Métrique en Ligne
a voyelle stable
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e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
VOL_2/VOL25
VOLTAIRE
(François-Marie Arouet)
La Pucelle d'Orléans
1752
CHANT IV
Argument
Jeanne et Dunois combattent les Anglais. Ce qui leur arrive dans le château d'Hermaphrodix.
Si j'étais roi,je voudrais être juste, 4+6 a
Dans le reposmaintenir mes sujets, 4+6 b
Et tous les joursde mon empire auguste 4+6 a
Seraient marquéspar de nouveaux bienfaits. 4+6 b
5 Que si j'étaiscontrôleur des finances, 4+6 c
Je donneraisà quelques beaux esprits, 4+6 d
Par-ci, par-là,de bonnes ordonnances : 4+6 c
Car, après tout,leur travail vaut son prix. 4+6 d
Que si j'étaisarchevêque à Paris, 4+6 d
10 Je tâcheraisavec le moliniste 4+6 f
D'apprivoiserle rude janséniste. 4+6 f
Mais si j'aimaisune jeune beauté, 4+6 g
Je ne voudraism'éloigner d'auprès d'elle, 4+6 h
Et chaque jourune fête nouvelle, 4+6 h
15 Chassant l'ennuide l'uniformité, 4+6 g
Tiendrait son cœuren mes fers arrêté. 4+6 g
Heureux amants,que l'absence est cruelle ! 4+6 h
Que de dangeron essuie en amour ! 4+6 i
On risque, hélas !dès qu'on quitte sa belle, 4+6 h
20 D'être cocudeux ou trois fois par jour. 4+6 i
 Le preux Chandosà peine avait la joie 4+6 j
De s'ébaudirsur sa nouvelle proie, 4+6 j
Que tout à coupJeanne de rang en rang 4+6 k
Porte la mort,et fait couler le sang. 4+6 k
25 De Déborala redoutable lance 4+6 l
Perce Dildosi fatal à la France, 4+6 l
Lui qui pillales trésors de Clairvaux, 4+6 m
Et violales sœurs de Fontevraux. 4+6 m
D'un coup nouveaules deux yeux elle crève 4+6 n
30 A Fonkinar,digne d'aller en Grève. 4+6 n
Cet impudent,né dans les durs climats 4+6 o
De l'Hibernie,au milieu des frimas, 4+6 o
Depuis trois ansfaisait l'amour en France, 4+6 l
Comme un enfantde Rome ou de Florence. 4+6 l
35 Elle terrasseet milord Halifax, 4+6 p
Et son cousinl'impertinent Borax, 4+6 p
Et Midarblouqui renia son père, 4+6 q
Et Bartonayqui fit cocu son frère. 4+6 q
A son exempleon ne voit chevalier, 4+6 g
40 Il n'est gendarme,il n'est bon écuyer, 4+6 g
Qui dix Anglaisn'enfile de sa lance. 4+6 l
La mort les suit,la terreur les devance : 4+6 l
On croyait voiren ce moment affreux 4+6 r
Un dieu puissantqui combat avec eux. 4+6 r
45  Parmi le bruitde l'horrible tempête, 4+6 s
Frère Lourdiscriait à pleine tête : 4+6 s
« Elle est pucelle,Anglais, frémissez tous ; 4+6 t
C'est saint Denysqui l'arme contre vous ; 4+6 t
Elle est pucelle,elle a fait des miracles ; 4+6 u
50 Contre son brasvous n'avez point d'obstacles ; 4+6 u
Vite à genoux,excréments d'Albion, 4+6 v
Demandez-luisa bénédiction. » 4+6 v
Le fier Talbot,écumant de colère, 4+6 q
Incontinentfait empoigner le frère ; 4+6 q
55 On vous le lie,et le moine content, 4+6 w
Sans s'émouvoir,continuait criant : 4+6 w
« Je suis martyr ;Anglais, il faut me croire ; 4+6 x
Elle est pucelle ;elle aura la victoire. » 4+6 x
 L'homme est crédule,et dans son faible cœur 4+6 y
60 Tout est reçu ;c'est une molle argile. 4+6 z
Mais que surtoutil part bien facile 4+6 z
De nous surprendreet de nous faire peur ! 4+6 y
Du bon Lourdisle discours extatique 4+6 a
Fit plus d'effetsur le cœur des soldats 4+6 o
65 Que l'amazoneet sa troupe héroïque 4+6 a
N'en avaient faitpar l'effort de leurs bras. 4+6 o
Ce vieil instinctqui fait croire aux prodiges, 4+6 b
L'esprit d'erreur,le trouble, les vertiges, 4+6 b
