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VOL_2/VOL29
VOLTAIRE
(François-Marie Arouet)
La Pucelle d'Orléans
1752
CHANT VIII
Argument
Comment le charmant La Trimouille rencontra un Anglais à Notre-Dame de Lorette, et ce qui s'ensuivit avec sa Dorothée.
Que cette histoire est sage, intéressante ! 4+6 a
Comme elle forme et l'esprit et le cœur ! 4+6 b
Comme on y voit la vertu triomphante, 4+6 a
Des chevaliers le courage et l'honneur, 4+6 b
5 Les droits des rois, des belles la pudeur ! 4+6 b
C'est un jardin dont tout le tour m'enchante 4+6 a
Par sa culture et sa variété. 4+6 c
J'y vois surtout l'aimable chasteté, 4+6 c
Des belles fleurs la fleur la plus brillante, 4+6 a
10 Comme un lis blanc que le ciel a planté, 4+6 c
Levant sans tache une tête éclatante. 4+6 a
Filles, garçons, lisez assidûment 4+6 d
De la vertu ce divin rudiment : 4+6 d
Il fut écrit par notre abbé Trithème, 4+6 e
15 Savant Picard, de son siècle ornement ; 4+6 d
Il prit Agnès et Jeanne pour son thème. 4+6 e
Que je l'admire, et que je me sais gré 4+6 c
D'avoir toujours hautement préféré 4+6 c
Cette lecture honnête et profitable 4+6 f
20 A ce fatras d'insipides romans 4+6 g
Que je vois naître et mourir tous les ans, 4+6 g
De cerveaux creux avortons languissants ! 4+6 g
De Jeanne d'Arc l'histoire véritable 4+6 f
Triomphera de l'envie et du temps. 4+6 g
25 Le vrai me plaît, le vrai seul est durable. 4+6 f
De Jeanne d'Arc cependant, cher lecteur, 4+6 b
En ce moment je ne puis rendre compte ; 4+6 h
Car Dorothée, et Dunois son vengeur, 4+6 b
Et La Trimouille, objet de son ardeur, 4+6 b
30 Ont de grands droits ; et j'avouerai sans honte 4+6 h
Qu'avec raison vous vouliez être instruit 4+6 i
Des beaux effets que leur amour produit. 4+6 i
Près d'Orléans vous avez souvenance 4+6 j
Que La Trimouille, ornement du Poitou, 4+6 k
35 Pour son bon roi signalant sa vaillance, 4+6 j
Dans un fossé fut plongé jusqu'au cou. 4+6 k
Ses écuyers tirèrent avec peine, 4+6 l
Du sale fond de la fangeuse arène, 4+6 l
Notre héros, en cent endroits froissé, 4+6 c
40 Un bras démis, le coude fracassé. 4+6 c
Vers les remparts de la ville assiégée 4+6 m
On reportait sa figure affligée ; 4+6 m
Mais de Talbot les efforts vigilants 4+6 g
Avaient fermé les chemins d'Orléans. 4+6 g
45 On transporta, de crainte de surprise, 4+6 n
Mon paladin par de secrets détours, 4+6 o
Sur un brancard, en la cité de Tours, 4+6 o
Cité fidèle, au roi Charles soumise. 4+6 n
Un charlatan, arrivé de Venise, 4+6 n
50 Adroitement remit son radius, 4+6 p
Dont le pivot rejoignit l'humérus. 4+6 p
Son écuyer lui fit bientôt connaître 4+6 q
Qu'il ne pouvait retourner vers son maître, 4+6 q
Que les chemins étaient fermés pour lui. 4+6 r
55 Le chevalier, fidèle à sa tendresse, 4+6 s
Se résolut, dans son cuisant ennui, 4+6 r
D'aller au moins rejoindre sa maîtresse. 4+6 s
Il courut donc, à travers cent hasards, 4+6 t
