Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
VOL_2/VOL32
VOLTAIRE
(François-Marie Arouet)
La Pucelle d'Orléans
1752
CHANT XI
Argument
Les Anglais violent le couvent : combat de saint George, patron d'Angleterre, contre saint Denys, patron de la France.
Je vous dirai, | sans harangue inutile, 4+6 a
Que le matin | nos deux charmants reclus, 4+6 b
Lassés tous deux | des plaisirs défendus, 4+6 b
S'abandonnaient, | l'un vers l'autre étendus, 4+6 b
5 Au doux repos | d'une ivresse tranquille. 4+6 a
Un bruit affreux | dérange leur sommeil. 4+6 c
De tous côtés | le flambeau de la guerre, 4+6 d
L'horrible mort | éclaire leur réveil ; 4+6 c
Près du couvent | le sang couvrait la terre. 4+6 d
10 Cet escadrons | de malandrins anglais 4+6 e
Avait battu | cet escadron français. 4+6 e
Ceux-ci s'en vont | au travers de la plaine, 4+6 f
Le fer en main ; | ceux-là volent après, 4+6 e
Frappant, tuant, | criant tous hors d'haleine : 4+6 f
15 « Mourez sur l'heure, | ou rendez-nous Agnès. » 4+6 e
Mais aucun d'eux | n'en savait de nouvelles. 4+6 g
Le vieux Colin, | pasteur de ces cantons, 4+6 h
Leur dit : « Messieurs, | en gardant mes moutons, 4+6 h
Je vis hier | le miracle des belles 4+6 g
20 Qui vers le soir | entrait en ce moutier. » 4+6 i
Lors les Anglais | se mirent à crier : 4+6 i
« Ah ! c'est Agnès, | n'en doutons point, c'est elle ; 4+6 j
Entrons, amis. | » La cohorte cruelle 4+6 j
Saute à l'instant | dessus ces murs bénis : 4+6 k
25 Voilà les loups | au milieu des brebis. 4+6 k
Dans le dortoir, | de cellule en cellule, 4+6 l
A la chapelle, | à la cave, en tout lieu, 4+6 m
Ces ennemis | des servantes de Dieu 4+6 m
Attaquent tout | sans honte et sans scrupule. 4+6 l
30 Ah ! sœur Agnès, | sœur Marton, sœur Ursule, 4+6 l
Où courez-vous, | levant les mains aux cieux, 4+6 n
Le trouble au sein, | la mort dans vos beaux yeux ? 4+6 n
Où fuyez-vous, | colombes gémissantes ? 4+6 o
Vous embrassez, | interdites, tremblantes, 4+6 o
35 Ce saint autel, | asile redouté, 4+6 i
Sacré garant | de votre chasteté. 4+6 i
C'est vainement, | dans ce péril funeste, 4+6 p
Que vous criez | à votre époux céleste : 4+6 p
A ses yeux même, | à ces mêmes autels, 4+6 e
40 Tendre troupeau, | vos ravisseurs cruels 4+6 e
Vont profaner | la foi pure et sacrée, 4+6 q
Qu'innocemment | votre bouche a jurée. 4+6 q
Je sais qu'il est | des lecteurs bien mondains, 4+6 r
Gens sans pudeur, | ennemis des nonnains, 4+6 r
45 Mauvais plaisants, | de qui l'esprit frivole 4+6 s
Ose insulter | aux filles qu'on viole : 4+6 s
Laissons-les dire. | Hélas ! mes chères sœurs, 4+6 t
Qu'il est affreux | pour de si jeunes cœurs, 4+6 t
Pour des beautés | si simples, si timides, 4+6 u
50 De se débattre | en des bras homicides ; 4+6 u
De recevoir | les baisers dégoûtants 4+6 v
De ces félons | de carnage fumants, 4+6 v
Qui, d'un effort | détestable et farouche, 4+6 w
Les yeux en feu, | le blasphème à la bouche, 4+6 w