La froide crainteet les illusions, 4+6 c
70 On fait tournerla tête des Bretons. 4+6 c
De ces Bretonsla nation hardie 4+6 d
Avait alorspeu de philosophie ; 4+6 d
Maints chevaliersétaient des esprits lourds : 4+6 e
Les beaux espritsne sont que de nos jours. 4+6 e
75  Le preux Chandos,toujours plein d'assurance, 4+6 l
Criait aux siens :« Conquérants de la France, 4+6 l
Marchez à droite.» Il dit, et dans l'instant 4+6 w
On tourne à gauche,et l'on fuit en jurant. 4+6 w
Ainsi jadisdans ces plaines fécondes 4+6 f
80 Que de l'Euphrateenvironnent les ondes, 4+6 f
Quand des humainsl'orgueil capricieux 4+6 r
Voulut bâtirprès des vtes des cieux, 4+6 r
Dieu, ne voulantd'un pareil voisinage, 4+6 g
En cent jargonstransmua leur langage. 4+6 g
85 Sitôt qu'un d'euxà boire demandait, 4+6 h
Plâtre ou mortierd'abord on lui donnait ; 4+6 h
Et cette gent,de qui Dieu se moquait, 4+6 h
Se sépara,laissant là son ouvrage. 4+6 g
 On sait bientôtaux remparts d'Orléans 4+6 i
90 Ce grand combatcontre les assiégeants : 4+6 i
La renomméey vole à tire-d'aile, 4+6 h
Et va prônantle nom de la Pucelle. 4+6 h
Vous connaissezl'impétueuse ardeur 4+6 y
De nos Français ;ces fous sont pleins d'honneur : 4+6 y
95 Ainsi qu'au balils vont tous aux batailles. 4+6 j
Déjà Dunoisla gloire des bâtards, 4+6 k
Dunois qu'en Grèceon aurait pris pour Mars, 4+6 k
Et La Trimouille,et La Hire, et Saintrailles, 4+6 j
Et Richemont,sont sortis des murailles, 4+6 j
100 Croyant déjàchasser les ennemis, 4+6 d
Et criant tous :« sont-ils ? sont-ils ? » 4+6 d
 Ils n'étaient pasbien loin :car près des portes 4+6 l
Sire Talbot,homme de très-grand sens, 4+6 i
Pour s'opposerà l'ardeur de nos gens, 4+6 i
105 En embuscadeavait mis dix cohortes. 4+6 l
 Sire Talbota depuis plus d'un jour 4+6 i
Juré tout hautpar saint George et l'Amour 4+6 i
Qu'il entreraitdans la ville assiégée. 4+6 m
Son âme étaitvivement partagée : 4+6 m
110 Du gros Louvetla superbe moitié 4+6 g
Avait pour luiplus que de l'amitié ; 4+6 g
Et ce héros,qu'un noble espoir enflamme, 4+6 n
Veut conquériret la ville et sa dame. 4+6 n
 Nos chevaliersà peine ont fait cent pas, 4+6 o
115 Que ce Talbotleur tombe sur les bras ; 4+6 o
Mais nos Françaisne s'étonnèrent pas. 4+6 o
Champs d'Orléans,noble et petit théâtre 4+6 o
De ce combatterrible, opiniâtre, 4+6 o
Le sang humaindont vous fûtes couverts 4+6 p
120 Vous engraissapour plus de cent hivers. 4+6 p
Jamais les champsde Zama, de Pharsale, 4+6 q
De Malplaquetla campagne fatale, 4+6 q
Célères lieux,couverts de tant de morts 4+6 r
N'ont vu tenterde plus hardis efforts. 4+6 r
125 Vous eussiez vules lances hérissées, 4+6 s
L'une sur l'autreen cent tronçons cassées ; 4+6 s
Les écuyers,les chevaux renversés, 4+6 t
Dessus leurs piedsdans l'instant redressés ; 4+6 t
Le feu jaillirdes coups de cimeterre, 4+6 q
130 Et du soleilredoubler la lumière ; 4+6 q
De tous côtésvoler, tomber à bas, 4+6 o
Épaules, nez,mentons, pieds, jambes, bras. 4+6 o
 Du haut des cieuxles anges de la guerre, 4+6 q
Le fier Michel,et l'exterminateur, 4+6 y
135 Et des Persansle grand flagellateur, 4+6 y
Avaient les yeuxattachés sur la terre, 4+6 q
Et regardaientce combat plein d'horreur. 4+6 y
 Michel alorsprit la vaste balance 4+6 l
dans le cielon pèse les humains ; 4+6 u
140 D'une main sûreil pesa les destins 4+6 u
Et les hérosd'Angleterre et de France. 4+6 l
Nos chevaliers,pesés exactement, 4+6 w