Au beau pays conquis par les Lombards. 4+6 t
60 En arrivant aux portes de la ville, 4+6 u
Le Poitevin est entouré, heurté. 4+6 c
Pressé des flots d'une foule imbécile, 4+6 u
Qui d'un pas lourd, et d'un œil hébété, 4+6 c
Court à Milan des campagnes voisines ; 4+6 v
65 Bourgeois, manants, moines, bénédictines, 4+6 v
Mères, enfants ; c'est un bruit, un concours, 4+6 o
Un chamaillis ; chacun se précipite ; 4+6 w
On tombe, on crie : « Arrivons, entrons vite : 4+6 w
Nous n'aurons pas tels plaisirs tous les jours. » 4+6 o
70 Le paladin sut bientôt quelle fête 4+6 x
Allait chômer ce bon peuple lombard, 4+6 y
Et quel spectacle à ses yeux on apprête. 4+6 x
« Ma Dorothée ! ô ciel ! » Il dit, et part ; 4+6 y
Et son coursier, s'élançant sur la tête 4+6 x
75 Des curieux, le porte en quatre bonds 4+6 a
Dans les faubourgs, dans la ville, à la place 4+6 b
Où du bâtard la généreuse audace 4+6 b
A dissipé tous ces monstres félons ; 4+6 a
Où Dorothée, interdite, éperdue, 4+6 c
80 Osait à peine encor lever la vue. 4+6 c
L'abbé Trithème, avec tout son talent, 4+6 d
N'eût pu jamais nous faire la peinture 4+6 d
De la surprise et du saisissement, 4+6 d
Et des transports dont cette âme si pure 4+6 d
85 Fut pénétrée en voyant son amant. 4+6 d
Quel coloris, quel pinceau pourrait rendre 4+6 e
Ce doux mélange et si vif et si tendre, 4+6 e
L'impression d'un reste de douleur, 4+6 b
La douce joie où se livrait son cœur, 4+6 b
90 Son embarras, sa pudeur, et sa honte, 4+6 h
Que par degrés la tendresse surmonte ? 4+6 h
Son La Trimouille, ardent, ivre d'amour, 4+6 f
Entre ses bras la tient longtemps serrée, 4+6 m
Faible, attendrie, encor tout éplorée ; 4+6 m
95 Il embrassait, il baisait tour à tour 4+6 f
Le grand Dunois, et sa maîtresse, et l'âne. 4+6 g
Tout le beau sexe, aux fenêtres penché, 4+6 c
Battait des mains, de tendresse touché ; 4+6 c
On voyait fuir tous les gens à soutane 4+6 g
100 Sur les débris du bûcher renversé, 4+6 c
Qui dans le sang nage au loin dispersé, 4+6 c
Sur ces débris le bâtard intrépide 4+6 h
De Dorothée affermissant les pas, 4+6 i
A l'air, le port, et le maintien d'Alcide, 4+6 h
105 Qui, sous ses pieds enchaînant le trépas, 4+6 i
Le triple chien, et la triple Euménide, 4+6 h
Remit Alceste à son dolent époux, 4+6 j
Quoique en secret il fût un peu jaloux. 4+6 j
Avec honneur la belle Dorothée 4+6 m
110 Fut en litière à son logis portée, 4+6 m
Des deux héros noblement escortée. 4+6 m
Le lendemain, le bâtard généreux 4+6 k
Vint près du lit du beau couple amoureux. 4+6 k
« Je sens, dit-il, que je suis inutile 4+6 u
115 Aux doux plaisirs que vous goûtez tous deux 4+6 k
Il me convient de sortir de la ville ; 4+6 u
Jeanne et mon roi me rappellent près d'eux ; 4+6 k
Il faut les joindre, et je sens trop que Jeanne 4+6 g
Doit regretter la perte de son âne. 4+6 g
120 Le grand Denys, le patron de nos lois, 4+6 l
