Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
VOL_2/VOL33
VOLTAIRE
(François-Marie Arouet)
La Pucelle d'Orléans
1752
CHANT XII
Argument
Monrose tue l'aumonier, Charles retrouve Agnès, qui se consolait avec Monrose dans le château de Cutendre.
J'avais juré | de laisser la morale, 4+6 a
De conter net, | de fuir les longs discours : 4+6 b
Mais que ne peut | ce grand dieu des amours ? 4+6 b
Il est bavard, | et ma plume inégale 4+6 a
5 Va griffonnant | de son bec effilé 4+6 a
Ce qu'il inspire | à mon cerveau brûlé. 4+6 a
Jeunes beautés, | filles, veuves ou femmes, 4+6 a
Qu'il enrôla | sous ses drapeaux charmants, 4+6 b
Vous qui lancez | et recevez ses flammes, 4+6 a
10 Or dites-moi, | quand deux jeunes amants, 4+6 b
Égaux en grâce, | en mérite, en talents, 4+6 b
Au doux plaisir | tous deux vous sollicitent, 4+6 a
Également | vous pressent, vous excitent, 4+6 a
Mettent en feu | vos sensibles appas, 4+6 a
15 Vous éprouvez | un étrange embarras. 4+6 a
Connaissez-vous | cette histoire frivole 4+6 a
D'un certain âne, | illustre dans l'école ? 4+6 a
Dans l'écurie | on vint lui présenter 4+6 a
Pour son dîner | deux mesures égales, 4+6 b
20 De même forme, | à pareils intervalles : 4+6 b
Des deux côtés | l'âne se vit tenter 4+6 a
Également, | et, dressant ses oreilles 4+6 a
Juste au milieu | des deux formes pareilles, 4+6 a
De l'équilibre | accomplissant les lois, 4+6 a
25 Mourut de faim, | de peur de faire un choix. 4+6 a
N'imitez point | cette philosophie ; 4+6 a
Daignez plutôt | honorer tout d'un temps 4+6 b
De vos bontés | vos deux jeunes amants, 4+6 b
Et gardez-vous | de risquer votre vie. 4+6 a
30 A quelques pas | de ce joli couvent, 4+6 a
Si pollué, | si triste, et si sanglant, 4+6 a
Où le matin | vingt nonnes affligées 4+6 a
Par l'amazone | ont été trop vengées, 4+6 a
Près de la Loire | était un vieux château 4+6 a
35 A pont-levis, | mâchicoulis, tourelles ; 4+6 b
Un long canal | transparent, à fleur d'eau, 4+6 a
En serpentant | tournait auprès d'icelles, 4+6 b
Puis embrassait, | en quatre cents jets d'arc, 4+6 a
Les murs épais | qui défendaient le parc. 4+6 a
40 Un vieux baron, | surnommé de Cutendre, 4+6 a
Était seigneur | de cet heureux logis. 4+6 b
En sûreté | chacun pouvait s'y rendre : 4+6 a
Le vieux seigneur, | dont l'âme est bonne et tendre, 4+6 a
En avait fait | l'asile du pays. 4+6 b
45 Français, Anglais, | tous étaient ses amis ; 4+6 b
Tout voyageur | en coche, en botte, en guêtre, 4+6 c
Ou prince, ou moine, | ou nonne, ou turc, ou prêtre, 4+6 c
Y recevait | un accueil gracieux : 4+6 d
Mais il fallait | qu'on entrât deux à deux ; 4+6 d
50 Car tout baron | a quelque fantaisie, 4+6 a
Et celui-ci | pour jamais résolut 4+6 b
Qu'en son châtel | en nombre pair on fût, 4+6 b
Jamais impair : | telle était sa folie. 4+6 a
Quand deux à deux | on abordait chez lui, 4+6 a
55 Tout allait bien : | mais malheur à celui 4+6 a
Qui venait seul | en ce logis se rendre ! 4+6 a
Il soupait mal ; | il lui fallait attendre 4+6 a
Qu'un compagnon | formât ce nombre heureux, 4+6 a
Nombre parfait | qui fait que deux font deux. 4+6 a
60 La fière Jeanne | ayant repris ses armes, 4+6 a
Qui cliquetaient | sur ses robustes charmes, 4+6 a
Devers la nuit | y conduisit au frais, 4+6 a
