’homicide est trompé. 6+6 b
D’aucun coup, d’aucun trait,Caumont ne fut frappé. 6+6 b
Un invisible bras,armé pour sa défense, 6+6 a
Aux mains des meurtriersdérobait son enfance ; 6+6 a
Son père, à son côté,sous mille coups mourant, 6+6 b
320 Le couvrait tout entierde son corps expirant ; 6+6 b
Et, du peuple et du roitrompant la barbarie, 6+6 a
Une seconde foisil lui donna la vie. 6+6 a
« Cependant que faisais-jeen ces affreux moments ? 6+6 b
Hélas ! trop assurésur la foi des serments, 6+6 b
325 Tranquille au fond du Louvre,et loin du bruit des armes, 6+6 a
Mes sens d’un doux reposgtaient encor les charmes. 6+6 a
Ô nuit, nuit effroyable !ô funeste sommeil ! 6+6 b
L’appareil de la mortéclaira mon réveil. 6+6 b
On avait massacrémes plus chers domestiques ; 6+6 a
330 Le sang de tous côtésinondait mes portiques : 6+6 a
Et je n’ouvris les yeuxque pour envisager 6+6 b
Les miens que sur le marbreon venait d’égorger. 6+6 b
Les assassins sanglantsvers mon lit s’avancèrent ; 6+6 a
Leurs parricides mainsdevant moi se levèrent ; 6+6 a
335 Je touchais au momentqui terminait mon sort ; 6+6 b
Je présentai ma tête,et j’attendis la mort. 6+6 b
« Mais, soit qu’un vieux respectpour le sang de leurs mtres 6+6 a
Parlât encor pour moidans le cœur de ces trtres ; 6+6 a
Soit que de Médicisl’ingénieux courroux 6+6 b
340 Trouvât pour moi la mortun supplice trop doux ; 6+6 b
Soit qu’enfin, s’assurantd’un port durant l’orage, 6+6 a
Sa prudente fureurme gardât pour otage, 6+6 a
On réserva ma vieà de nouveaux revers, 6+6 b
Et bientôt de sa parton m’apporta des fers. 6+6 b
345 « Coligny, plus heureuxet plus digne d’envie, 6+6 a
Du moins, en succombant,ne perdit que la vie ; 6+6 a
Sa liberté, sa gloireau tombeau le suivit… 6+6 b
Vous frémissez, madame,à cet affreux récit : 6+6 b
Tant d’horreur vous surprend ;mais de leur barbarie 6+6 a
350 Je ne vous ai contéque la moindre partie. 6+6 a
On t dit que, du hautde son Louvre fatal, 6+6 b
Médicis à la Francet donné le signal ; 6+6 b
Tout imita Paris :la mort sans résistance 6+6 a
Couvrit en un momentla face de la France. 6+6 a
355 Quand un roi veut le crime,il est trop obéi ! 6+6 b
Par cent mille assassinsson courroux fut servi ; 6+6 b
Et des fleuves françaisles eaux ensanglantées 6+6 a
Ne portaient que des mortsaux mers épouvantées. 6+6 a
FIN DU CHANT DEUXIÈME
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