M'a cette nuit présenté sa figure : 4+6 d
J'ai vu Denys tout comme je vous vois. 4+6 l
Il me prêta sa divine monture, 4+6 d
Pour secourir les dames et les rois : 4+6 l
125 Denys m'enjoint de revoir ma patrie. 4+6 m
Grâces au ciel, Dorothée est servie ; 4+6 m
Je dois servir Charles sept à son tour. 4+6 f
Goûtez les fruits de votre tendre amour. 4+6 f
A mon bon roi je vais donner ma vie ; 4+6 m
130 Le temps me presse, et mon âne m'attend. 4+6 d
— Sur mon cheval je vous suis à l'instant, 4+6 d
Lui répliqua l'aimable La Trimouille. 4+6 o
La belle dit : « C'est aussi mon projet ; 4+6 p
Un désir vif dès longtemps me chatouille 4+6 o
135 De contempler la cour de Charles sept, 4+6 p
Sa cour si belle, en héros si féconde, 4+6 r
Sa tendre Agnès, qui gouverne son cœur, 4+6 b
Sa fière Jeanne, en qui valeur abonde. 4+6 r
Mon cher amant, mon cher libérateur, 4+6 b
140 Me conduiraient jusques au bout du monde. 4+6 r
Mais sur le point d'être cuite en ce lieu, 4+6 s
En récitant ma prière secrète, 4+6 x
Je fis tout bas à la Vierge un beau vœu 4+6 s
De visiter sa maison de Lorette, 4+6 x
145 S'il lui plaisait de me tirer du feu. 4+6 s
Tout aussitôt la mère du bon Dieu 4+6 s
Vous députa sur votre âne céleste ; 4+6 t
Vous me sauvez de ce bûcher funeste, 4+6 t
Je vis par vous : mon vœu doit se tenir, 4+6 u
150 Sans quoi la Vierge a droit de me punir. 4+6 u
— Votre discours est très-juste et très-sage, 4+6 v
Dit La Trimouille ; et ce pèlerinage 4+6 v
Est à mes yeux un devoir bien sacré ; 4+6 c
Vous permettrez que je sois du voyage. 4+6 v
155 J'aime Lorette, et je vous conduirai. 4+6 c
Allez, Dunois, par la plaine étoilée, 4+6 m
Fendez les airs, volez aux champs de Blois ; 4+6 l
Nous vous joindrons avant qu'il soit un mois. 4+6 l
Et vous, madame, à Lorette appelée, 4+6 m
160 Venez remplir votre vœu si pieux ; 4+6 k
Moi j'en fais un digne de vos beaux yeux : 4+6 k
C'est de prouver à toute heure, en tous lieux, 4+6 k
A tout venant, par l'épée et la lance, 4+6 j
Que vous devez avoir la préférence 4+6 j
165 Sur toute fille ou femme de renom ; 4+6 x
Que nulle n'est et si sage et si belle. » 4+6 y
Elle rougit. Cependant le grison 4+6 x
Frappe du pied, s'élève sur son aile, 4+6 y
Plane dans l'air, et, laissant l'horizon, 4+6 x
170 Porte Dunois vers les sources du Rhône. 4+6 z
Le Poitevin prend le chemin d'Ancône 4+6 z
Avec sa dame, un bourdon dans la main, 4+6 a
Portant tous deux chapeau de pèlerin, 4+6 a
Bien relevé de coquilles bénies. 4+6 b
175 A leur ceinture un rosaire pendait 4+6 p
De beaux grains d'or et de perles unies. 4+6 b
Le paladin souvent le récitait, 4+6 p
Disait Ave : la belle répondait 4+6 p
Par des soupirs et par des litanies ; 4+6 b
180 Et je vous aime était le doux refrain 4+6 a
Des oremus qu'ils chantaient en chemin. 4+6 a
Ils vont à Parme, à Plaisance, à Modène, 4+6 l
Dans Urbino, dans la tour de Césène, 4+6 l