Légers de poidspar malheur se trouvèrent : 4+6 v
Du grand Talbotles destins l'emportèrent : 4+6 v
145 C'était du cielun secret jugement. 4+6 w
Le Richemontse voit incontinent 4+6 w
Percé d'un traitde la hanche à la fesse ; 4+6 w
Le vieux Saintraille,au dessus du genou ; 4+6 x
Le beau La Hire,ah ! je n'ose dire ; 4+6 x
150 Mais que je plainssa gentille mtresse ! 4+6 w
Dans un maraisLa Trimouille enfoncé 4+6 g
Ne put sortirqu'avec un bras cassé : 4+6 g
Donc à la villeil fallut qu'ils revinssent 4+6 y
Tout éclopés,et qu'au lit ils se tinssent. 4+6 y
155 Voilà commentils furent bien punis, 4+6 d
Car ils s'étaientmoqués de saint Denys. 4+6 d
 Comme il lui plt,Dieu fait justice ou grâce ; 4+6 z
Quesnel l'a dit,nul ne peut en douter : 4+6 g
Or il lui plutle bâtard excepter 4+6 g
160 Des étourdisdont il punit l'audace. 4+6 z
Un chacun d'eux,laidement ajusté, 4+6 g
S'en retournaitsur un brancard porté, 4+6 g
En maugréantet Jeanne et la fortune. 4+6 a
Dunois, n'ayantégratignure aucune, 4+6 a
165 Pousse aux Anglais,plus prompt que les éclairs : 4+6 p
Il fend leurs rangs,se fait jour à travers, 4+6 p
Passe, et se trouveaux lieux la Pucelle 4+6 h
Fait tout tomber, tout fuit devant elle. 4+6 h
Quand deux torrents,l'effroi des laboureurs, 4+6 b
170 Précipitésdu sommet des montagnes, 4+6 c
Mêlent leurs flots,assemblent leurs fureurs, 4+6 b
Ils vont noyerl'espoir de nos campagnes : 4+6 c
Plus dangereuxétaient Jeanne et Dunois, 4+6 d
Unis ensemble,et frappant à la fois. 4+6 d
175  Dans leur ardeursi bien ils s'emportèrent, 4+6 v
Si rudementles Anglais ils chassèrent, 4+6 v
Que de leurs gensbientôt ils s'écartèrent. 4+6 v
La nuit survint ;Jeanne et l'autre héros, 4+6 e
N'entendant plusni Français ni Chandos, 4+6 e
180 Font tous deux halteen criant : Vive France ! 4+6 l
Au coin d'un bois régnait le silence. 4+6 l
Au clair de luneils cherchent le chemin. 4+6 f
Ils viennent, vont,tournent, le tout en vain ; 4+6 f
Enfin rendus,ainsi que leur monture, 4+6 g
185 Mourants de faim,et lassés de chercher, 4+6 g
Ils maudissaientla fatale aventure 4+6 g
D'avoir vaincusans savoir coucher. 4+6 g
Tel un vaisseausans voile, sans boussole, 4+6 h
Tournoie au gréde Neptune et d'Éole. 4+6 h
190  Un certain chien,qui passa tout auprès, 4+6 b
Pour les sauversembla venir exprès ; 4+6 b
Le chien approche,il jappe, il leur fait fête ; 4+6 s
Virant sa queue,et portant haut sa tête, 4+6 s
Devant eux marche ;et se tournant cent fois, 4+6 d
195 Il paraissaitleur dire en son patois : 4+6 d
« Venez par-là,messieurs, suivez-moi vite ; 4+6 i
Venez, vous dis-je,et vous aurez bon gîte. » 4+6 i
Nos deux hérosentendirent fort bien, 4+6 f
Par ces façonsce que voulait ce chien ; 4+6 f
200 Ils suivent donc,guidés par l'espérance, 4+6 l
Et priant Dieupour le bien de la France, 4+6 l
Et se faisanttous deux de temps en temps 4+6 i
Sur leur exploits,de très-beaux compliments. 4+6 i
Du coin lascifd'une vive prunelle, 4+6 h
205 Dunois lorgnaitmalgré lui la Pucelle ; 4+6 h
Mais il savaitqu'à son bijou caché 4+6 g
De tout l'Étatle sort est attaché, 4+6 g
Et qu'à jamaisla France est ruinée, 4+6 m
Si cette fleurse cueille avant l'année. 4+6 m
210 Il étouffaitnoblement ses désirs, 4+6 j
Et préféraitl'État à ses plaisirs. 4+6 j
Et cependant,quand la rouet mal sûre 4+6 g
De l'âne saintfaisait clocher l'allure, 4+6 g
Dunois ardent,Dunois officieux 4+6 r
215 De son bras droitretenait la guerrière, 4+6 q
