Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
VOL_2/VOL32
VOLTAIRE
(François-Marie Arouet)
La Pucelle d'Orléans
1752
CHANT XI
Argument
Les Anglais violent le couvent : combat de saint George, patron d'Angleterre, contre saint Denys, patron de la France.
Je vous dirai, sans harangue inutile, 4+6 a
Que le matin nos deux charmants reclus, 4+6 b
Lassés tous deux des plaisirs défendus, 4+6 b
S'abandonnaient, l'un vers l'autre étendus, 4+6 b
5 Au doux repos d'une ivresse tranquille. 4+6 a
Un bruit affreux dérange leur sommeil. 4+6 c
De tous côtés le flambeau de la guerre, 4+6 d
L'horrible mort éclaire leur réveil ; 4+6 c
Près du couvent le sang couvrait la terre. 4+6 d
10 Cet escadrons de malandrins anglais 4+6 e
Avait battu cet escadron français. 4+6 e
Ceux-ci s'en vont au travers de la plaine, 4+6 f
Le fer en main ; ceux-là volent après, 4+6 e
Frappant, tuant, criant tous hors d'haleine : 4+6 f
15 « Mourez sur l'heure, ou rendez-nous Agnès. » 4+6 e
Mais aucun d'eux n'en savait de nouvelles. 4+6 g
Le vieux Colin, pasteur de ces cantons, 4+6 h
Leur dit : « Messieurs, en gardant mes moutons, 4+6 h
Je vis hier le miracle des belles 4+6 g
20 Qui vers le soir entrait en ce moutier. » 4+6 i
Lors les Anglais se mirent à crier : 4+6 i
« Ah ! c'est Agnès, n'en doutons point, c'est elle ; 4+6 j
Entrons, amis. » La cohorte cruelle 4+6 j
Saute à l'instant dessus ces murs bénis : 4+6 k
25 Voilà les loups au milieu des brebis. 4+6 k
Dans le dortoir, de cellule en cellule, 4+6 l
A la chapelle, à la cave, en tout lieu, 4+6 m
Ces ennemis des servantes de Dieu 4+6 m
Attaquent tout sans honte et sans scrupule. 4+6 l
30 Ah ! sœur Agnès, sœur Marton, sœur Ursule, 4+6 l
Où courez-vous, levant les mains aux cieux, 4+6 n
Le trouble au sein, la mort dans vos beaux yeux ? 4+6 n
Où fuyez-vous, colombes gémissantes ? 4+6 o
Vous embrassez, interdites, tremblantes, 4+6 o
35 Ce saint autel, asile redouté, 4+6 i
Sacré garant de votre chasteté. 4+6 i
C'est vainement, dans ce péril funeste, 4+6 p
Que vous criez à votre époux céleste : 4+6 p
A ses yeux même, à ces mêmes autels, 4+6 e
40 Tendre troupeau, vos ravisseurs cruels 4+6 e
Vont profaner la foi pure et sacrée, 4+6 q
Qu'innocemment votre bouche a jurée. 4+6 q
Je sais qu'il est des lecteurs bien mondains, 4+6 r
Gens sans pudeur, ennemis des nonnains, 4+6 r
45 Mauvais plaisants, de qui l'esprit frivole 4+6 s
Ose insulter aux filles qu'on viole : 4+6 s
Laissons-les dire. Hélas ! mes chères sœurs, 4+6 t
Qu'il est affreux pour de si jeunes cœurs, 4+6 t
Pour des beautés si simples, si timides, 4+6 u
50 De se débattre en des bras homicides ; 4+6 u
De recevoir les baisers dégoûtants 4+6 v
De ces félons de carnage fumants, 4+6 v
Qui, d'un effort détestable et farouche, 4+6 w
Les yeux en feu, le blasphème à la bouche, 4+6 w
55 Mêlant l'outrage avec la volupté, 4+6 i
Vous font l'amour avec férocité ; 4+6 i
De qui l'haleine horrible, empoisonnée, 4+6 q
La barbe dure, et la main forcenée, 4+6 q
Le corps hideux, le bras noir et sanglant, 4+6 x
60 Semblent donner la mort en caressant, 4+6 x
Et qu'on prendrait dans leurs fureurs étranges, 4+6 y
Pour des démons qui violent des anges ! 4+6 y
Déjà le crime, aux regards effrontés, 4+6 z
A fait rougir ces pudiques beautés. 4+6 z