Toujours logés dans de très-beaux châteaux 4+6 c
185 De princes, ducs, comtes, et cardinaux. 4+6 c
Le paladin eut partout l'avantage 4+6 v
De soutenir que dans le monde entier 4+6 c
Il n'est beauté plus aimable et plus sage 4+6 v
Que Dorothée ; et nul n'osa nier 4+6 c
190 Ce qu'avançait un si grand personnage : 4+6 v
Tant les seigneurs de tout ce beau canton 4+6 x
Avaient d'égards et de discrétion. 4+6 x
Enfin portés sur les bords du Musône, 4+6 z
Près Ricanate en la Marche d'Ancône, 4+6 z
195 Les pèlerins virent briller de loin 4+6 d
Cette maison de la sainte Madone, 4+6 z
Ces murs divins de qui le ciel prend soin ; 4+6 d
Murs convoités des avides corsaires, 4+6 f
Et qu'autrefois des anges tutélaires 4+6 f
200 Firent voler dans les plaines des airs, 4+6 g
Comme un vaisseau qui fend le sein des mers. 4+6 g
A Loretto les anges s'arrêtèrent ; 4+6 h
Les murs sacrés d'eux-mêmes se fondèrent ; 4+6 h
Et ce que l'art a de plus précieux, 4+6 k
205 De plus brillant, de plus industrieux, 4+6 k
Fut employé depuis par les saints pères, 4+6 f
Maîtres du monde, et du ciel grands vicaires, 4+6 f
A l'ornement de ces augustes lieux. 4+6 k
Les deux amants de cheval descendirent, 4+6 i
210 D'un cœur contrit à deux genoux se mirent ; 4+6 i
Puis chacun d'eux, pour accomplir son vœu, 4+6 k
Offrit des dons pleins de magnificence, 4+6 j
Tous acceptés avec reconnaissance 4+6 j
Par la Madone et les moines du lieu. 4+6 k
215 Au cabaret les deux amants dînèrent ; 4+6 h
Et ce fut là qu'à table ils rencontrèrent 4+6 h
Un brave Anglais, fier, dur, et sans souci, 4+6 r
Qui venait voir la sainte Vierge aussi 4+6 r
Par passe-temps, se moquant dans son âme 4+6 j
220 Et de Lorette, et de sa Notre-Dame : 4+6 j
Parfait Anglais, voyageant sans dessein, 4+6 a
Achetant cher de modernes antiques, 4+6 k
Regardant tout avec un air hautain, 4+6 a
Et méprisant les saints et leurs reliques. 4+6 k
225 De tout Français c'est l'ennemi mortel, 4+6 l
Et son nom est Christophe d'Arondel. 4+6 l
Il parcourait tristement l'Italie ; 4+6 m
Et se sentant fort sujet à l'ennui, 4+6 r
Il amenait sa maîtresse avec lui, 4+6 r
230 Plus dédaigneuse encor, plus impolie, 4+6 m
Parlant fort peu, mais belle, faite au tour, 4+6 f
Douce la nuit, insolente le jour, 4+6 f
A table, au lit, par caprice emportée, 4+6 m
Et le contraire en tout de Dorothée. 4+6 m
235 Le beau baron, du Poitou l'ornement, 4+6 d
Lui fit d'abord un petit compliment, 4+6 d
Sans recevoir aucune repartie ; 4+6 m
Puis il parla de la vierge Marie ; 4+6 m
Puis il conta comme il avait promis, 4+6 m
240 Chez les Lombards, à monsieur saint Denys, 4+6 m
De soutenir en tout lieu la sagesse 4+6 s
Et la beauté de sa chère maîtresse. 4+6 s
« Je crois, dit-il au dédaigneux Breton, 4+6 x
Que votre dame est noble et d'un grand nom, 4+6 x
245 Qu'elle est surtout aussi sage que belle ; 4+6 y