55 Mêlant l'outrage | avec la volupté, 4+6 i
Vous font l'amour | avec férocité ; 4+6 i
De qui l'haleine | horrible, empoisonnée, 4+6 q
La barbe dure, | et la main forcenée, 4+6 q
Le corps hideux, | le bras noir et sanglant, 4+6 x
60 Semblent donner | la mort en caressant, 4+6 x
Et qu'on prendrait | dans leurs fureurs étranges, 4+6 y
Pour des démons | qui violent des anges ! 4+6 y
Déjà le crime, | aux regards effrontés, 4+6 z
A fait rougir | ces pudiques beautés. 4+6 z
65 Sœur Rebondi, | si dévote et si sage, 4+6 a
Au fier Shipunk | est tombée en partage ; 4+6 a
Le dur Barclay, | l'incrédule Warton, 4+6 b
Sont tous les deux | après sœur Amidon. 4+6 b
On pleure, on prie, | on jure, on presse, on cogne. 4+6 c
70 Dans le tumulte | on voyait sœur Besogne 4+6 c
Se débattant | contre Bard et Parson : 4+6 b
Ils ignoraient | que Besogne est garçon, 4+6 b
Et la pressaient | sans entendre raison. 4+6 b
Aimable Agnès, | dans la troupe affligée 4+6 q
75 Vous n'étiez pas | pour être négligée ; 4+6 q
Et votre sort, | objet charmant et doux, 4+6 d
Est à jamais | de pécher malgré vous. 4+6 d
Le chef sanglant | de la gent sacrilège, 4+6 f
Hardi vainqueur, | vous presse et vous assiège, 4+6 f
80 Et les soldats, | soumis dans leur fureur, 4+6 g
Avec respect | lui cédaient cet honneur. 4+6 g
Le juste ciel, | en ses décrets sévères, 4+6 h
Met quelquefois | un terme à nos misères. 4+6 h
Car dans le temps | que messieurs d'Albion 4+6 b
85 Avaient placé | l'abomination 4+6 b
Tout au milieu | de la sainte Sion, 4+6 b
Du haut des cieux, | le patron de la France, 4+6 i
Le bon Denys, | propice à l'innocence, 4+6 i
Crut échapper | aux soupçons inquiets 4+6 e
90 Du fier saint George, | ennemi des Français. 4+6 e
Du Paradis | il vint en diligence. 4+6 i
Mais, pour descendre | au terrestre séjour, 4+6 j
Plus ne monta | sur un rayon du jour ; 4+6 j
Sa marche alors | aurait paru trop claire. 4+6 d
95 Il s'en alla | vers le dieu du mystère ; 4+6 d
Dieu sage et fin, | grand ennemi du bruit, 4+6 k
Qui partout vole | et ne va que de nuit ; 4+6 k
Il favorise | (et certes c'est dommage) 4+6 a
Force fripons, | mais il conduit le sage : 4+6 a
100 Il est sans cesse | à l'église, à la cour ; 4+6 j
Au temps jadis | il a guidé l'Amour. 4+6 j
Il mit d'abord | au milieu d'un nuage 4+6 a
Le bon Denys ; | puis il fit le voyage 4+6 a
Par un chemin | solitaire, écarté, 4+6 i
105 Parlant tout bas, | et marchant de côté. 4+6 i
Des bons Français | le protecteur fidèle 4+6 j
Non loin de Blois | rencontra la Pucelle, 4+6 j
Qui sur le dos | de son gros muletier 4+6 i
Gagnait pays | par un petit sentier, 4+6 i
110 En priant Dieu | qu'une heureuse aventure 4+6 l
Lui fît enfin | retrouver son armure. 4+6 l
Tout du plus loin | que saint Denys la vit, 4+6 k
D'un ton bénin | le bon patron lui dit : 4+6 k
« O ma Pucelle, | ô vierge destinée 4+6 q
115 A protéger | les filles et les rois, 4+6 m
Viens secourir | la pudeur aux abois, 4+6 m