65 Sœur Rebondi, si dévote et si sage, 4+6 a
Au fier Shipunk est tombée en partage ; 4+6 a
Le dur Barclay, l'incrédule Warton, 4+6 b
Sont tous les deux après sœur Amidon. 4+6 b
On pleure, on prie, on jure, on presse, on cogne. 4+6 c
70 Dans le tumulte on voyait sœur Besogne 4+6 c
Se débattant contre Bard et Parson : 4+6 b
Ils ignoraient que Besogne est garçon, 4+6 b
Et la pressaient sans entendre raison. 4+6 b
Aimable Agnès, dans la troupe affligée 4+6 q
75 Vous n'étiez pas pour être négligée ; 4+6 q
Et votre sort, objet charmant et doux, 4+6 d
Est à jamais de pécher malgré vous. 4+6 d
Le chef sanglant de la gent sacrilège, 4+6 f
Hardi vainqueur, vous presse et vous assiège, 4+6 f
80 Et les soldats, soumis dans leur fureur, 4+6 g
Avec respect lui cédaient cet honneur. 4+6 g
Le juste ciel, en ses décrets sévères, 4+6 h
Met quelquefois un terme à nos misères. 4+6 h
Car dans le temps que messieurs d'Albion 4+6 b
85 Avaient placé l'abomination 4+6 b
Tout au milieu de la sainte Sion, 4+6 b
Du haut des cieux, le patron de la France, 4+6 i
Le bon Denys, propice à l'innocence, 4+6 i
Crut échapper aux soupçons inquiets 4+6 e
90 Du fier saint George, ennemi des Français. 4+6 e
Du Paradis il vint en diligence. 4+6 i
Mais, pour descendre au terrestre séjour, 4+6 j
Plus ne monta sur un rayon du jour ; 4+6 j
Sa marche alors aurait paru trop claire. 4+6 d
95 Il s'en alla vers le dieu du mystère ; 4+6 d
Dieu sage et fin, grand ennemi du bruit, 4+6 k
Qui partout vole et ne va que de nuit ; 4+6 k
Il favorise (et certes c'est dommage) 4+6 a
Force fripons, mais il conduit le sage : 4+6 a
100 Il est sans cesse à l'église, à la cour ; 4+6 j
Au temps jadis il a guidé l'Amour. 4+6 j
Il mit d'abord au milieu d'un nuage 4+6 a
Le bon Denys ; puis il fit le voyage 4+6 a
Par un chemin solitaire, écarté, 4+6 i
105 Parlant tout bas, et marchant de côté. 4+6 i
Des bons Français le protecteur fidèle 4+6 j
Non loin de Blois rencontra la Pucelle, 4+6 j
Qui sur le dos de son gros muletier 4+6 i
Gagnait pays par un petit sentier, 4+6 i
110 En priant Dieu qu'une heureuse aventure 4+6 l
Lui fît enfin retrouver son armure. 4+6 l
Tout du plus loin que saint Denys la vit, 4+6 k
D'un ton bénin le bon patron lui dit : 4+6 k
« O ma Pucelle, ô vierge destinée 4+6 q
115 A protéger les filles et les rois, 4+6 m
Viens secourir la pudeur aux abois, 4+6 m
Viens réprimer la rage forcenée, 4+6 q
Viens ; que ce bras vengeur des fleurs de lis 4+6 k
Soit le sauveur de mes tendrons bénis : 4+6 k
120 Vois ce couvent, le temps presse, on viole ; 4+6 s
Viens, ma Pucelle ! » Il dit, et Jeanne y vole. 4+6 s
Le cher patron, lui servant d'écuyer, 4+6 i
A coup de fouet hâtait le muletier. 4+6 i
Vous voici, Jeanne, au milieu des infâmes 4+6 n
125 Qui tourmentaient ces vénérables dames. 4+6 n
Jeanne était nue ; un Anglais impudent 4+6 x
Vers cet objet tourne soudain la tête ; 4+6 o
Il la convoite ; il pense fermement 4+6 x
Qu'elle venait pour être de la fête. 4+6 o
130 Vers elle il court, et sur sa nudité 4+6 i
Il va cherchant la sale volupté. 4+6 i
On lui répond d'un coup de cimeterre 4+6 d
Droit sur le nez. L'infâme roule à terre, 4+6 d
Jurant ce mot des Français révéré, 4+6 i
135 Mot énergique, au plaisir consacré, 4+6 i
Mot que souvent le profane vulgaire 4+6 d
