Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
VOL_2/VOL37
VOLTAIRE
(François-Marie Arouet)
La Pucelle d'Orléans
1752
CHANT XVI.
Argument
Comment saint Pierre apaisa saint George et saint Denys, et comment il promit un beau prix à celui des deux qui lui apporterait la meilleure ode. Mort de la belle Rosamore.
Palais des cieux, | ouvrez-vous à ma voix. 4+6 a
Êtres brillants | aux six ailes légères, 4+6 b
Dieux emplumés, | dont les mains tutélaires 4+6 b
Font les destins | des peuples et des rois ! 4+6 a
5 Vous qui cachez, | en étendant vos ailes, 4+6 d
Des derniers cieux | les splendeurs éternelles, 4+6 d
Daignez un peu | vous ranger de côté : 4+6 e
Laissez-moi voir, | en cette horrible affaire, 4+6 f
Ce qui se passe | au fond du sanctuaire ; 4+6 f
10 Et pardonnez | ma curiosité. 4+6 e
Cette prière | est de l'abbé Trithème, 4+6 g
Non pas de moi ; | car mon œil effronté 4+6 e
Ne peut percer | jusqu'à la cour suprême ; 4+6 g
Je n'aurais pas | tant de témérité. 4+6 e
15 Le dur saint George | et Denys notre apôtre 4+6 h
Étaient au ciel | enfermés l'un et l'autre ; 4+6 h
Ils voyaient tout ; | mais ils ne pouvaient pas 4+6 i
Prêter leurs mains | aux terrestres combats ; 4+6 i
Ils cabalaient : | c'est tout ce qu'on peut faire 4+6 f
20 Et ce qu'on fait | quand on est à la cour. 4+6 j
George et Denys | s'adressent tour à tour 4+6 j
Dans l'empyrée | au bon monsieur saint Pierre. 4+6 f
Ce grand portier, | dont le pape est vicaire, 4+6 f
Dans ses filets | enveloppant le sort, 4+6 k
25 Sous ses deux clefs | tient la vie et la mort. 4+6 k
Pierre leur dit : | « Vous avez pu connaître, 4+6 l
Mes chers amis, | quel affront je reçus 4+6 m
Quand je remis | une oreille à Malchus. 4+6 m
Je me souviens | de l'ordre de mon maître ; 4+6 l
30 Il fit rentrer | mon fer dans son fourreau : 4+6 n
Il m'a privé | du droit brillant des armes ; 4+6 o
Mais j'imagine | un moyen tout nouveau 4+6 n
Pour décider | de vos grandes alarmes. 4+6 o
« Vous, saint Denys, | prenez dans ce canton 4+6 p
35 Les plus grands saints | qu'ait vus naître la France ; 4+6 q
Vous, monsieur George, | allez en diligence 4+6 q
Prendre les saints | de l'île d'Albion. 4+6 p
Que chaque troupe | en ce moment compose 4+6 r
Un hymne en vers, | non pas une ode en prose. 4+6 r
40 Houdart a tort ; | il faut dans ces hauts lieux 4+6 s
Parler toujours | le langage des dieux ; 4+6 s
Qu'on fasse, dis-je, | une ode pindarique 4+6 t
Où le poète | exalte mes vertus, 4+6 m
Ma primauté, | mes droits, mes attributs, 4+6 m
45 Et que le tout | soit mis vite en musique : 4+6 t
Chez les mortels, | il faut toujours du temps 4+6 u
Pour rimailler | des vers assez méchants ; 4+6 u
On va plus vite | au séjour de la gloire. 4+6 v
Allez, vous dis-je, | exercez vos talents ; 4+6 u
50 La meilleure ode | obtiendra la victoire, 4+6 v
Et vous ferez | le sort des combattants. » 4+6 u
Ainsi parla, | du plus haut de son trône, 4+6 w
Aux deux rivaux | l'infaillible Barjone ; 4+6 w
Cela fut dit | en deux mots tout au plus, 4+6 m
55 Le laconisme | est langue des élus. 4+6 m
En un clin d'œil, | les deux rivaux célestes, 4+6 y
Pour terminer | leurs querelles funestes, 4+6 y
Vont assembler | les saints de leur pays 4+6 z
Qui sur la terre | ont été beaux esprits. 4+6 z
60 Le bon patron | qu'on révère à Paris 4+6 z