Et Jeanne d'Arc,en clignotant des yeux 4+6 r
De son bras gaucheétendu par derrière 4+6 q
Serrait aussice héros vertueux : 4+6 r
Dont il advint,tandis qu'ils chevauchèrent, 4+6 v
220 Que très-souventleurs bouches se touchèrent, 4+6 v
Pour se parlertous les deux de plus près 4+6 b
De la patrieet de ses intérêts. 4+6 b
 On m'a conté,ma belle Konismare, 4+6 k
Que Charles douze,en son humeur bizarre, 4+6 k
225 Vainqueur des roiset vainqueur de l'amour, 4+6 i
N'osa t'admettreà sa brutale cour : 4+6 i
Charles craignitde te rendre les armes ; 4+6 l
Il se sentit,il évita tes charmes. 4+6 l
Mais tenir Jeanneet ne point y toucher, 4+6 g
230 Se mettre à table,avoir faim sans manger, 4+6 g
Cette victoireétait cent fois plus belle. 4+6 h
Dunois ressembleà Robert d'Arbrisselle, 4+6 h
A ce grand saintqui se plus à coucher 4+6 g
Entre les brasde deux nonnes fessues, 4+6 m
235 A caresserquatre cuisses dodues, 4+6 m
Quatre tetons,et le tout sans pécher. 4+6 g
 Au point du jourapparut à leur vue 4+6 n
Un beau palaisd'une vaste étendue : 4+6 n
De marbre blancétait bâti le mur ; 4+6 o
240 Une doriqueet longue colonnade 4+6 p
Porte un balconformé de jaspe pur ; 4+6 o
De porcelaineétait la balustrade. 4+6 p
Nos paladins,enchantés, éblouis, 4+6 d
Crurent entrertout droit en paradis. 4+6 d
245 Le chien aboie :aussitôt vingt trompettes 4+6 q
Se font entendre,et quarante estafiers, 4+6 t
A pourpoints d'or,à brillantes braguettes, 4+6 q
Viennent s'offrirà nos deux chevaliers. 4+6 t
Très-galammentdeux jeunes écuyers 4+6 t
250 Dans le palaispar la main les conduisent ; 4+6 r
Dans des bains d'orfilles les introduisent 4+6 r
Honnêtement ;puis lavés, essuyés, 4+6 t
D'un déjeuneramplement festoyés, 4+6 t
Dans de beaux litsbrodés ils se couchèrent, 4+6 v
255 Et jusqu'au soiren héros ils ronflèrent. 4+6 v
 Il faut savoirque le mtre et seigneur 4+6 y
De ce logis,digne d'un empereur, 4+6 y
Était le filsde l'un de ces génies, 4+6 s
Des vastes cieuxhabitants éternels, 4+6 b
260 De qui souventles grandeurs infinies 4+6 s
S'humanisaientchez les faibles mortels. 4+6 b
Or cet esprit,mêlant sa chair divine 4+6 t
Avec la chaird'une bénédictine, 4+6 t
En avait eule noble Hermaphrodix, 4+6 d
265 Grand nécromant,et le très-digne fils 4+6 d
De cet incubeet de la mère Alix. 4+6 d
Le jour qu'il eutquatorze ans accomplis, 4+6 d
Son géniteur,descendant de sa sphère, 4+6 q
Lui dit : « Enfant,tu me dois la lumière ; 4+6 q
270 Je viens te voir,tu peux former des vœux ; 4+6 r
Souhaite, parle,et je te rends heureux. » 4+6 r
Hermaphrodix,né très-voluptueux, 4+6 r
Et digne en toutde sa noble origine, 4+6 t
Dit : « Je me sensde race bien divine, 4+6 t
275 Car je rassembleen moi tous les désirs, 4+6 j
Et je voudraisavoir tous les plaisirs. 4+6 j
De voluptésrassasiez mon âme ; 4+6 n
Je veux aimercomme homme et comme femme, 4+6 n
Être la nuitdu sexe féminin, 4+6 f
280 Et tout le jourdu sexe masculin. » 4+6 f
L'incube dit :Tel sera ton destin ; 4+6 f
Et dès ce jourla ribaude figure 4+6 g
Jouit des droitsde sa double nature : 4+6 g
Ainsi Platon,le confident des dieux, 4+6 r
285 A prétenduque nos premiers aïeux, 4+6 r
D'un pur limonpétri des mains divines 4+6 u
Nés tous parfaitset nommés androgynes, 4+6 u
Égalementdes deux sexes pourvus, 4+6 v
Se suffisaientpar leurs propres vertus. 4+6 v
290  Hermaphrodixétait bien au-dessus : 4+6 v
Car se donnerdu plaisir à soi-même, 4+6 w