Indignement prononce en sa colère. 4+6 d
Jeanne, à ses pieds foulant son corps sanglant, 4+6 x
Criait tout haut à ce peuple méchant : 4+6 x
140 « Cessez, cruels ; cessez, troupe profane ; 4+6 p
O violeurs, craignez Dieu, craignez Jeanne ! » 4+6 p
Ces mécréants, au grand œuvre attachés, 4+6 z
N'écoutaient rien, sur leurs nonnains juchés : 4+6 z
Tels des ânons broutent des fleurs naissantes 4+6 o
145 Malgré les cris du maître et des servantes. 4+6 o
Jeanne, qui voit leurs impudents travaux, 4+6 q
De grande horreur saintement transportée, 4+6 q
Invoquant Dieu, de Denys assistée, 4+6 q
Le fer en main, vole de dos en dos, 4+6 q
150 De nuque en nuque, et d'échine en échine, 4+6 s
Frappant, perçant de sa pique divine, 4+6 s
Pourfendant l'un alors qu'il commençait ; 4+6 t
Dépêchant l'autre alors qu'il finissait, 4+6 t
Et moissonnant la cohorte félonne ; 4+6 u
155 Si que chacun fut percé sur sa nonne, 4+6 u
Et perdant l'âme au fort de son désir, 4+6 v
Allait au diable en mourant de plaisir. 4+6 v
Isâc Warton, dont la lubrique rage 4+6 a
Avait pressé son détestable ouvrage, 4+6 a
160 Ce dur Warton fut le seul écuyer 4+6 i
Qui de sa nonne osa se délier, 4+6 i
Et droit en pied, reprenant son armure 4+6 l
Attendit Jeanne, et changea de posture. 4+6 l
O vous, grand saint, protecteur de l'État, 4+6 w
165 Bon saint Denys, témoin de ce combat, 4+6 w
Daignez redire à ma muse fidèle 4+6 j
Ce qu'à vos yeux fit alors ma Pucelle. 4+6 j
Jeanne d'abord frémit, s'émerveilla : 4+6 x
« Mon cher Denys ! mon saint ! que vois-je là ? 4+6 x
170 Mon corselet, mon armure céleste, 4+6 p
Ce beau présent que tu m'avais donné, 4+6 i
Brille à mes yeux au dos de ce damné ! 4+6 i
Il a mon casque, il a ma soubreveste. » 4+6 p
Il était vrai ; la Jeanne avait raison : 4+6 b
175 La belle Agnès, en troquant de jupon, 4+6 b
De cette armure en secret habillée, 4+6 q
Par Jean Chandos fut bientôt dépouillée. 4+6 q
Isâc Warton, écuyer de Chandos, 4+6 r
Prit cette armure et s'en couvrit le dos. 4+6 r
180 O Jeanne d'Arc ! ô fleur des héroïnes ! 4+6 y
Tu combattais pour des armes divines, 4+6 y
Pour ton grand roi si longtemps outragé, 4+6 i
Pour la pudeur de cent bénédictines, 4+6 y
Pour saint Denys de leur honneur chargé. 4+6 i
185 Denys la voit qui donne avec audace 4+6 z
Cent coups de sabre à sa propre cuirasse, 4+6 z
A son armet d'une aigrette ombragé. 4+6 i
Au mont Etna, dans leur forge brûlante, 4+6 a
Du noir Vulcain les borgnes compagnons 4+6 h
190 Font retentir l'enclume étincelante 4+6 a
Sous des marteaux moins pesants et moins prompts, 4+6 h
En préparant au maître du tonnerre 4+6 d
Son gros canon trop bravé sur la terre. 4+6 d
Le fier Anglais, de fer enharnaché, 4+6 i
195 Recule un pas ; son âme est stupéfaite, 4+6 o
Quand il se voit si rudement touché 4+6 i
Par une jeune et fringante brunette. 4+6 o
La voyant nue, il sentit des remords ; 4+6 b
Sa main tremblait de blesser ce beau corps. 4+6 b
200 Il se défend, et combat en arrière, 4+6 d
De l'ennemie admirant les trésors, 4+6 b
Et se moquant de sa vertu guerrière. 4+6 d
Saint George alors du sein du paradis, 4+6 k
Ne voyant plus son confrère Denys, 4+6 k
205 Se douta bien que le saint de la France 4+6 i
Portait aux siens sa divine assistance. 4+6 i
Il promenait ses regards inquiets 4+6 e
Dans les recoins du céleste palais. 4+6 e