Fit aussitôt | seoir à sa table ronde 4+6 a
Saint Fortunat, | peu connu dans le monde, 4+6 a
Et qui passait | pour l'auteur du Pange ; 4+6 e
Et saint Prosper, | d'épithètes chargé, 4+6 e
65 Quoique un peu dur | et qu'un peu janséniste. 4+6 b
Il mit aussi | Grégoire dans sa liste, 4+6 b
Le grand Grégoire, | évêque tourangeau, 4+6 n
Cher au pays | qui vit naître Bonneau ; 4+6 n
Et saint Bernard | fameux par l'antithèse, 4+6 c
70 Qui dans son temps | n'avait pas son pareil ; 4+6 d
Et d'autres saints | pour servir de conseil : 4+6 d
Sans prendre avis, | il est rare qu'on plaise. 4+6 c
George, en voyant | tous ces soins de Denys, 4+6 z
Le regardait | d'un dédaigneux souris ; 4+6 z
75 Il avisa | dans le sacré pourpris 4+6 z
Un saint Austin, | prêcheur de l'Angleterre, 4+6 f
Puis en ces mots | il lui dit son avis : 4+6 z
« Bonhomme Austin, | je suis né pour la guerre, 4+6 f
Non pour les vers | dont je fais peu de cas ; 4+6 i
80 Je sais brandir | mon large cimeterre, 4+6 f
Pourfendre un buste, | et casser tête et bras ; 4+6 i
Tu sais rimer : | travaille, versifie, 4+6 e
Soutiens en vers | l'honneur de la patrie. 4+6 e
Un seul Anglais, | dans les champs de la mort, 4+6 k
85 De trois Français | triomphe sans effort. 4+6 k
Nous avons vu | devers la Normandie, 4+6 e
Dans le Haut-Maine, | en Guienne, en Picardie, 4+6 e
Ces beaux messieurs | aisément mis à bas ; 4+6 i
Si pour frapper | nous avons meilleurs bras, 4+6 i
90 Crois, en fait d'hymne, | et d'ode et d'œuvre telle, 4+6 f
Quand il s'agit | de penser, de rimer, 4+6 e
Que nous avons | non moins bonne cervelle. 4+6 f
Travaille, Austin, | cours en vers t'escrimer : 4+6 e
Je veux que Londre | ait à jamais l'empire 4+6 g
95 Dans les deux arts | de bien faire et bien dire. 4+6 g
Denys ameute | un tas de rimailleurs 4+6 h
Qui tous ensemble | ont très-peu de génie ; 4+6 e
Travaille seul : | tu sais tes vieux auteurs ; 4+6 h
Courage ! allons, | prends ta harpe bénie, 4+6 e
100 Et moque-toi | de ton académie. » 4+6 e
Le bon Austin, | de cet emploi chargé, 4+6 e
Le remercie | en auteur protégé. 4+6 e
Denys et lui, | dans un réduit commode, 4+6 i
Vont se tapir, | et chacun fit son ode. 4+6 i
105 Quand tout fut fait, | les brûlants séraphins, 4+6 j
Les gros joufflus, | têtes de chérubins, 4+6 j
Près de Barjone | en deux rangs se perchèrent ; 4+6 k
Au-dessous d'eux | les anges se nichèrent ; 4+6 k
Et tous les saints, | soigneux de s'arranger, 4+6 e
110 Sur des gradins | s'assirent pour juger. 4+6 e
Austin commence : | il chantait les prodiges 4+6 l
Qui de l'Égypte | endurcirent les cœurs ; 4+6 h
Ce grand Moïse, | et ses imitateurs 4+6 h
Qui l'égalaient | dans ses divins prestiges : 4+6 l
115 Les flots du Nil, | jadis si bienfaisants, 4+6 u
D'un sang affreux | dans leur course écumants ; 4+6 u
Du noir limon | les venimeux reptiles 4+6 m
Changés en verge, | et la verge en serpents ; 4+6 u
Le jour en nuit ; | les déserts et les villes, 4+6 m
120 De moucherons, | de vermine couverts ; 4+6 n
La rogne aux os, | la foudre dans les airs ; 4+6 n
Les premiers-nés | d'une race rebelle 4+6 f
Tous égorgés | par l'ange du Seigneur ; 4+6 o
L'Égypte en deuil, | et le peuple fidèle 4+6 f
125 De ses patrons | emportant la vaisselle, 4+6 f
Et par le vol | méritant son bonheur ; 4+6 o
Ce peuple errant | pendant quarante années ; 4+6 p