Viens réprimer | la rage forcenée, 4+6 q
Viens ; que ce bras | vengeur des fleurs de lis 4+6 k
Soit le sauveur | de mes tendrons bénis : 4+6 k
120 Vois ce couvent, | le temps presse, on viole ; 4+6 s
Viens, ma Pucelle ! | » Il dit, et Jeanne y vole. 4+6 s
Le cher patron, | lui servant d'écuyer, 4+6 i
A coup de fouet | hâtait le muletier. 4+6 i
Vous voici, Jeanne, | au milieu des infâmes 4+6 n
125 Qui tourmentaient | ces vénérables dames. 4+6 n
Jeanne était nue ; | un Anglais impudent 4+6 x
Vers cet objet | tourne soudain la tête ; 4+6 o
Il la convoite ; | il pense fermement 4+6 x
Qu'elle venait | pour être de la fête. 4+6 o
130 Vers elle il court, | et sur sa nudité 4+6 i
Il va cherchant | la sale volupté. 4+6 i
On lui répond | d'un coup de cimeterre 4+6 d
Droit sur le nez. | L'infâme roule à terre, 4+6 d
Jurant ce mot | des Français révéré, 4+6 i
135 Mot énergique, | au plaisir consacré, 4+6 i
Mot que souvent | le profane vulgaire 4+6 d
Indignement | prononce en sa colère. 4+6 d
Jeanne, à ses pieds | foulant son corps sanglant, 4+6 x
Criait tout haut | à ce peuple méchant : 4+6 x
140 « Cessez, cruels ; | cessez, troupe profane ; 4+6 p
O violeurs, | craignez Dieu, craignez Jeanne ! » 4+6 p
Ces mécréants, | au grand œuvre attachés, 4+6 z
N'écoutaient rien, | sur leurs nonnains juchés : 4+6 z
Tels des ânons | broutent des fleurs naissantes 4+6 o
145 Malgré les cris | du maître et des servantes. 4+6 o
Jeanne, qui voit | leurs impudents travaux, 4+6 q
De grande horreur | saintement transportée, 4+6 q
Invoquant Dieu, | de Denys assistée, 4+6 q
Le fer en main, | vole de dos en dos, 4+6 q
150 De nuque en nuque, | et d'échine en échine, 4+6 s
Frappant, perçant | de sa pique divine, 4+6 s
Pourfendant l'un | alors qu'il commençait ; 4+6 t
Dépêchant l'autre | alors qu'il finissait, 4+6 t
Et moissonnant | la cohorte félonne ; 4+6 u
155 Si que chacun | fut percé sur sa nonne, 4+6 u
Et perdant l'âme | au fort de son désir, 4+6 v
Allait au diable | en mourant de plaisir. 4+6 v
Isâc Warton, | dont la lubrique rage 4+6 a
Avait pressé | son détestable ouvrage, 4+6 a
160 Ce dur Warton | fut le seul écuyer 4+6 i
Qui de sa nonne | osa se délier, 4+6 i
Et droit en pied, | reprenant son armure 4+6 l
Attendit Jeanne, | et changea de posture. 4+6 l
O vous, grand saint, | protecteur de l'État, 4+6 w
165 Bon saint Denys, | témoin de ce combat, 4+6 w
Daignez redire | à ma muse fidèle 4+6 j
Ce qu'à vos yeux | fit alors ma Pucelle. 4+6 j
Jeanne d'abord | frémit, s'émerveilla : 4+6 x
« Mon cher Denys ! | mon saint ! que vois-je là ? 4+6 x
170 Mon corselet, | mon armure céleste, 4+6 p
Ce beau présent | que tu m'avais donné, 4+6 i
Brille à mes yeux | au dos de ce damné ! 4+6 i
Il a mon casque, | il a ma soubreveste. » 4+6 p
Il était vrai ; | la Jeanne avait raison : 4+6 b
175 La belle Agnès, | en troquant de jupon, 4+6 b
De cette armure | en secret habillée, 4+6 q
Par Jean Chandos | fut bientôt dépouillée. 4+6 q