Sans balancer aussitôt il demande 4+6 c
210 Son beau cheval connu dans la Légende. 4+6 c
Le cheval vint ; George le bien monté, 4+6 i
La lance au poing, et le sabre au côté, 4+6 i
Va parcourant cet effroyable espace 4+6 z
Que des humains veut mesurer l'audace ; 4+6 z
215 Ces cieux divers, ces globes lumineux 4+6 n
Que fait tourner René le songe-creux 4+6 n
Dans un amas de subtile poussière, 4+6 d
Beaux tourbillons que l'on ne prouve guère, 4+6 d
Et que Newton, rêveur bien plus fameux, 4+6 n
220 Fait tournoyer sans boussole et sans guide 4+6 d
Autour du rien, tout au travers du vide. 4+6 d
George, enflammé de dépit et d'orgueil, 4+6 e
Franchit ce vide, arrive en un clin d'œil 4+6 e
Devers les lieux arrosés par la Loire, 4+6 f
225 Où saint Denys croyait chanter victoire. 4+6 f
Ainsi l'on voit dans la profonde nuit 4+6 k
Une comète, en sa longue carrière, 4+6 d
Étinceler d'une horrible lumière : 4+6 d
On voit sa queue, et le peuple frémit ; 4+6 k
230 Le pape en tremble, et la terre étonnée 4+6 q
Croit que les vins vont manquer cette année. 4+6 q
Tout du plus loin que saint George aperçut 4+6 g
Monsieur Denys, de colère, il s'émut ; 4+6 g
Et, brandissant sa lance meurtrière, 4+6 d
235 Il dit ces mots dans le vrai goût d'Homère : 4+6 d
« Denys, Denys ! rival faible et hargneux, 4+6 n
Timide appui d'un parti malheureux, 4+6 n
Tu descends donc en secret sur la terre 4+6 d
Pour égorger mes héros d'Angleterre ! 4+6 d
240 Crois-tu changer les ordres du destin, 4+6 h
Avec ton âne et ton bras féminin ? 4+6 h
Ne crains-tu pas que ma juste vengeance 4+6 i
Punisse enfin, toi, ta fille, et la France ? 4+6 i
Ton triste chef, branlant sur ton cou tors, 4+6 b
245 S'est vu déjà séparé de ton corps : 4+6 b
Je veux t'ôter, aux yeux de ton Église, 4+6 i
Ta tête chauve en son lieu mal remise, 4+6 i
Et t'envoyer vers les murs de Paris, 4+6 k
Digne patron des badauds attendris, 4+6 k
250 Dans ton faubourg, où l'on chôme ta fête, 4+6 o
Tenir encor et rebaiser ta tête. » 4+6 o
Le bon Denys, levant les mains aux cieux, 4+6 n
Lui répondit d'un ton tendre et pieux : 4+6 n
« O grand saint George, ô mon puissant confrère 4+6 d
255 Veux-tu toujours écouter ta colère ? 4+6 d
Depuis le temps que nous sommes au ciel, 4+6 c
Ton cœur dévot est tout pétri de fiel. 4+6 c
Nous faudra-t-il, bienheureux que nous sommes, 4+6 j
Saints enchâssés, tant fêtés chez les hommes, 4+6 j
260 Nous qui devons l'exemple aux nations, 4+6 h
Nous décrier par nos divisions ? 4+6 h
Veux-tu porter une guerre cruelle 4+6 j
Dans le séjour de la paix éternelle ? 4+6 j
Jusques à quand les saints de ton pays 4+6 k
265 Mettront-ils donc le trouble en paradis ? 4+6 k
O fiers anglais, gens toujours trop hardis, 4+6 k
Le ciel un jour, à son tour en colère, 4+6 d
Se lassera de vos façons de faire ; 4+6 d
Ce ciel n'aura, grâce à vos soins jaloux, 4+6 d
270 Plus de dévots qui viennent de chez vous. 4+6 d
Malheureux saint, pieux atrabilaire ; 4+6 d
Patron maudit d'un peuple sanguinaire, 4+6 d
Sois plus traitable ; et, pour Dieu, laisse-moi 4+6 k
Sauver la France et secourir mon roi. » 4+6 k
275 A ce discours, George, bouillant de rage, 4+6 a
Sentit monter le rouge à son visage ; 4+6 a
Et, des badauds contemplant le patron, 4+6 b
Il redoubla de force et de courage, 4+6 a