Ce n'est pas làle sort le plus divin ; 4+6 f
Il est plus beaud'en donner au prochain, 4+6 f
Et deux à deuxest le bonheur suprême. 4+6 w
295 Ses courtisansdisaient que tout à tour 4+6 i
C'était Vénus,c'était le tendre Amour : 4+6 i
De tous côtésils luis cherchaient des filles, 4+6 x
Des bacheliersou des veuves gentilles. 4+6 x
 Hermaphrodixavait oublié net 4+6 h
300 De demanderun don plus nécessaire, 4+6 q
Un don sans quoinul plaisir n'est parfait, 4+6 h
Un don charmant ;eh quoi ? celui de plaire. 4+6 q
Dieu, pour punircet effréné paillard, 4+6 y
Le fit plus laidque Samuel Bernard ; 4+6 y
305 Jamais ses yeuxne firent de conquêtes ; 4+6 q
C'est vainementqu'il prodiguait les fêtes, 4+6 q
Les longs repas,les danses, les concerts ; 4+6 p
Quelquefois mêmeil composait des vers. 4+6 p
Mais quand un jouril tenait une belle, 4+6 h
310 Et quand la nuitsa vanité femelle 4+6 h
Se soumettaità quelque audacieux, 4+6 r
Le ciel alorstrahissait tous ses vœux ; 4+6 r
Il recevaitpour toutes embrassades, 4+6 z
Mépris, dégts,injures, rebuffades : 4+6 z
315 Le juste ciellui faisait bien sentir 4+6 a
Que les grandeursne sont pas du plaisir. 4+6 a
« Quoi ! disait-il,la moindre chambrière 4+6 q
Tient son galantétendu sur son sein ; 4+6 f
Un lieutenanttrouve une conseillère ; 4+6 q
320 Dans un moutierun moine a sa nonnain : 4+6 f
Et moi, génie,et riche, et souverain, 4+6 f
Je suis le seuldans la machine ronde 4+6 b
Privé d'un biendont jouit tout le monde ! » 4+6 b
Lors il jura,par les quatre éléments, 4+6 i
325 Qu'il puniraitles gaons et les belles 4+6 c
Qui n'auraient paspour lui des sentiments, 4+6 i
Et qu'il feraitdes exemples sanglants 4+6 i
Des cœurs ingrats,et surtout des cruelles. 4+6 c
 Il recevaiten roi les survenants ; 4+6 i
330 Et de Sabala reine basanée, 4+6 m
Et Thalestrisdans la Perse amenée, 4+6 m
Avaient reçudes moins riches présents 4+6 i
Des deux grands roisqui brûlèrent pour elles, 4+6 c
Qu'il n'en faisaitaux chevaliers errants, 4+6 i
335 Aux bacheliers,aux gentes demoiselles. 4+6 c
Mais si quelqu'und'un esprit trop rétif 4+6 d
Manquait pour luid'un peu de complaisance, 4+6 l
S'il lui faisaitla moindre résistance, 4+6 l
Il était sûrd'être empalé tout vif. 4+6 d
340  Le soir venu,monseigneur étant femme, 4+6 n
Quatre huissiersde la part de madame, 4+6 n
Viennent priernotre aimable bâtard 4+6 y
De vouloir biendescendre sur le tard 4+6 y
Dans l'entre-sol,tandis qu'en compagnie 4+6 d
345 Jeanne soupaitavec cérémonie. 4+6 d
Le beau Dunoistout parfumé descend 4+6 e
Au cabinet le souper l'attend. 4+6 e
Tel que jadisla sœur de Ptolémée, 4+6 m
De tout plaisirnoblement affamée, 4+6 m
350 Sut en donnerà ces Romains fameux, 4+6 r
A ces hérosfiers et voluptueux, 4+6 r
Au grand César,au brave ivrogne Antoine ; 4+6 f
Tel que moi-mêmeen ai fait chez un moine, 4+6 f
Vainqueur heureuxde ses pesants rivaux, 4+6 m
355 Quand on l'élutroi tondu de Clairvaux ; 4+6 m
Ou tel encore,aux vtes éternelles, 4+6 c
Si l'on en croitfrère Orphée et Nason, 4+6 v
Et frère Homère,Hésiode, Platon, 4+6 v
Le dieu des dieux,patron des infidèles, 4+6 c
360 Loin de Junonsoupe avec Sémélé, 4+6 g
Avec Isis,Europe, ou Danaé ; 4+6 g
Les plats sont missur la table divine 4+6 t
Des belles mainsde la tendre Euphrosine, 4+6 t
Et de Thalie,et de la jeune Églé, 4+6 g
365 Qui, comme on sait,sont là-haut les trois Grâces, 4+6 g