Isâc Warton, | écuyer de Chandos, 4+6 r
Prit cette armure | et s'en couvrit le dos. 4+6 r
180 O Jeanne d'Arc ! | ô fleur des héroïnes ! 4+6 y
Tu combattais | pour des armes divines, 4+6 y
Pour ton grand roi | si longtemps outragé, 4+6 i
Pour la pudeur | de cent bénédictines, 4+6 y
Pour saint Denys | de leur honneur chargé. 4+6 i
185 Denys la voit | qui donne avec audace 4+6 z
Cent coups de sabre | à sa propre cuirasse, 4+6 z
A son armet | d'une aigrette ombragé. 4+6 i
Au mont Etna, | dans leur forge brûlante, 4+6 a
Du noir Vulcain | les borgnes compagnons 4+6 h
190 Font retentir | l'enclume étincelante 4+6 a
Sous des marteaux | moins pesants et moins prompts, 4+6 h
En préparant | au maître du tonnerre 4+6 d
Son gros canon | trop bravé sur la terre. 4+6 d
Le fier Anglais, | de fer enharnaché, 4+6 i
195 Recule un pas ; | son âme est stupéfaite, 4+6 o
Quand il se voit | si rudement touché 4+6 i
Par une jeune | et fringante brunette. 4+6 o
La voyant nue, | il sentit des remords ; 4+6 b
Sa main tremblait | de blesser ce beau corps. 4+6 b
200 Il se défend, | et combat en arrière, 4+6 d
De l'ennemie | admirant les trésors, 4+6 b
Et se moquant | de sa vertu guerrière. 4+6 d
Saint George alors | du sein du paradis, 4+6 k
Ne voyant plus | son confrère Denys, 4+6 k
205 Se douta bien | que le saint de la France 4+6 i
Portait aux siens | sa divine assistance. 4+6 i
Il promenait | ses regards inquiets 4+6 e
Dans les recoins | du céleste palais. 4+6 e
Sans balancer | aussitôt il demande 4+6 c
210 Son beau cheval | connu dans la Légende. 4+6 c
Le cheval vint ; | George le bien monté, 4+6 i
La lance au poing, | et le sabre au côté, 4+6 i
Va parcourant | cet effroyable espace 4+6 z
Que des humains | veut mesurer l'audace ; 4+6 z
215 Ces cieux divers, | ces globes lumineux 4+6 n
Que fait tourner | René le songe-creux 4+6 n
Dans un amas | de subtile poussière, 4+6 d
Beaux tourbillons | que l'on ne prouve guère, 4+6 d
Et que Newton, | rêveur bien plus fameux, 4+6 n
220 Fait tournoyer | sans boussole et sans guide 4+6 d
Autour du rien, | tout au travers du vide. 4+6 d
George, enflammé | de dépit et d'orgueil, 4+6 e
Franchit ce vide, | arrive en un clin d'œil 4+6 e
Devers les lieux | arrosés par la Loire, 4+6 f
225 Où saint Denys | croyait chanter victoire. 4+6 f
Ainsi l'on voit | dans la profonde nuit 4+6 k
Une comète, | en sa longue carrière, 4+6 d
Étinceler | d'une horrible lumière : 4+6 d
On voit sa queue, | et le peuple frémit ; 4+6 k
230 Le pape en tremble, | et la terre étonnée 4+6 q
Croit que les vins | vont manquer cette année. 4+6 q
Tout du plus loin | que saint George aperçut 4+6 g
Monsieur Denys, | de colère, il s'émut ; 4+6 g
Et, brandissant | sa lance meurtrière, 4+6 d
235 Il dit ces mots | dans le vrai goût d'Homère : 4+6 d
« Denys, Denys ! | rival faible et hargneux, 4+6 n
Timide appui | d'un parti malheureux, 4+6 n
Tu descends donc | en secret sur la terre 4+6 d