Car il prenait Denys pour un poltron. 4+6 b
280 Il fond sur lui, tel qu'un puissant faucon 4+6 b
Vole de loin sur un tendre pigeon. 4+6 b
Denys recule, et prudent il appelle 4+6 j
A haute voix son âne si fidèle, 4+6 j
Son âne ailé, sa joie et son secours. 4+6 l
285 « Viens, criait-il, viens défendre mes jours. » 4+6 l
Ainsi parlant, le bon Denys oublie 4+6 m
Que jamais saint n'a pu perdre la vie. 4+6 m
Le beau grison revenait d'Italie 4+6 m
En ce moment ; et moi, conteur succinct, 4+6 n
290 J'ai déjà dit ce qui fit qu'il revint. 4+6 n
A son Denys dos et selle il présente. 4+6 a
Notre, patron sur son âne élancé, 4+6 i
Sentit soudain sa valeur renaissante. 4+6 a
Subtilement il avait ramassé 4+6 i
295 Le fer sanglant d'un Anglais trépassé ; 4+6 i
Lors, brandissant le fatal cimeterre, 4+6 d
Il pousse à George, il le presse, il le serre. 4+6 d
George indigné lui fait tomber en bref 4+6 o
Trois horions sur son malheureux chef. 4+6 o
300 Tous sont parés ; Denys garde sa tête, 4+6 o
Et de ses coups dirige la tempête 4+6 o
Sur le cheval et sur le cavalier. 4+6 i
Le feu jaillit sur l'élastique acier ; 4+6 i
Les fers croisés, et de taille et de pointe, 4+6 p
305 A tout moment vont, au fort du combat, 4+6 w
Chercher le cou, le casque, le rabat, 4+6 w
Et l'auréole, et l'endroit délicat 4+6 w
Où la cuirasse à l'aiguillette est jointe. 4+6 p
Ces vains efforts les rendaient plus ardents ; 4+6 v
310 Tous deux tenaient la victoire en suspens, 4+6 v
Quand de sa voix terrible et discordante 4+6 a
L'âne entonna son octave écorchante. 4+6 a
Le ciel en tremble ; Écho du fond des bois 4+6 m
En frémissant répète cette voix. 4+6 m
315 George pâlit : Denys d'une main leste 4+6 p
Fait une feinte, et d'un revers céleste 4+6 p
Tranche le nez du grand saint d'Albion. 4+6 b
Le bout sanglant roule sur son arçon. 4+6 b
George, sans nez, mais non pas sans courage, 4+6 a
320 Venge à l'instant l'honneur de son visage, 4+6 a
Et jurant Dieu, selon les nobles us 4+6 b
De ses Anglais, d'un coup de cimeterre 4+6 d
Coupe à Denys ce que jadis saint Pierre, 4+6 d
Certain jeudi, fit tomber à Malchus. 4+6 b
325 A ce spectacle, à la voix ampoulée 4+6 q
De l'âne saint, à ces terribles cris, 4+6 k
Tout fut ému dans les divins lambris. 4+6 k
Le beau portail de la voûte étoilée 4+6 q
S'ouvrit alors, et des arches du ciel 4+6 c
330 On vit sortir l'archange Gabriel, 4+6 c
Qui, soutenu sur ses brillantes ailes, 4+6 g
Fend doucement les plaines éternelles 4+6 g
Portant en main la verge qu'autrefois 4+6 m
Devers le Nil eut le divin Moïse, 4+6 i
335 Quand dans la mer, suspendue et soumise, 4+6 i
Il engloutit les peuples et les rois. 4+6 m
« Que vois-je ici ? cria-t-il en colère ; 4+6 d
Deux saints patrons, deux enfants de lumière, 4+6 d
Du Dieu de paix confidents éternels, 4+6 e
340 Vont s'échiner comme de vils mortels ! 4+6 e
Laissez, laissez aux sots enfants des femmes 4+6 n
Les passions, et le fer, et les flammes ; 4+6 n
Abandonnez à leur profane sort 4+6 r
Les corps chétifs de ces grossières âmes, 4+6 n
345 Nés dans la fange, et formés pour la mort : 4+6 r
Mais vous, enfants, qu'au séjour de la vie 4+6 m
Le ciel nourrit de sa pure ambroisie, 4+6 m
Êtes-vous las d'être trop fortunés ? 4+6 i
Êtes-vous fous ? ciel ! une oreille, un nez ! 4+6 i