En devisant, | la belle et douce Agnès. 4+6 a
Cet aumônier | qui la suivait de près, 4+6 a
65 Cet aumônier | ardent, insatiable, 4+6 a
Arrive aux murs | du logis charitable. 4+6 a
Ainsi qu'un loup | qui mâche sous sa dent 4+6 a
Le fin duvet | d'un jeune agneau bêlant, 4+6 a
Plein de l'ardeur | d'achever sa curée, 4+6 a
70 Va du bercail | escalader l'entrée : 4+6 a
Tel, enflammé | de sa lubrique ardeur, 4+6 a
L'œil tout en feu, | l'aumônier ravisseur 4+6 a
Allait cherchant | les restes de sa joie, 4+6 a
Qu'on lui ravit | lorsqu'il tenait sa proie. 4+6 a
75 Il sonne, il crie : | on vient ; on aperçut 4+6 a
Qu'il était seul, | et soudain il parut 4+6 a
Que les deux bois | dont les forces mouvantes 4+6 a
Font ébranler | les solives tremblantes 4+6 a
Du pont-levis | par les airs s'élevaient, 4+6 a
80 Et, s'élevant, | le pont-levis haussaient. 4+6 a
A ce spectacle, | à cet ordre du maître, 4+6 a
Qui jura Dieu ? | ce fut mon vilain prêtre. 4+6 a
Il suit des yeux | les deux mobiles bois ; 4+6 a
Il tend les mains, | veut crier, perd la voix. 4+6 a
85 On voit souvent, | du haut d'une gouttière, 4+6 a
Descendre un chat | auprès d'une volière : 4+6 a
Passant la griffe | à travers les barreaux 4+6 a
Qui contre lui | défendent les oiseaux, 4+6 a
Son œil poursuit | cette espèce emplumée, 4+6 a
90 Qui se tapit | au fond d'une ramée. 4+6 a
Notre aumônier | fut encor plus confus, 4+6 a
Alors qu'il vit | sous des ormes touffus 4+6 a
Un beau jeune homme | à la tresse dorée, 4+6 a
Au sourcil noir, | à la mine assurée, 4+6 a
95 Aux yeux brillants, | au menton cotonné, 4+6 a
Au teint fleuri, | par les grâces orné, 4+6 a
Tout rayonnant | des couleurs du bel âge : 4+6 a
C'était l'Amour, | ou c'était mon beau page ; 4+6 a
C'était Monrose. | Il avait tout le jour 4+6 a
100 Cherché l'objet | de son naissant amour. 4+6 a
Dans le couvent | reçu par les nonnettes, 4+6 a
Il apparut | à ces filles discrètes 4+6 a
Non moins charmant | que l'ange Gabriel, 4+6 a
Pour les bénir | venant du haut du ciel. 4+6 a
105 Les tendres sœurs, | voyant le beau Monrose, 4+6 a
Sentaient rougir | leurs visages de rose, 4+6 a
Disant tout bas : | « Ah ! que n'était-il là, 4+6 a
Dieu paternel, | quand on nous viola ? » 4+6 a
Toutes en cercle | autour de lui se mirent, 4+6 a
110 Parlant sans cesse ; | et lorsqu'elles apprirent 4+6 a
Que ce beau page | allait chercher Agnès, 4+6 a
On lui donna | le coursier le plus frais, 4+6 a
Avec un guide, | afin que sans esclandre 4+6 a
Il arrivât | au château de Cutendre. 4+6 a
115 En arrivant, | il vit près du chemin, 4+6 a
Non loin du pont, | l'aumônier inhumain. 4+6 a
Lors, tout ému | de joie et de colère : 4+6 a
« Ah ! c'est donc toi, | prêtre de Belzébut ! 4+6 b
Je jure ici | Chandos et mon salut, 4+6 b
120 Et, plus encor, | les yeux qui m'ont su plaire, 4+6 a
Que tes forfaits | vont enfin se payer. » 4+6 a
Sans repartir, | le bouillant aumônier 4+6 a
Prend d'une main | par la rage tremblante 4+6 a
Un pistolet, | en presse la détente ; 4+6 a
125 Le chien s'abat, | le feu prend, le coup part ; 4+6 a
Le plomb chassé | siffle et vole au hasard, 4+6 a
Suivant au loin | la ligne mal mirée 4+6 a
Que lui traçait | une main égarée. 4+6 a
Le page vise, | et, par un coup plus sûr, 4+6 a
130 Atteint le front, | ce front horrible et dur, 4+6 a