Je crois encor, quoiqu'elle n'ait rien dit, 4+6 i
Que dans le fond elle a beaucoup d'esprit : 4+6 i
Mais Dorothée est fort au-dessus d'elle, 4+6 y
Vous l'avouerez ; on peut, sans l'abaisser, 4+6 c
250 Au second rang dignement la placer. » 4+6 c
Le fier Anglais, à ce discours honnête, 4+6 x
Le regarda des pieds jusqu'à la tête. 4+6 x
« Pardieu, dit-il, il m'importe fort peu 4+6 s
Que vous ayez à Denys fait un vœu ; 4+6 s
255 Et peu me chaut que votre damoiselle 4+6 y
Soit sage ou folle, et soit ou laide ou belle 4+6 y
Chacun se doit contenter de son bien 4+6 a
Tout uniment, sans se vanter de rien. 4+6 a
Mais puisqu'ici vous avez l'impudence 4+6 j
260 D'oser prétendre à quelque préférence 4+6 j
Sur un Anglais, je vous enseignerai 4+6 w
Votre devoir, et je vous prouverai 4+6 w
Que tout Anglais, en affaires pareilles, 4+6 n
A tout Français donne sur les oreilles ; 4+6 n
265 Que ma maîtresse, en figure, en couleur, 4+6 b
En gorge, en bras, cuisses, taille, rondeur, 4+6 b
Même en sagesse, en sentiments d'honneur, 4+6 b
Vaut cent fois mieux que votre pèlerine ; 4+6 o
Et que mon roi (dont je fais peu de cas), 4+6 i
270 Quand il voudra, saura bien mettre à bas 4+6 i
Et votre maître, et sa grosse héroïne. 4+6 o
— Eh bien ! reprit le noble Poitevin, 4+6 a
Sortons de table, éprouvons-nous soudain ; 4+6 a
A vos dépens je soutiendrai peut-être 4+6 q
275 Mon tendre amour, mon pays, et mon maître. 4+6 q
Mais comme il faut être toujours courtois, 4+6 l
De deux combats je vous laisse le choix, 4+6 l
Soit à cheval, soit à pied ; l'un et l'autre 4+6 q
Me sont égaux : mon choix suivra le vôtre. 4+6 q
280 — A pied, mordieu ! dit le rude Breton ; 4+6 x
Je n'aime point qu'un cheval ait la gloire 4+6 r
De partager ma peine et ma victoire. 4+6 r
Point de cuirasse, et point de morion ; 4+6 x
C'est, à mon sens, une arme de poltron ; 4+6 x
285 Il fait trop chaud, j'aime à combattre à l'aise. 4+6 s
Je veux tout nu vous soutenir ma thèse : 4+6 s
Nos deux beautés jugeront mieux des coups. 4+6 j
— Très-volontiers, » dit d'un ton noble et doux 4+6 j
Le beau Français. Sa chère Dorothée 4+6 m
290 Frémit de crainte à ce défi cruel, 4+6 l
Quoique en secret son âme fût flattée 4+6 m
D'être l'objet d'un si noble duel. 4+6 l
Elle tremblait que Christophe Arondel 4+6 l
Ne transperçât de quelque coup mortel 4+6 l
295 La douce peau de son cher La Trimouille, 4+6 o
Que de ses pleurs tendrement elle mouille. 4+6 o
La dame anglaise animait son Anglais 4+6 t
D'un coup d'œil fier et sûr de ses attraits. 4+6 t
Elle n'avait jamais versé de larmes ; 4+6 u
300 Son cœur altier se plaisait aux alarmes ; 4+6 u
Et les combats des coqs de son pays 4+6 m
Avaient été ses passe-temps chéris. 4+6 m
Son nom était Judith de Rosamore, 4+6 v
Cher à Bristol, et que Cambridge honore. 4+6 v
305 Voilà déjà nos braves paladins 4+6 w
Dans un champ clos, près d'en venir aux mains : 4+6 w