Dont nos pédantssuivent si peu les traces ; 4+6 g
Le doux nectarest servi par Hébé, 4+6 g
Et par l'enfantdu fondateur du Troie, 4+6 j
Qui dans Idapar un aigle enlevé 4+6 g
370 De son seigneuren secret fait la joie : 4+6 j
Ainsi soupamadame Hermaphrodix 4+6 e
Avec Dunois,juste entre neuf et dix. 4+6 e
 Madame avaitprodigué la parure : 4+6 g
Les diamantssurchargeaient sa coiffure ; 4+6 g
375 Son gros cou jaune,et ses deux bras carrés, 4+6 t
Sont de rubis,de perles entourés ; 4+6 t
Elle en étaitencor plus effroyable. 4+6 h
Elle le presseau sortir de la table : 4+6 h
Dunois tremblapour la première fois. 4+6 d
380 Des chevaliersc'était le plus courtois : 4+6 d
Il t voulude quelque politesse 4+6 w
Payer au moinsles soins de son hôtesse ; 4+6 w
Et du tendroncontemplant la laideur, 4+6 y
Il se disait :« J'en aurai plus d'honneur. » 4+6 y
385 Il n'en eut point :le plus brillant courage 4+6 g
Peut quelquefoisessuyer cet outrage. 4+6 g
Hermaphrodix,en son affliction, 4+6 v
Eut pour Dunoisquelque compassion ; 4+6 v
Car en secretson âme était flattée 4+6 m
390 De grands effortsdu triste champion. 4+6 v
Sa probité,sa bonne intention 4+6 v
Fut cette foispour le fait réputée. 4+6 m
« Demain, dit-elle,on pourra vous offrir 4+6 a
Votre revanche.Allez, faites en sorte 4+6 i
395 Que votre amoursur vos respects l'emporte, 4+6 i
Et soyez prêt,seigneur, à mieux servir. » 4+6 a
 Déjà du jourla belle avant-courrière 4+6 q
De l'oriententr'ouvrait la barrière : 4+6 q
Or vous savezque cet instant préfix 4+6 e
400 En cavalierchangeait Hermaphrodix. 4+6 e
Alors brûlantd'une flamme nouvelle 4+6 h
Il s'en va droitau lit de la Pucelle, 4+6 h
Les rideaux tire,et lui fourrant au sein 4+6 f
Sans complimentson impudente main, 4+6 f
405 Et lui donnantun baiser immodeste, 4+6 j
Attente en mtreà sa pudeur céleste : 4+6 j
Plus il s'agite,et plus il devint laid. 4+6 h
Jeanne, qu'animeune chrétienne rage, 4+6 g
D'un bras nerveuxlui détache un soufflet 4+6 h
410 A poing fermésur son vilain visage. 4+6 g
Ainsi j'ai vu,dans mes fertiles champs, 4+6 i
Sur un pré vert,une de mes cavales, 4+6 l
Au poil de tigre,aux taches inégales, 4+6 l
Aux pieds légers,aux jarrets bondissants, 4+6 i
415 Réprimanderd'une fière ruade 4+6 p
Un bourriquetde sa croupe amoureux, 4+6 r
Qui dans sa lourdeet grossière embrassade 4+6 p
Dressait l'oreille,et se croyait heureux. 4+6 r
Jeanne en celafit sans doute une faute ; 4+6 m
420 Elle devaitdes égards à son hôte. 4+6 m
De la pudeurje prends les intérêts ; 4+6 b
Cette vertun'est point chez moi bannie : 4+6 d
Mais quand un prince,et surtout un génie, 4+6 d
De vous baisera quelque douce envie, 4+6 d
425 Il ne faut paslui donner des soufflets. 4+6 b
Le fils d'Alix,quoiqu'il fût des plus laids, 4+6 b
N'avait point vude femme assez hardie 4+6 d
Pour l'oser battreen son propre palais. 4+6 b
Il crie, on vient ;ses pages, ses valets, 4+6 b
430 Gardes, lutins,à ses ordres sont prêts : 4+6 b
L'un d'eux lui ditque la fière Pucelle 4+6 h
Envers Dunoisn'était pas si cruelle. 4+6 h
O calomnie !affreux poison des cours, 4+6 e
Discours malins,faux rapports, médisance, 4+6 l
435 Serpents maudits,sifflerez-vous toujours 4+6 e
Chez les amantscomme à la cour de France ? 4+6 l
 Notre tyran,doublement outragé, 4+6 g
Sans nul délaivoulut être vengé. 4+6 g
Il prononçala sentence fatale : 4+6 q
440 « Allez, dit-il,amis, qu'on les empale. » 4+6 q
On obéit ;on fit incontinent 4+6 w