Où se peignait | une âme détestable. 4+6 a
L'aumônier tombe, | et le page vainqueur 4+6 b
Sentit alors | dans le fond de son cœur 4+6 b
De la pitié | le mouvement aimable. 4+6 a
135 « Hélas ! dit-il, | meurs du moins en chrétien, 4+6 a
Dis Te Deum ; | tu vécus comme un chien ; 4+6 a
Demande au ciel | pardon de ta luxure ; 4+6 a
Prononce amen ; | donne ton âme à Dieu. 4+6 b
— Non, répondit | le maraud à tonsure ; 4+6 a
140 Je suis damné, | je vais au diable : adieu. » 4+6 b
Il dit, et meurt ; | son âme déloyale 4+6 a
Alla grossir | la cohorte infernale. 4+6 a
Tandis qu'ainsi | ce monstre impénitent 4+6 a
Allait rôtir | aux brasiers de Satan, 4+6 a
145 Le bon roi Charle, | accablé de tristesse, 4+6 a
Allait cherchant | son errante maîtresse, 4+6 a
Se promenant, | pour calmer sa douleur, 4+6 a
Devers la Loire | avec son confesseur. 4+6 a
Il faut ici, | lecteur, que je remarque 4+6 a
150 En peu de mots | ce que c'est qu'un docteur 4+6 b
Qu'en sa jeunesse | un amoureux monarque 4+6 a
Par étiquette | a pris pour directeur. 4+6 b
C'est un mortel | tout pétri d'indulgence, 4+6 a
Qui doucement | fait pencher dans ses mains 4+6 b
155 Du bien, du mal, | la trompeuse balance ; 4+6 a
Vous mène au ciel | par d'aimables chemins, 4+6 b
Et fait pécher | son maître en conscience : 4+6 a
Son ton, ses yeux, | son geste composant, 4+6 a
Observant tout, | flattant avec adresse 4+6 b
160 Le favori, | le maître, la maîtresse ; 4+6 b
Toujours accort, | et toujours complaisant. 4+6 a
Le confesseur | du monarque gallique 4+6 a
Était un fils | du bon saint Dominique ; 4+6 a
Il s'appelait | le père Bonifoux, 4+6 a
165 Homme de bien, | se faisant tout à tous, 4+6 a
Il lui disait | d'un ton dévot et doux : 4+6 a
« Que je vous plains ! | la partie animale 4+6 a
Prend le dessus : | la chose est bien fatale. 4+6 a
Aimer Agnès | est un péché vraiment ; 4+6 a
170 Mais ce péché | se pardonne aisément : 4+6 a
Au temps jadis | il était fort en vogue 4+6 a
Chez les Hébreux, | enfants du Décalogue. 4+6 a
Cet Abraham, | ce père des croyants, 4+6 a
Avec Agar | s'avisa d'être père ; 4+6 b
175 Car sa servante | avait des yeux charmants, 4+6 a
Qui de Sara | méritaient la colère. 4+6 b
Jacob le juste | épousa les deux sœurs. 4+6 c
Tout patriarche | a connu les douceurs 4+6 c
Du changement | dans l'amoureux mystère. 4+6 b
180 Le vieux Booz | en son vieux lit reçut 4+6 a
Après moisson | la bonne et vieille Ruth ; 4+6 a
Et, sans compter | la belle Bethsabée, 4+6 a
Du bon David | l'âme fut absorbée 4+6 a
Dans les plaisirs | de son ample sérail. 4+6 a
185 Son vaillant fils, | fameux par sa crinière, 4+6 b
Un beau matin, | par vertu singulière, 4+6 b
Vous repassa | tout ce gentil bercail. 4+6 a
De Salomon | vous savez le partage : 4+6 a
Comme un oracle | on écoutait sa voix ; 4+6 b
190 Il savait tout ; | et des rois le plus sage 4+6 a
Était aussi | le plus galant des rois. 4+6 b
De leurs péchés | si vous suivez la trace, 4+6 a
Si vos beaux ans | sont livrés à l'amour, 4+6 b
Consolez-vous ; | la sagesse a son tour. 4+6 b
195 Jeune on s'égare, | et vieux on obtient grâce. 4+6 a
— Ah ! dit Charlot, | ce discours est fort bon ; 4+6 a
Mais que je suis | bien loin de Salomon ! 4+6 a
Que son bonheur | augmente mes détresses ! 4+6 a