Pour égorger | mes héros d'Angleterre ! 4+6 d
240 Crois-tu changer | les ordres du destin, 4+6 h
Avec ton âne | et ton bras féminin ? 4+6 h
Ne crains-tu pas | que ma juste vengeance 4+6 i
Punisse enfin, | toi, ta fille, et la France ? 4+6 i
Ton triste chef, | branlant sur ton cou tors, 4+6 b
245 S'est vu déjà | séparé de ton corps : 4+6 b
Je veux t'ôter, | aux yeux de ton Église, 4+6 i
Ta tête chauve | en son lieu mal remise, 4+6 i
Et t'envoyer | vers les murs de Paris, 4+6 k
Digne patron | des badauds attendris, 4+6 k
250 Dans ton faubourg, | où l'on chôme ta fête, 4+6 o
Tenir encor | et rebaiser ta tête. » 4+6 o
Le bon Denys, | levant les mains aux cieux, 4+6 n
Lui répondit | d'un ton tendre et pieux : 4+6 n
« O grand saint George, | ô mon puissant confrère 4+6 d
255 Veux-tu toujours | écouter ta colère ? 4+6 d
Depuis le temps | que nous sommes au ciel, 4+6 c
Ton cœur dévot | est tout pétri de fiel. 4+6 c
Nous faudra-t-il, | bienheureux que nous sommes, 4+6 j
Saints enchâssés, | tant fêtés chez les hommes, 4+6 j
260 Nous qui devons | l'exemple aux nations, 4+6 h
Nous décrier | par nos divisions ? 4+6 h
Veux-tu porter | une guerre cruelle 4+6 j
Dans le séjour | de la paix éternelle ? 4+6 j
Jusques à quand | les saints de ton pays 4+6 k
265 Mettront-ils donc | le trouble en paradis ? 4+6 k
O fiers anglais, | gens toujours trop hardis, 4+6 k
Le ciel un jour, | à son tour en colère, 4+6 d
Se lassera | de vos façons de faire ; 4+6 d
Ce ciel n'aura, | grâce à vos soins jaloux, 4+6 d
270 Plus de dévots | qui viennent de chez vous. 4+6 d
Malheureux saint, | pieux atrabilaire ; 4+6 d
Patron maudit | d'un peuple sanguinaire, 4+6 d
Sois plus traitable ; | et, pour Dieu, laisse-moi 4+6 k
Sauver la France | et secourir mon roi. » 4+6 k
275 A ce discours, | George, bouillant de rage, 4+6 a
Sentit monter | le rouge à son visage ; 4+6 a
Et, des badauds | contemplant le patron, 4+6 b
Il redoubla | de force et de courage, 4+6 a
Car il prenait | Denys pour un poltron. 4+6 b
280 Il fond sur lui, | tel qu'un puissant faucon 4+6 b
Vole de loin | sur un tendre pigeon. 4+6 b
Denys recule, | et prudent il appelle 4+6 j
A haute voix | son âne si fidèle, 4+6 j
Son âne ailé, | sa joie et son secours. 4+6 l
285 « Viens, criait-il, | viens défendre mes jours. » 4+6 l
Ainsi parlant, | le bon Denys oublie 4+6 m
Que jamais saint | n'a pu perdre la vie. 4+6 m
Le beau grison | revenait d'Italie 4+6 m
En ce moment ; | et moi, conteur succinct, 4+6 n
290 J'ai déjà dit | ce qui fit qu'il revint. 4+6 n
A son Denys | dos et selle il présente. 4+6 a
Notre, patron | sur son âne élancé, 4+6 i
Sentit soudain | sa valeur renaissante. 4+6 a
Subtilement | il avait ramassé 4+6 i
295 Le fer sanglant | d'un Anglais trépassé ; 4+6 i
Lors, brandissant | le fatal cimeterre, 4+6 d
Il pousse à George, | il le presse, il le serre. 4+6 d
George indigné | lui fait tomber en bref 4+6 o
Trois horions | sur son malheureux chef. 4+6 o