Tous les apprêtsde ce grand châtiment. 4+6 w
Jeanne et Dunois,l'honneur de la patrie, 4+6 d
S'en vont mourirau printemps de leur vie. 4+6 d
445 Le beau bâtardest garrotté tout nu, 4+6 n
Pour être assissur un bâton pointu. 4+6 n
Au même instant,une troupe profane 4+6 o
Mène au poteaula belle et fière Jeanne ; 4+6 o
Et ses soufflets,ainsi que ses appas, 4+6 o
450 Seront punispar un affreux trépas. 4+6 o
De sa chemiseaussitôt dépouillée, 4+6 m
De coups de foueten passant flagellée, 4+6 m
Elle est livréeaux cruels empaleurs. 4+6 b
Le beau Dunois,soumis à leurs fureurs, 4+6 b
455 N'attendant plusque son heure dernière, 4+6 q
Faisait à Dieusa dévote prière ; 4+6 q
Mais une œilladeimpérieuse et fière 4+6 q
De temps en tempsétonnait les bourreaux, 4+6 m
Et ses regardsdisaient : « C'est un héros. » 4+6 m
460 Mais quand Dunoiseut vu son héroïne, 4+6 t
Des fleurs de lisvengeresse divine, 4+6 t
Prête à subircette effroyable mort, 4+6 p
Il déploral'inconstance du sort : 4+6 p
De la Pucelleil parcourait les charmes ; 4+6 l
465 Et regardantles funestes apprêts 4+6 b
De ce trépas,il répandit des larmes, 4+6 l
Que pour lui-mêmeil ne versa jamais. 4+6 b
 Non moins superbeet non moins charitable, 4+6 h
Jeanne, aux frayeurstoujours impénétrable, 4+6 h
470 Languissammentle beau bâtard lorgnait, 4+6 h
Et pour lui seulson grand cœur gémissait. 4+6 h
Leur nudité,leur beauté, leur jeunesse, 4+6 w
En dépit d'euxréveillaient leur tendresse. 4+6 w
Ce feu si doux,si discret, et si beau, 4+6 q
475 Ne s'échappaitqu'au bord de leur tombeau ; 4+6 q
Et cependantl'animal amphibie, 4+6 d
A son dépitjoignant la jalousie, 4+6 d
Faisait aux siensl'effroyable signal 4+6 r
Qu'on empalâtle couple déloyal. 4+6 r
480  Dans ce moment,une voix de tonnerre, 4+6 q
Qui fit trembleret les airs et la terre, 4+6 q
Crie : « Arrêtez,gardez-vous d'empaler, 4+6 g
N'empalez pas.» Ces mots font reculer 4+6 g
Les fiers licteurs.On regarde, on avise 4+6 s
485 Sous le portailun grand homme d'Église, 4+6 s
Coiffé d'un froc,les reins ceints d'un cordon : 4+6 v
On reconnutle père Grisbourdon. 4+6 v
Ainsi qu'un chiendans la forêt voisine, 4+6 t
Ayant sentid'une adroite narine 4+6 t
490 Le doux fumet,et tous ces petits corps 4+6 r
Sortant au loinde quelque cerf dix-corps, 4+6 r
Il le poursuitd'une course légère, 4+6 q
Et sans le voir,par l'odorat mené, 4+6 g
Franchit fossés,se glisse en la bruyère, 4+6 q
495 Par d'autres cerfsil n'est point détourné : 4+6 g
Ainsi le filsde saint François d'Assise, 4+6 s
Porté toujourspar son lourd muletier, 4+6 g
De la Pucellea suivi le sentier, 4+6 g
Courant sans cesse,et ne lâchant point prise. 4+6 s
500  En arrivant,il cria : « Fils d'Alix, 4+6 e
Au nom du diable,et par les eaux du Styx, 4+6 e
Par le démon,qui fut ton digne père, 4+6 q
Par le psautierde sœur Alix ta mère, 4+6 q
Sauve le jourà l'objet de mes vœux ; 4+6 r
505 Regarde-moi,je viens payer pour deux. 4+6 r
Si ce guerrieret si cette pucelle 4+6 h
Ont méritéton indignation, 4+6 v
Je tiendrai lieude ce couple rebelle ; 4+6 h
Tu sais quelle estma réputation. 4+6 v
510 Tu vois de pluscet animal insigne, 4+6 t
Ce mien mulet,de me porter si digne ; 4+6 t
Je t'en fais don,c'est pour toi qu'il est fait ; 4+6 h
Et tu diras :« Tel moine, tel mulet. » 4+6 h
Laissons allerce gendarme profane ; 4+6 o
515 Qu'on le délie,et qu'on nous laisse Jeanne ; 4+6 o
Nous demandonstous deux pour digne prix 4+6 d