Pour ses ébats | il eut trois cent maîtresses, 4+6 a
200 Je n'en ai qu'une ; | hélas ! je ne l'ai plus. » 4+6 a
Des pleurs alors, | sur son nez répandus, 4+6 a
Interrompaient | sa voix tendre et plaintive, 4+6 a
Lorsqu'il avise, | en tournant vers la rive, 4+6 a
Sur un cheval | trottant d'un pas hardi, 4+6 a
205 Un manteau rouge, | un ventre rebondi, 4+6 a
Un vieux rabat ; | c'était Bonneau lui-même. 4+6 a
Or chacun sait | qu'après l'objet qu'on aime 4+6 a
Rien n'est plus doux | pour un parfait amant 4+6 a
Que de trouver | son très-cher confident. 4+6 a
210 Le roi, perdant | et reprenant haleine, 4+6 a
Crie à Bonneau : | « Quel démon te ramène ? 4+6 a
Que fait Agnès ? | dis ; d'où viens-tu ? quels lieux 4+6 a
Sont embellis, | éclairés par ses yeux ? 4+6 a
Où la trouver ? | dis donc, réponds donc, parle. » 4+6 a
215 Aux questions | qu'enfilait le roi Charle, 4+6 a
Le bon Bonneau | conta de point en point 4+6 a
Comme il avait | été mis en pourpoint, 4+6 a
Comme il avait | servi dans la cuisine, 4+6 a
Comme il avait | par fraude clandestine 4+6 a
220 Et par miracle, | à Chandos échappé, 4+6 b
Quand à se battre | on était occupé ; 4+6 b
Comme on cherchait | cette beauté divine : 4+6 a
Sans rien omettre | il raconta fort bien 4+6 a
Ce qu'il savait ; | mais il ne savait rien. 4+6 a
225 Il ignorait | la fatale aventure, 4+6 a
Du prêtre Anglais | la brutale luxure, 4+6 a
Du page aimé | l'amour respectueux. 4+6 a
Et du couvent | le sac incestueux. 4+6 a
Après avoir | bien expliqué leurs craintes, 4+6 a
230 Repris cent fois | le fil de leurs complaintes, 4+6 a
Maudit le sort | et les cruels Anglais, 4+6 a
Tous deux étaient | plus tristes que jamais. 4+6 a
Il était nuit ; | le char de la grande Ourse 4+6 a
Vers son nadir | avait fourni sa course. 4+6 a
235 Le jacobin | dit au prince pensif : 4+6 a
« Il est bien tard ; | soyez mémoratif 4+6 a
Que tout mortel, | prince ou moine, à cette heure, 4+6 a
Devrait chercher | quelque honnête demeure, 4+6 a
Pour y souper, | et pour passer la nuit. » 4+6 a
240 Le triste roi, | par le moine conduit, 4+6 a
Sans rien répondre, | et ruminant sa peine, 4+6 a
Le cou penché, | galope dans la plaine ; 4+6 a
Et bientôt Charle, | et le prêtre et Bonneau, 4+6 a
Furent tous trois | aux fossés du château. 4+6 a
245 Non loin du pont | était l'aimable page, 4+6 a
Lequel, ayant | jeté dans le canal 4+6 b
Le corps maudit | de son damné rival, 4+6 b
Ne perdait point | l'objet de son voyage. 4+6 a
Il dévorait | en secret son ennui, 4+6 a
250 Voyant ce pont | entre sa dame et lui. 4+6 a
Mais quand il vit | aux rayons de la lune 4+6 a
Les trois Français, | il sentit que son cœur 4+6 b
Du doux espoir | éprouvait la chaleur ; 4+6 b
Et d'une grâce | adroite et non commune 4+6 a
255 Cachant son nom, | et surtout son ardeur, 4+6 b
Dès qu'il parut, | dès qu'il se fit entendre, 4+6 a
Il inspira | je ne sais quoi de tendre ; 4+6 a
Il plut au prince, | et le moine bénin 4+6 a
Le caressait | de son air patelin, 4+6 a
260 D'un œil dévot, | et du plat de la main. 4+6 a
Le nombre pair | étant formé de quatre, 4+6 a
On vit bientôt | les deux flèches abattre 4+6 a
Le pont mobile ; | et les quatre coursiers 4+6 a
Font en marchant | gémir les madriers. 4+6 a