Vingt mille Juifs | égorgés pour un veau ; 4+6 n
Vingt mille encore | envoyés au tombeau 4+6 n
130 Pour avoir eu | des amours fortunées ; 4+6 p
Et puis Aod, | ce Ravaillac hébreu, 4+6 q
Assassinant | son maître au nom de Dieu ; 4+6 q
Et Samuel, | qui d'une main divine 4+6 r
Prend sur l'autel | un couteau de cuisine, 4+6 r
135 Et bravement | met Agag en hachis, 4+6 z
Car cet Agag | était incirconcis ; 4+6 z
Puis la beauté | qui, sauvant Béthulie, 4+6 e
Si purement | de son corps fit folie ; 4+6 e
Le bon Basa | qui massacra Nadad ; 4+6 s
140 Et puis Achab | mourant comme un impie, 4+6 e
Pour n'avoir pas | égorgé Benhadad ; 4+6 s
Le roi Joas | meurtri par Jozabad, 4+6 s
Fils d'Atrobad ; | et la reine Athalie, 4+6 e
Si méchamment | mise à mort par Joad. 4+6 s
145 Longuette fut | la triste litanie ; 4+6 e
Ces beaux récits | étaient entrelacés 4+6 t
De ces grands traits | si chers aux temps passés. 4+6 t
On y voyait | le soleil se dissoudre, 4+6 u
La mer fuyant, | la lune mise en poudre, 4+6 u
150 Le monde en feu | qui toujours tressaillait ; 4+6 v
Dieu qui cent fois | en fureur s'éveillait ; 4+6 v
Des flots de sang, | des tombeaux, des ruines ; 4+6 w
Et cependant | près des eaux argentines 4+6 w
Le lait coulait | sous de verts oliviers ; 4+6 t
155 Les monts sautaient | tout comme des béliers, 4+6 t
Et les béliers | tout comme des collines. 4+6 w
Le bon Austin | célébrait le Seigneur, 4+6 o
Qui menaçait | le Chaldéen vainqueur, 4+6 o
Et qui laissait | son peuple en esclavage ; 4+6 x
160 Mais des lions | brisant toujours les dents, 4+6 u
Sous ses deux pieds | écrasant les serpents, 4+6 u
Parlant au Nil, | et suspendant la rage 4+6 x
Des basilics | et des léviathans. 4+6 u
Austin finit. | Sa pindarique ivresse 4+6 c
165 Fit élever | parmi les bienheureux 4+6 s
un bruit confus, | un murmure douteux, 4+6 s
Qui n'était pas | en faveur de la pièce. 4+6 c
Denys se lève ; | et baissant ses doux yeux, 4+6 s
Puis les levant | avec un air modeste, 4+6 y
170 Il salua | l'auditoire céleste, 4+6 y
Parut surpris | de leurs traits radieux ; 4+6 s
Et finement | sa pudeur semblait dire : 4+6 g
« Encouragez | celui qui vous admire. » 4+6 g
Il salua | trois fois très-humblement 4+6 z
175 Les conseillers, | le premier président ; 4+6 z
Puis il chanta | d'une voix douce et tendre 4+6 a
Cet hymne adroit | que vous allez entendre : 4+6 a
« O Pierre ! O Pierre ! | ô toi sur qui Jésus 4+6 m
Daigna fonder | son Église immortelle, 4+6 f
180 Portier des cieux, | pasteur de tout fidèle, 4+6 f
Maître des rois | à tes pieds confondus, 4+6 m
Docteur divin, | prêtre saint, tendre père, 4+6 f
Auguste appui | de nos rois très-chrétiens, 4+6 j
Étends sur eux | ta faveur salutaire ; 4+6 f
185 Leurs droits sont purs, | et ces droits sont les tiens. 4+6 j
Le pape à Rome | est maître des couronnes, 4+6 b
Aucun n'en doute ; | et si ton lieutenant 4+6 z
A qui lui plaît | fait ce petit présent, 4+6 z
C'est en ton nom, | car c'est toi qui les donnes. 4+6 b
190 Hélas ! hélas ! | nos gens de parlement 4+6 z
Ont banni Charle ; | ils ont impudemment 4+6 z
Mis sur le trône | une race étrangère ; 4+6 f
On ôte au fils | l'héritage du père. 4+6 f
Divin portier, | oppose tes bienfaits 4+6 c
195 A cette audace, | à dix ans de misère ; 4+6 f
Rends-nous les clefs | de la cour du palais. » 4+6 c