Tous deux charmés, dans leurs nobles querelles 4+6 x
De soutenir leur patrie et leurs belles. 4+6 x
La tête haute, et le fer de droit fil, 4+6 y
310 Le bras tendu, le corps en son profil, 4+6 y
En tierce, en quarte, ils joignent leurs épées, 4+6 z
L'une par l'autre à tout moment frappées. 4+6 z
C'est un plaisir de les voir se baisser, 4+6 c
Se relever, reculer, avancer, 4+6 c
315 Parer, sauter, se ménager des feintes, 4+6 a
Et se porter les plus rudes atteintes. 4+6 a
Ainsi l'on voit dans une belle nuit, 4+6 i
Sous le lion ou sous la canicule, 4+6 b
Tout l'horizon qui s'enflamme et qui brûle 4+6 b
320 De mille feux dont notre œil s'éblouit : 4+6 i
Un éclair passe, un autre éclair le suit. 4+6 i
Le Poitevin adresse une apostrophe 4+6 c
Droit au menton du superbe Christophe ; 4+6 c
Puis en arrière il saute allègrement, 4+6 d
325 Toujours en garde ; et Christophe à l'instant 4+6 d
Engage en tierce, et, serrant la mesure, 4+6 d
Au ferrailleur inflige une blessure 4+6 d
Sur une cuisse ; et de sang empourpré 4+6 c
Ce bel ivoire est teint et bigarré. 4+6 c
330 Ils s'acharnaient à cette noble escrime, 4+6 d
Voulant mourir pour jouir de l'estime 4+6 d
De leur maîtresse, et pour bien décider 4+6 c
Quelle beauté doit à l'autre céder ; 4+6 c
Lorsqu'un bandit des États du saint-père 4+6 e
335 Avec sa troupe entra dans ces cantons 4+6 a
Pour s'acquitter de ses dévotions. 4+6 a
Le scélérat se nommait Martinguerre, 4+6 e
Voleur de jour, voleur de nuit, corsaire, 4+6 e
Mais saintement à la Vierge attaché, 4+6 c
340 Et sans manquer récitant son rosaire, 4+6 e
Pour être pur et net de tout péché. 4+6 c
Il aperçut sur le pré les deux belles, 4+6 x
Et leurs chevaux, et leurs brillantes selles, 4+6 x
Et leurs mulets chargés d'or et d'agnus. 4+6 p
345 Dès qu'il les vit, on ne les revit plus. 4+6 p
Il vous enlève et Judith Rosamore, 4+6 v
Et Dorothée, et le bagage encore, 4+6 v
Mulets, chevaux, et part comme un éclair. 4+6 f
Les champions tenaient toujours en l'air, 4+6 f
350 A poing fermé, leurs brandissantes lames, 4+6 g
Et ferraillaient pour l'honneur de ces dames. 4+6 g
Le Poitevin s'avise le premier 4+6 c
Que sa maîtresse est comme disparue. 4+6 c
Il voit de loin courir son écuyer ; 4+6 c
355 Il s'ébahit, et son arme pointue 4+6 c
Reste en sa main sans force et sans effet. 4+6 p
Sire Arondel demeure stupéfait. 4+6 p
Tous deux restaient la prunelle effarée, 4+6 m
Bouche béante, et la mine égarée, 4+6 m
360 L'un contre l'autre. » Oh ! oh ! dit le Breton, 4+6 x
Dieu me pardonne, on nous a pris nos belles ; 4+6 x
Nous nous donnons cent coups d'estramaçon 4+6 x
Très-sottement ; courons vite après elles, 4+6 x
Reprenons-les, et nous nous rebattrons 4+6 a
365 Pour leurs beaux yeux quand nous les trouverons. » 4+6 a
L'autre en convient, et, différant la fête, 4+6 x
En bons amis ils se mettent en quête 4+6 x
De leur maîtresse. A peine ils font cent pas, 4+6 i