265 Le gros Bonneau | tout essoufflé chemine, 4+6 a
En arrivant, | droit devers la cuisine, 4+6 a
Songe au souper ; | le moine au même lieu 4+6 a
Dévotement | en rendit grâce à Dieu. 4+6 a
Charles, prenant | un nom de gentilhomme, 4+6 a
270 Court à Cutendre, | avant qu'il prît son somme. 4+6 a
Le bon baron | lui fit son compliment, 4+6 a
Puis le mena | dans son appartement. 4+6 a
Charle a besoin | d'un peu de solitude, 4+6 a
Il veut jouir | de son inquiétude ; 4+6 a
275 Il pleure Agnès : | il ne se doutait pas 4+6 a
Qu'il fût si près | de ses jeunes appas. 4+6 a
Le beau Monrose | en sut bien davantage. 4+6 a
Avec adresse | il fit causer un page ; 4+6 a
Il se fit dire | où reposait Agnès, 4+6 a
280 Remarquant tout | avec des yeux discrets. 4+6 a
Ainsi qu'un chat, | qui d'un regard avide 4+6 a
Guette au passage | une souris timide, 4+6 a
Marchant tout doux, | la terre ne sent pas 4+6 a
L'impression | de ses pieds délicats ; 4+6 a
285 Dès qu'il la vue, | il a sauté sur elle : 4+6 a
Ainsi Monrose, | avançant vers la belle, 4+6 a
Étend un bras, | puis avance à tâtons, 4+6 a
Posant l'orteil | et haussant les talons. 4+6 a
Agnès, Agnès, | il entre dans la chambre ! 4+6 a
290 Moins promptement | la paille vole à l'ambre, 4+6 a
Et le fer suit | moins sympathiquement 4+6 a
Le tourbillon | qui l'unit à l'aimant. 4+6 a
Le beau Monrose | en arrivant se jette 4+6 a
A deux genoux | au bord de la couchette, 4+6 a
295 Où sa maîtresse | avait entre deux draps, 4+6 a
Pour sommeiller, | arrangé ses appas. 4+6 a
De dire un mot | aucun d'eux n'eut la force 4+6 a
Ni le loisir ; | le feu prit à l'amorce 4+6 a
En un clin d'œil ; | un baiser amoureux 4+6 a
300 Unit soudain | leurs bouches demi-closes ; 4+6 b
Leur âme vint | sur leurs lèvres de roses ; 4+6 b
Un tendre feu | sortit de leurs beaux yeux ; 4+6 a
Dans leurs baisers | leurs langues se cherchèrent. 4+6 a
Qu'éloquemment | alors elles parlèrent ! 4+6 a
305 Discours muets, | langage des désirs, 4+6 a
Charmant prélude, | organe des plaisirs, 4+6 a
Pour un moment | il vous fallut suspendre 4+6 a
Ce doux concert, | et ce duo si tendre. 4+6 a
Agnès aida | Monrose impatient 4+6 a
310 A dépouiller, | à jeter promptement 4+6 a
De ses habits | l'incommode parure, 4+6 a
Déguisement | qui pèse à la nature, 4+6 a
Dans l'âge d'or | aux mortels inconnu, 4+6 a
Que hait surtout | un dieu qui va tout nu. 4+6 a
315 Dieux ! quels objets ! | Est-ce Flore et Zéphyre ? 4+6 a
Est-ce Psyché | qui caresse l'Amour ? 4+6 b
Est-ce Vénus | que le fils de Cynire 4+6 a
Tient dans ses bras | loin des rayons du jour, 4+6 b
Tandis que Mars | est jaloux et soupire ? 4+6 a
320 Le Mars français, | Charle, au fond du château, 4+6 a
Soupire alors | avec l'ami Bonneau, 4+6 a
Mange à regret | et boit avec tristesse. 4+6 a
Un vieux valet, | bavard de son métier, 4+6 b
Pour égayer | sa taciturne altesse, 4+6 a
325 Apprit au roi, | sans se faire prier, 4+6 b
Que deux beautés, | l'une robuste et fière, 4+6 a
L'autre plus douce, | aux yeux bleus, au teint frais, 4+6 b
Couchaient alors | dans la gentilhommière. 4+6 a
Charle étonné | les soupçonne à ces traits ; 4+6 b
330 Il se fait dire | et puis redire encore 4+6 a
Quels sont les yeux, | la bouche, les cheveux, 4+6 b
Le doux parler, | le maintien vertueux 4+6 b