350 Vous que la grâce et la miséricorde 4+6 s
Avaient formés pour prêcher la concorde, 4+6 s
Pouvez-vous bien de je ne sais quels rois 4+6 m
En étourdis embrasser la querelle ? 4+6 j
Ou renoncez à la voûte éternelle, 4+6 j
355 Ou dans l'instant qu'on se rende à mes lois. 4+6 m
Que dans vos cœurs la charité s'éveille. 4+6 t
George insolent, ramassez cette oreille, 4+6 t
Ramassez, dis-je ; et vous, Monsieur Denys, 4+6 k
Prenez ce nez avec vos doigts bénis : 4+6 k
360 Que chaque chose en son lieu soit remise. » 4+6 i
Denys soudain va, d'une main soumise, 4+6 i
Rendre le bout du nez qu'il fit camus. 4+6 b
George à Denys rend l'oreille dévote 4+6 u
Qu'il lui coupa. Chacun des deux marmotte 4+6 u
365 A Gabriel un gentil oremus ; 4+6 b
Tout se rajuste, et chaque cartilage 4+6 a
Va se placer à l'air de son visage. 4+6 a
Sang, fibres, chair, tout se consolida ; 4+6 x
Et nul vestige aux deux saints ne resta 4+6 x
370 De nez coupé, ni d'oreille abattue ; 4+6 v
Tant les saints ont la chair ferme et dodue ! 4+6 v
Puis Gabriel d'un ton de président : 4+6 x
« Çà qu'on s'embrasse. » Il dit, et dans l'instant 4+6 x
Le doux Denys, sans fiel et sans colère, 4+6 d
375 De bonne foi baisa son adversaire : 4+6 d
Mais le fier George en l'embrassant jurait, 4+6 t
Et promettait que Denys le paierait. 4+6 t
Le bel archange, après cette embrassade, 4+6 w
Prend mes deux saints, et d'un air gracieux 4+6 n
380 A ses côtés les fait voguer aux cieux, 4+6 n
Où de nectar on leur verse rasade. 4+6 w
Peu de lecteurs croiront ce grand combat ; 4+6 w
Mais sous les murs qu'arrosait le Scamandre, 4+6 x
N'a-t-on pas vu jadis avec éclat 4+6 w
385 Les dieux armés de l'Olympe descendre ? 4+6 x
N'a-t-on pas vu chez cet Anglais Milton 4+6 b
D'anges ailés toute une légion 4+6 b
Rougir de sang les célestes campagnes, 4+6 y
Jeter au nez quatre ou cinq cents montagnes, 4+6 y
390 Et, qui pis est, avoir du gros canon ? 4+6 b
Or si jadis Michel et le démon 4+6 b
Se sont battus, messieurs Denys et George 4+6 z
Pouvaient sans doute, à plus forte raison, 4+6 b
Se rencontrer et se couper la gorge. 4+6 z
395 Mais dans le ciel si la paix revenait, 4+6 t
Il en était autrement sur la terre, 4+6 d
Séjour maudit de discorde et de guerre. 4+6 d
Le bon roi Charle en cent endroits courait, 4+6 t
Nommait Agnès, la cherchait, la pleurait. 4+6 t
400 Et cependant Jeanne la foudroyante, 4+6 a
De son épée invincible et sanglante, 4+6 a
Au fier Warton le trépas préparait : 4+6 t
Elle l'atteint vers l'énorme partie 4+6 m
Dont cet Anglais profana le couvent ; 4+6 x
405 Warton chancelle, et son glaive tranchant 4+6 x
Quitte sa main par la mort engourdie ; 4+6 m
Il tombe, et meurt en reniant les saints. 4+6 r
Le vieux troupeau des antiques nonnains, 4+6 r
Voyant aux pieds de l'amazone auguste 4+6 a
410 Le chevalier sanglant et trébuché, 4+6 i
Disant Ave, s'écriait : « Il est juste 4+6 a
Qu'on soit puni par où l'on a péché. » 4+6 i
Sœur Rebondi, qui dans la sacristie 4+6 m
A succombé sous le vainqueur impie, 4+6 m
415 Pleurait le traître en rendant grâce au ciel ; 4+6 c
Et mesurant des yeux le criminel, 4+6 c
Elle disait d'une voix charitable : 4+6 b
« Hélas ! hélas ! nul ne fut plus coupable. » 4+6 b
mètre profil métrique : 4+6
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