300 Tous sont parés ; | Denys garde sa tête, 4+6 o
Et de ses coups | dirige la tempête 4+6 o
Sur le cheval | et sur le cavalier. 4+6 i
Le feu jaillit | sur l'élastique acier ; 4+6 i
Les fers croisés, | et de taille et de pointe, 4+6 p
305 A tout moment | vont, au fort du combat, 4+6 w
Chercher le cou, | le casque, le rabat, 4+6 w
Et l'auréole, | et l'endroit délicat 4+6 w
Où la cuirasse | à l'aiguillette est jointe. 4+6 p
Ces vains efforts | les rendaient plus ardents ; 4+6 v
310 Tous deux tenaient | la victoire en suspens, 4+6 v
Quand de sa voix | terrible et discordante 4+6 a
L'âne entonna | son octave écorchante. 4+6 a
Le ciel en tremble ; | Écho du fond des bois 4+6 m
En frémissant | répète cette voix. 4+6 m
315 George pâlit : | Denys d'une main leste 4+6 p
Fait une feinte, | et d'un revers céleste 4+6 p
Tranche le nez | du grand saint d'Albion. 4+6 b
Le bout sanglant | roule sur son arçon. 4+6 b
George, sans nez, | mais non pas sans courage, 4+6 a
320 Venge à l'instant | l'honneur de son visage, 4+6 a
Et jurant Dieu, | selon les nobles us 4+6 b
De ses Anglais, | d'un coup de cimeterre 4+6 d
Coupe à Denys | ce que jadis saint Pierre, 4+6 d
Certain jeudi, | fit tomber à Malchus. 4+6 b
325 A ce spectacle, | à la voix ampoulée 4+6 q
De l'âne saint, | à ces terribles cris, 4+6 k
Tout fut ému | dans les divins lambris. 4+6 k
Le beau portail | de la voûte étoilée 4+6 q
S'ouvrit alors, | et des arches du ciel 4+6 c
330 On vit sortir | l'archange Gabriel, 4+6 c
Qui, soutenu | sur ses brillantes ailes, 4+6 g
Fend doucement | les plaines éternelles 4+6 g
Portant en main | la verge qu'autrefois 4+6 m
Devers le Nil | eut le divin Moïse, 4+6 i
335 Quand dans la mer, | suspendue et soumise, 4+6 i
Il engloutit | les peuples et les rois. 4+6 m
« Que vois-je ici ? | cria-t-il en colère ; 4+6 d
Deux saints patrons, | deux enfants de lumière, 4+6 d
Du Dieu de paix | confidents éternels, 4+6 e
340 Vont s'échiner | comme de vils mortels ! 4+6 e
Laissez, laissez | aux sots enfants des femmes 4+6 n
Les passions, | et le fer, et les flammes ; 4+6 n
Abandonnez | à leur profane sort 4+6 r
Les corps chétifs | de ces grossières âmes, 4+6 n
345 Nés dans la fange, | et formés pour la mort : 4+6 r
Mais vous, enfants, | qu'au séjour de la vie 4+6 m
Le ciel nourrit | de sa pure ambroisie, 4+6 m
Êtes-vous las | d'être trop fortunés ? 4+6 i
Êtes-vous fous ? | ciel ! une oreille, un nez ! 4+6 i
350 Vous que la grâce | et la miséricorde 4+6 s
Avaient formés | pour prêcher la concorde, 4+6 s
Pouvez-vous bien | de je ne sais quels rois 4+6 m
En étourdis | embrasser la querelle ? 4+6 j
Ou renoncez | à la voûte éternelle, 4+6 j
355 Ou dans l'instant | qu'on se rende à mes lois. 4+6 m
Que dans vos cœurs | la charité s'éveille. 4+6 t
George insolent, | ramassez cette oreille, 4+6 t
Ramassez, dis-je ; | et vous, Monsieur Denys, 4+6 k
Prenez ce nez | avec vos doigts bénis : 4+6 k