C'est sur ce ton | que saint Denys prélude ; 4+6 d
Puis il s'arrête : | il lit avec étude 4+6 d
Du coin de l'œil | dans les yeux de Céphas, 4+6 i
200 En affectant | un secret embarras. 4+6 i
Céphas content | fit voir sur son visage 4+6 x
De l'amour-propre | un secret témoignage, 4+6 x
Et rassurant | les esprits interdits 4+6 z
Du chantre habile, | il dit dans son langage : 4+6 x
205 « Cela va bien ; | continuez, Denys. » 4+6 z
L'humble Denys | repart avec prudence : 4+6 q
« Mon adversaire | a pu charmer les cieux ; 4+6 s
Il a chanté | le Dieu de la vengeance, 4+6 q
Je vais bénir | le Dieu de la clémence : 4+6 q
210 Haïr est bon, | mais aimer vaut bien mieux. » 4+6 s
Denys alors | d'une voix assurée 4+6 e
En vers heureux | chanta le bon berger 4+6 e
Qui va cherchant | sa brebis égarée, 4+6 e
Et sur son dos | se plaît à la charger ; 4+6 e
215 Le bon fermier, | dont la main libérale 4+6 f
Daigne payer | l'ouvrier négligent 4+6 z
Qui vient trop tard, | afin que diligent 4+6 z
Il vienne ouvrer | dès l'aube matinale ; 4+6 f
Le bon patron | qui, n'ayant que cinq pains 4+6 j
220 Et trois poissons, | nourrit cinq mille humains ; 4+6 j
Le bon prophète, | encor plus doux qu'austère, 4+6 f
Qui donne grâce | à la femme adultère, 4+6 f
A Magdeleine, | et permet que ses pieds 4+6 t
Soient gentiment | par la belle essuyés. 4+6 t
225 Par Magdeleine | Agnès est figurée. 4+6 e
Denys a pris | ce délicat détour ; 4+6 j
Il réussit : | la grand'chambre éthérée 4+6 e
Sentit le trait, | et pardonna l'amour. 4+6 j
Du doux Denys | l'ode fut bien reçue ; 4+6 g
230 Elle eut le prix, | elle eut toutes les voix. 4+6 a
Du saint Anglais | l'audace fut déçue ; 4+6 g
Austin rougit, | il fuit en tapinois ; 4+6 a
Chacun en rit, | le paradis le hue. 4+6 g
Tel fut hué | dans les murs de Paris 4+6 z
235 Un pédant sec, | à face de Thersite, 4+6 h
Vit délateur, | insolent hypocrite, 4+6 h
Qui fut payé | de haine et de mépris, 4+6 z
Quand il osa | dans ses phrases vulgaires 4+6 b
Flétrir les arts | et condamner nos frères. 4+6 b
240 Pierre à Denys | donna deux beaux agnus ; 4+6 m
Denys les baise, | et soudain l'on ordonne, 4+6 w
Par un arrêt | signé de douze élus, 4+6 m
Qu'en ce grand jour | les Anglais soient vaincus 4+6 m
Par les Français | et par Charle en personne. 4+6 w
245 En ce moment | la barroise amazone 4+6 w
Vit dans les airs, | dans un nuage épais, 4+6 c
De son grison | la figure et les traits ; 4+6 c
Comme un soleil, | dont souvent un nuage 4+6 x
Reçoit l'empreinte | et réfléchit l'image. 4+6 x
250 Elle cria : | « Ce jour est glorieux ; 4+6 s
Tout est pour nous, | mon âne est dans les cieux. » 4+6 s
Bedfort, surpris | de ce prodige horrible, 4+6 i
Déjà s'arrête | et n'est plus invincible. 4+6 i
Il lit au ciel, | d'un regard consterné, 4+6 e
255 Que de saint George | il est abandonné. 4+6 e
L'Anglais surpris, | croyant voir une armée, 4+6 e
Descend soudain | de la ville alarmée ; 4+6 e
Tous les bourgeois, | devenus valeureux, 4+6 s
Les voyant fuir, | descendent après eux. 4+6 s
260 Charles plus loin, | entouré de carnage, 4+6 x
Jusqu'à leur camp | se fait un beau passage. 4+6 x
Les assiégeants, | à leur tour assiégés, 4+6 t
En tête, en queue, | assaillis, égorgés, 4+6 t
Tombent en foule | au bord de leurs tranchées, 4+6 p
265 D'armes, de morts, | et de mourants jonchées. 4+6 p