Que l'un s'écrie : « Ah ! la cuisse ! ah ! le bras ! » 4+6 i
370 L'autre criait la poitrine et la tête ; 4+6 x
Et n'ayant plus ces esprits animaux 4+6 c
Qui vont au cœur et qui font les héros, 4+6 c
Ayant perdu cette ardeur enflammée 4+6 m
Avec leur sang au combat consumée, 4+6 m
375 Tous deux meurtris, faibles, et languissants, 4+6 g
Sur le gazon tombent en même temps 4+6 g
Et de leur sang ils rougissent la terre. 4+6 e
Leurs écuyers, qui suivaient Martinguerre, 4+6 e
Vont à sa piste, et gagnent le pays. 4+6 m
380 Les deux héros, sans valets, sans habits, 4+6 m
Et sans argent, étendus dans la plaine, 4+6 l
Manquant de tout, croyaient leur fin prochaine ; 4+6 l
Lorsqu'une vieille, en passant vers ces lieux, 4+6 k
Les voyant nus, s'approcha plus près d'eux, 4+6 k
385 Et eut pitié, les fit sur des civières 4+6 f
Porter chez elle, et par des restaurants 4+6 g
En moins de rien leur rendit tous leurs sens, 4+6 g
Leur coloris, et leurs forces premières. 4+6 f
La bonne vieille, en ce lieu respecté, 4+6 c
390 Est en odeur qu'on dit de sainteté. 4+6 c
Devers Ancône il n'est point de béate, 4+6 i
Point d'âme sainte en qui la grâce éclate 4+6 i
Par des bienfaits plus signalés, plus grands. 4+6 g
Elle prédit la pluie et le beau temps ; 4+6 g
395 Elle guérit les blessures légères 4+6 f
Avec de l'huile et de saintes prières ; 4+6 f
Elle a parfois converti des méchants. 4+6 g
Les paladins à la vieille contèrent 4+6 h
Leur aventure, et conseil demandèrent. 4+6 h
400 La décrépite alors se recueillit, 4+6 i
Pria Marie, ouvrit la bouche, et dit : 4+6 i
« Allez en paix, aimez tous deux vos belles, 4+6 x
Mais que ce soit à bonne intention ; 4+6 x
Et gardez-vous de vous tuer pour elles. 4+6 x
405 Les doux objets de votre affection 4+6 x
Sont maintenant à des épreuves rudes ; 4+6 j
Je plains leurs maux et vos sollicitudes. 4+6 j
Habillez-vous ; prenez des chevaux frais, 4+6 t
Ne manquez pas le chemin qu'il faut prendre ; 4+6 e
410 Le ciel par moi daigne ici vous apprendre, 4+6 e
Pour les trouver, qu'il faut courir après. » 4+6 t
Le Poitevin admira l'énergie 4+6 m
De ce discours ; et le Breton pensif, 4+6 k
Lui dit : « Je crois à votre prophétie, 4+6 m
415 Nous poursuivrons le voleur fugitif, 4+6 k
Quand nous aurons retrouvé des montures, 4+6 l
Et des pourpoints, et surtout des armures. » 4+6 l
La vieille dit : « On vous en fournira. » 4+6 m
Un circoncis par bonheur était là, 4+6 m
420 Enfant barbu d'Isâc et de Juda, 4+6 m
Dont la belle âme, à servir empressée, 4+6 m
Faisait fleurir la gent déprépucée. 4+6 m
Le digne Hébreu leur prêta galamment 4+6 d
Deux mille écus à quarante pour cent, 4+6 d
425 Selon les us de la race bénite 4+6 w
En Canaan par Moïse conduite ; 4+6 w
Et le profit que le Juif s'arrogea 4+6 m
Entre la sainte et lui se partagea. 4+6 m
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