360 Que chaque chose | en son lieu soit remise. » 4+6 i
Denys soudain | va, d'une main soumise, 4+6 i
Rendre le bout | du nez qu'il fit camus. 4+6 b
George à Denys | rend l'oreille dévote 4+6 u
Qu'il lui coupa. | Chacun des deux marmotte 4+6 u
365 A Gabriel | un gentil oremus ; 4+6 b
Tout se rajuste, | et chaque cartilage 4+6 a
Va se placer | à l'air de son visage. 4+6 a
Sang, fibres, chair, | tout se consolida ; 4+6 x
Et nul vestige | aux deux saints ne resta 4+6 x
370 De nez coupé, | ni d'oreille abattue ; 4+6 v
Tant les saints ont | la chair ferme et dodue ! 4+6 v
Puis Gabriel | d'un ton de président : 4+6 x
« Çà qu'on s'embrasse. | » Il dit, et dans l'instant 4+6 x
Le doux Denys, | sans fiel et sans colère, 4+6 d
375 De bonne foi | baisa son adversaire : 4+6 d
Mais le fier George | en l'embrassant jurait, 4+6 t
Et promettait | que Denys le paierait. 4+6 t
Le bel archange, | après cette embrassade, 4+6 w
Prend mes deux saints, | et d'un air gracieux 4+6 n
380 A ses côtés | les fait voguer aux cieux, 4+6 n
Où de nectar | on leur verse rasade. 4+6 w
Peu de lecteurs | croiront ce grand combat ; 4+6 w
Mais sous les murs | qu'arrosait le Scamandre, 4+6 x
N'a-t-on pas vu | jadis avec éclat 4+6 w
385 Les dieux armés | de l'Olympe descendre ? 4+6 x
N'a-t-on pas vu | chez cet Anglais Milton 4+6 b
D'anges ailés | toute une légion 4+6 b
Rougir de sang | les célestes campagnes, 4+6 y
Jeter au nez | quatre ou cinq cents montagnes, 4+6 y
390 Et, qui pis est, | avoir du gros canon ? 4+6 b
Or si jadis | Michel et le démon 4+6 b
Se sont battus, | messieurs Denys et George 4+6 z
Pouvaient sans doute, | à plus forte raison, 4+6 b
Se rencontrer | et se couper la gorge. 4+6 z
395 Mais dans le ciel | si la paix revenait, 4+6 t
Il en était | autrement sur la terre, 4+6 d
Séjour maudit | de discorde et de guerre. 4+6 d
Le bon roi Charle | en cent endroits courait, 4+6 t
Nommait Agnès, | la cherchait, la pleurait. 4+6 t
400 Et cependant | Jeanne la foudroyante, 4+6 a
De son épée | invincible et sanglante, 4+6 a
Au fier Warton | le trépas préparait : 4+6 t
Elle l'atteint | vers l'énorme partie 4+6 m
Dont cet Anglais | profana le couvent ; 4+6 x
405 Warton chancelle, | et son glaive tranchant 4+6 x
Quitte sa main | par la mort engourdie ; 4+6 m
Il tombe, et meurt | en reniant les saints. 4+6 r
Le vieux troupeau | des antiques nonnains, 4+6 r
Voyant aux pieds | de l'amazone auguste 4+6 a
410 Le chevalier | sanglant et trébuché, 4+6 i
Disant Ave, | s'écriait : « Il est juste 4+6 a
Qu'on soit puni | par où l'on a péché. » 4+6 i
Sœur Rebondi, | qui dans la sacristie 4+6 m
A succombé | sous le vainqueur impie, 4+6 m
415 Pleurait le traître | en rendant grâce au ciel ; 4+6 c
Et mesurant | des yeux le criminel, 4+6 c
Elle disait | d'une voix charitable : 4+6 b
« Hélas ! hélas ! | nul ne fut plus coupable. » 4+6 b
mètre profil métrique : 4+6
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