C'est en ces lieux, | c'est dans ce champ mortel 4+6 d
Que tu venais | exercer ta vaillance, 4+6 q
O dur Anglais, | ô Christophe Arondel ! 4+6 d
Ton maintien sec, | ta froide indifférence, 4+6 q
270 Donnaient du prix | à ton courage altier. 4+6 e
Sans dire un mot, | ce sourcilleux guerrier 4+6 e
Examinait | comme on se bat en France : 4+6 q
Et l'on eût dit, | à son air d'importance, 4+6 q
Qu'il était là | pour se désennuyer. 4+6 e
275 Sa Rosamore, | à ses pas attachée, 4+6 e
Est comme lui | de fer enharnachée, 4+6 e
Tel qu'un beau page | ou qu'un jeune écuyer : 4+6 e
Son casque est d'or, | sa cuirasse est d'acier ; 4+6 e
D'un perroquet | la plume panachée 4+6 e
280 Au gré des vents | ombrage son cimier. 4+6 e
Car dès ce jour | où son bras meurtrier 4+6 e
A dans son lit | décollé Martinguerre, 4+6 f
Elle se plaît | tout à fait à la guerre. 4+6 f
On croirait voir | la superbe Pallas 4+6 i
285 Quittant l'aiguille | et marchant aux combats, 4+6 i
Où Bradamante, | ou bien Jeanne elle-même. 4+6 g
Elle parlait | au voyageur qu'elle aime, 4+6 g
Et lui montrait | les plus grands sentiments, 4+6 u
Lorsqu'un démon | trop funeste aux amants, 4+6 u
290 Pour leur malheur, | vers Arondel attire 4+6 g
Le dur Poton | et le jeune La Hire, 4+6 g
Et Richement | qui n'a pitié de rien. 4+6 j
Poton, voyant | le grave et fier maintien 4+6 j
De notre Anglais, | tout indigné s'élance 4+6 q
295 Sur le causeur, | et d'un grand coup de lance, 4+6 q
Qui par le flanc | sort au milieu du dos, 4+6 k
D'un sang trop froid | lui fait verser des flots : 4+6 k
Il tombe et meurt ; | et la lance cassée 4+6 e
Roule avec lui | dans son corps enfoncée. 4+6 e
300 A ce spectacle, | à ce moment affreux, 4+6 s
On ne vit point | la belle Rosamore 4+6 l
Se renverser | sur l'amant qu'elle adore, 4+6 l
Ni s'arracher | l'or de ses blonds cheveux, 4+6 s
Ni remplir l'air | de ses cris douloureux, 4+6 s
305 Ni s'emporter | contre la Providence ; 4+6 q
Point de soupirs ; | elle cria : « Vengeance ! » 4+6 q
Et dans l'instant | que Poton se baissait 4+6 v
En ramassant | son fer qui se cassait, 4+6 v
Ce bras tout nu, | ce bras dont la puissance 4+6 q
310 Avait d'un coup | séparé dans un lit 4+6 m
Un chef grison | du cou d'un vieux bandit, 4+6 m
Tranche à Poton | la main trop redoutable, 4+6 n
Cette main droite | à ses yeux si coupable. 4+6 n
Les nerfs cachés | sous la peau des cinq doigts 4+6 c
315 Les font mouvoir | pour la dernière fois ; 4+6 c
Poton depuis | ne sut jamais écrire. 4+6 g
Mais dans l'instant | le brave et beau La Hire 4+6 g
Porte au guerrier, | du grand Poton vainqueur, 4+6 o
Un coup mortel | qui lui perce le cœur. 4+6 o
320 Son casque d'or, | que sa chute détache, 4+6 o
Découvre un sein | de roses et de lis ; 4+6 z
Son front charmant | n'a plus rien qui le cache ; 4+6 o
Ses longs cheveux | tombent sur ses habits ; 4+6 z
Ses grands yeux bleus | dans la mort endormis, 4+6 z
325 Tout laisse voir | une femme adorable, 4+6 n
Et montre un corps | formé pour les plaisirs. 4+6 p
Le beau La Hire | en pousse des soupirs, 4+6 p
Répand des pleurs, | et d'un ton lamentable 4+6 n
S'écrie : « O ciel ! | je suis un meurtrier, 4+6 e
330 Un housard noir | plutôt qu'un chevalier ; 4+6 e
Mon cœur, mon bras, | mon épée est infâme : 4+6 q
Est-il permis | de tuer une dame ? » 4+6 q