Cette beautédont nos cœurs sont épris. » 4+6 d
 Jeanne écoutaitcet horrible langage 4+6 g
En frémissant :sa foi, son pucelage, 4+6 g
520 Ses sentimentsd'amour et de grandeur, 4+6 y
Plus que la vieétaient chers à son cœur. 4+6 y
La grâce encor,du ciel ce don suprême, 4+6 w
Dans son espritcombattait Dunois même. 4+6 w
Elle pleurait,elle implorait les cieux, 4+6 r
525 Et, rougissantd'être ainsi toute nue, 4+6 n
De temps en tempsfermant ses tristes yeux, 4+6 r
Ne voyant point,croyait n'être point vue. 4+6 n
 Le bon Dunoisétait désespéré ; 4+6 g
« Quoi ! disait-il,ce pendard décltré 4+6 g
530 Aura ma Jeanne,et perdra ma patrie ! 4+6 d
Tout va céderà ce sorcier impie ! 4+6 d
Tandis que moi,discret jusqu'à ce jour, 4+6 i
Modestement,je cachais mon amour ! » 4+6 i
 Et cependantl'offre honnête et polie 4+6 d
535 De Grisbourdonfit un très-bon effet 4+6 h
Sur les cinq sens,sur l'âme du génie. 4+6 d
Il s'adoucit,il parut satisfait. 4+6 h
« Ce soir, dit-il,vous et votre mulet 4+6 h
Tenez-vous prêts :je cède, je pardonne 4+6 u
540 A ces Français ;je vous les abandonne. » 4+6 u
 Le moine grispossédait le bâton 4+6 v
Du bon Jacob,l'anneau de Salomon, 4+6 v
Sa clavicule,et la verge enchantée 4+6 m
Des conseillerssorciers de Pharaon, 4+6 v
545 Et le balaissur qui parut montée 4+6 m
Du preux Saülla sorcière édentée, 4+6 m
Quand dans Endorà ce prince imprudent 4+6 w
Elle fit voirl'âme d'un revenant. 4+6 w
Le cordelieren savait tout autant ; 4+6 w
550 Il fit un cercle,et prit de la poussière, 4+6 q
Que sur la bêteil jeta par derrière, 4+6 q
En lui disantces mots toujours puissants 4+6 w
Que Zoroastreenseignait aux Persans. 4+6 w
A ces grands motsdits en langue du diable, 4+6 h
555 O grand pouvoir !ô merveille ineffable ! 4+6 h
Notre muletsur deux pieds se dressa, 4+6 v
Sa tête oblongueen ronde se changea, 4+6 v
Ses longs crins noirspetits cheveux devinrent, 4+6 w
Sous son bonnetses oreilles se tinrent. 4+6 w
560 Ainsi jadisce sublime empereur 4+6 y
Dont Dieu punitle cœur dur et superbe, 4+6 x
Devenu bœuf,et sept ans nourri d'herbe, 4+6 x
Redevint homme,et n'en fut pas meilleur. 4+6 y
 Du cintre bleude la céleste sphère, 4+6 q
565 Denys voyaitavec des yeux de père 4+6 q
De Jeanne d'Arcle déplorable cas ; 4+6 o
Il t voulus'élancer ici-bas, 4+6 o
Mais il étaitlui-même en embarras. 4+6 o
Denys s'étaitattiré sur les bras 4+6 o
570 Par son voyageune fâcheuse affaire. 4+6 q
Saint George étaitle patron d'Angleterre ; 4+6 q
Il se plaignitque monsieur saint Denys, 4+6 d
Sans aucun ordreet sans aucun avis, 4+6 d
A ses Bretonst fait ainsi la guerre. 4+6 q
575 George et Denys,de propos en propos, 4+6 e
Piqués au vif,en vinrent aux gros mots. 4+6 e
Les saints anglaisont dans leur caractère 4+6 q
Je ne sais quoide dur et d'insulaire : 4+6 q
On tient toujoursun peu de son pays. 4+6 d
580 En vain notre âmeest dans le paradis ; 4+6 d
Tout n'est pas pur,et l'accent de province 4+6 y
Ne se perd point,même à la cour du prince. 4+6 y
 Mais il est temps,lecteur, de m'arrêter ; 4+6 g
Il faut fournirune longue carrière ; 4+6 q
585 J'ai peu d'haleine,et je dois vous conter 4+6 g
L'événementde tout ce grand mystère ; 4+6 q
Dire commentce nœud se débrouilla, 4+6 v
Ce que fit Jeanne,et ce qui se passa 4+6 v
Dans les enfers,au ciel, et sur la terre. 4+6 q
mètre profil métrique : 4+6
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