Du cher objet | de son cœur amoureux : 4+6 b
C'est elle enfin, | c'est tout ce qu'il adore ; 4+6 a
335 Il en est sûr, | il quitte son repas. 4+6 a
« Adieu Bonneau : | je cours entre ses bras. » 4+6 a
Il dit et vole, | et non pas sans fracas : 4+6 a
Il était roi, | cherchant peu le mystère. 4+6 a
Plein de sa joie, | il répète et redit 4+6 b
340 Le nom d'Agnès, | tant qu'Agnès l'entendit. 4+6 b
Le couple heureux | en trembla dans son lit. 4+6 c
Que d'embarras ! | comment sortir d'affaire ? 4+6 a
Voici comment | le beau page s'y prit : 4+6 c
Près du lambris, | dans une grande armoire, 4+6 a
345 On avait mis | un petit oratoire, 4+6 a
Autel de poche, | où, lorsque l'on voulait, 4+6 a
Pour quinze sous | un capucin venait. 4+6 a
Sur le retable, | en voûte pratiquée, 4+6 a
Est une niche | en attendant son saint. 4+6 b
350 D'un rideau vert | la niche était masquée. 4+6 a
Que fait Monrose ? | un beau penser lui vint 4+6 b
De s'ajuster | dans la nichée sacrée ; 4+6 a
En bienheureux, | derrière le rideau, 4+6 b
Il se tapit, | sans pourpoint, sans manteau. 4+6 b
355 Charles volait, | et presque dès l'entrée 4+6 a
Il saute au cou | de sa belle adorée ; 4+6 a
Et, tout en pleurs, | il veut jouir des droits 4+6 a
Qu'ont les amants, | surtout quand ils sont rois. 4+6 a
Le saint caché | frémit à cette vue ; 4+6 a
360 Il fait du bruit, | et la toile remue : 4+6 a
Le prince approche, | il y porte la main, 4+6 a
Il sent un corps, | il recule, il s'écrie : 4+6 b
« Amour, Satan, | saint François, saint Germain ! 4+6 a
Moitié frayeur | et moitié jalousie ; 4+6 b
365 Puis tire à lui, | fait tomber sur l'autel, 4+6 a
Avec grand bruit, | le rideau sous lequel 4+6 a
Se blottissait | cette aimable figure 4+6 a
Qu'à son plaisir | façonna la nature. 4+6 a
Son dos tourné | par pudeur étalait 4+6 a
370 Ce que César | sans pudeur soumettait 4+6 a
A Nicomède | en sa belle jeunesse, 4+6 a
Ce que jadis | le héros de la Grèce 4+6 a
Admira tant | dans son Éphestion, 4+6 b
Ce qu'Adrien | mit dans le Panthéon : 4+6 b
375 Que les héros, | ô ciel, ont de faiblesse ! 4+6 a
Si mon lecteur | n'a point perdu le fil 4+6 a
De cette histoire, | au moins se souvient-il 4+6 a
Que dans le camp | la courageuse Jeanne 4+6 a
Traça jadis | au bas d'un dos profane, 4+6 a
380 D'un doigt conduit | par monsieur saint Denys, 4+6 a
Adroitement | trois belles fleurs de lis. 4+6 a
Cet écusson, | ces trois fleurs, ce derrière, 4+6 a
Émurent Charle : | il se mit en prière ; 4+6 a
Il croit que c'est | un tour de Belzébut. 4+6 a
385 De repentir | et de douleur atteinte, 4+6 b
La belle Agnès | s'évanouit de crainte. 4+6 b
Le prince alors, | dont le trouble s'accrut, 4+6 a
Lui prend les mains : | « Qu'on vole ici vers elle, 4+6 a
Accourez tous ; | le diable est chez ma belle. » 4+6 a
390 Aux cris du roi | le confesseur troublé, 4+6 a
Non sans regret | quitte aussitôt la table ; 4+6 b
L'ami Bonneau | monte tout essoufflé ; 4+6 a
Jeanne s'éveille, | et, d'un bras redoutable 4+6 b
Prenant ce fer | que la victoire suit, 4+6 a
395 Cherche l'endroit | d'où partait tout le bruit : 4+6 a
Et cependant | le baron de Cutendre 4+6 a
Dormait à l'aise, | et ne put rien entendre. 4+6 a
mètre profil métrique : 4+6
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