Mais Richemont, | toujours mauvais plaisant 4+6 z
Et toujours dur, | lui dit : « Mon cher La Hire, 4+6 g
335 Va, tes remords | ont sur toi trop d'empire ; 4+6 g
C'est une Anglaise, | et le mal n'est pas grand ; 4+6 z
Elle n'est pas | pucelle comme Jeanne. » 4+6 s
Tandis qu'il tient | un discours si profane, 4+6 s
D'un coup de flèche | il se sentit blessé : 4+6 e
340 Et devenu | plus fier, plus courroucé, 4+6 e
Il rend cent coups | à la troupe bretonne, 4+6 x
Qui comme un flot | le presse et l'environne. 4+6 x
La Hire et lui, | nobles, bourgeois, soldats, 4+6 i
Portent partout | les efforts de leurs bras : 4+6 i
345 On tue, on tombe, | on poursuit, on recule, 4+6 t
De corps sanglants | un monceau s'accumule ; 4+6 t
Et des mourants | l'Anglais fait un rempart. 4+6 u
Dans cette horrible | et sanglante mêlée, 4+6 e
Le roi disait | à Dunois : « Cher bâtard, 4+6 u
350 Dis-moi, de grâce, | où donc est-elle allée ? 4+6 e
— Qui ? » dit Dunois. | Le bon roi lui repart : 4+6 u
« Ne sais-tu pas | ce qu'elle est devenue ? 4+6 g
— Qui donc ? — Hélas ! | elle était disparue 4+6 g
Hier au soir, | avant qu'un heureux sort 4+6 k
355 Nous eût conduits | au château de Bedfort ; 4+6 k
Et dans la place | on est entré sans elle. 4+6 f
— Pour la trouver, | marchons, » dit la Pucelle. 4+6 f
« Ciel ! dit le roi, | qu'elle me soit fidèle ! 4+6 f
Gardez-la-moi. | » Pendant ce beau discours, 4+6 w
360 Il avançait | et combattait toujours. 4+6 w
Bientôt la nuit, | couvrant notre hémisphère, 4+6 f
L'enveloppa | d'un noir et long manteau, 4+6 n
Et mit un terme | à ce cours tout nouveau 4+6 n
Des beaux exploits | que Charle eût voulu faire. 4+6 f
365 Comme il sortait | de cette grande affaire, 4+6 f
Il entendit | qu'on avait le matin 4+6 j
Vu cheminer | vers la forêt voisine 4+6 r
Quelques tendrons | du genre féminin ; 4+6 j
Une surtout, | à la taille divine, 4+6 r
370 Aux grands yeux bleus, | au minois enfantin, 4+6 j
Au souris tendre, | à la peau de satin, 4+6 j
Que sermonnait | un bon dominicain. 4+6 j
Des écuyers | brillants, à mines fières, 4+6 b
Des chevaliers, | sur leurs coursiers fringants, 4+6 u
375 Couverts d'acier, | et d'or, et de rubans, 4+6 u
Accompagnaient | les belles cavalières. 4+6 b
La troupe errante | avait porté ses pas 4+6 i
Vers un palais | qu'on ne connaissait pas, 4+6 i
Et que jamais, | avant cette aventure, 4+6 x
380 On n'avait vu | dans ces lieux écartés ; 4+6 t
Rien n'égalait | sa bizarre structure. 4+6 x
Le roi, surpris | de tant de nouveautés, 4+6 t
Dit à Bonneau : | « Qui m'aime doit me suivre ; 4+6 y
Demain matin | je veux au point du jour 4+6 j
385 Revoir l'objet | de mon fidèle amour, 4+6 j
Reprendre Agnès, | ou bien cesser de vivre. » 4+6 y
Il resta peu | dans les bras du sommeil ; 4+6 d
Et quand Phosphore, | au visage vermeil, 4+6 d
Eut précédé | les roses de l'Aurore, 4+6 l
390 Quand dans le ciel | on attelait encore 4+6 l
Les beaux coursiers | que conduit le Soleil, 4+6 d
Le roi, Bonneau, | Dunois, et la Pucelle, 4+6 f
Allègrement | se remirent en selle, 4+6 f
Pour découvrir | ce superbe palais. 4+6 c
395 Charles disait : | « Voyons d'abord ma belle ; 4+6 f
Nous rejoindrons | assez tôt les Anglais ; 4+6 c
Le plus pressé, | c'est de vivre avec elle. » 4+6 f
mètre profil métrique : 4+6
logo du CRISCO logo de l'université