Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
VLM_1/VLM1
corpus Pamela Puntel
VILLEMER
(Germain GIRARD)
LE BAISER DE L'ALSACIENNE
1870
LE BAISER DE L'ALSACIENNE
Dit par M. Delaunay de la Comédie Française
Le soleil de Juillet | illuminait l' Alsace. 6+6 a
Les appels du clairon | éclataient dans l'espace… 6+6 a
Tout le jour, défilaient, | en chantant, pleins d 'entrain, 6+6 b
Des régiments français | s'en allant vers le Rhin… 6+6 b
5 Sur la place publique, | auprès de la fontaine, 6+6 a
De son regard rêveur | une jeune Alsacienne 6+6 a
Depuis un long moment | suivait avec amour 6+6 b
Les zouaves préparant | leur campement d'un jour : 6+6 b
Quand l'un d'eux, un sergent | à la mine éveillée, 6+6 a
10 Se dirigea vers la | fontaine ensoleillée : 6−6 a
— Dites, la belle enfant, | fit-il, portant la main 6+6 b
A son turban tout gris | des poudres du chemin, 6+6 b
D'un peu d 'eau, s'il vous plait, | me ferez-vous la grâce ? 6+6 a
A cette question | la blonde enfant d'Alsace 6+6 a
Sourit et lui tendit | son vase :
15 « Assurément, 6+6 b
Dit-elle, j'en aurais | pour tout le régiment. 6+6 b
Buvez sans crainte l'eau | de la source française, 6+6 a
Buvez, petit sergent, | buvez tout à votre aise ! » 6+6 a
Mais quoiqu'elle insistât | le sergent ne but pas, 6+6 b
20 Et les yeux dans ses yeux, | il ajouta plus bas : 6+6 b
« Non, vous d'abord, buvez… | Ma soif n'est pas pressée… 6+6 a
Buvez ! Je voudrais tant | savoir votre pensée ! » 6+6 a
Riant de son caprice, | elle but lentement 6+6 b
Et de nouveau lui dit : | — Buvez donc maintenant… 6+6 b
25 Il étancha sa soif, | il but avec ivresse 6+6 a
Et puis la regardant | soudain avec tendresse : 6+6 a
« Je ne sais rien, dit-il, | de ce que vous pensez ; 6+6 b
Mais si vous permettez, | voilà ce que je sais. 6+6 b
Je voudrais bien, avant | d' affronter la bataille, 6+6 a
30 Pouvoir dans mes dix doigts | enlacer votre taille, 6+6 a
Et vous prendre un baiser, | un seul, là, mais bien doux ! 6+6 b
Dites , la belle enfant, | dites, permettez-vous ! » 6+6 b
Elle se défendit : | C 'est un peu trop d'audace, 6+6 a
Dit-elle en souriant, | pour un sergent qui passe ! 6+6 a
35 Nos garçons ne vont pas | si vite par ici… 6+6 b
Bah ! c'est qu'on est pressée, | dit-il, riant aussi… 6+6 b
Et puis… , voilà je suis parisien !
L' Alsacienne
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Mais vous êtes français, | dit-elle, c'est assez ! 6+6 a
40 Je sens que tout en moi | frémit quand vous passez… 6+6 a
Faites votre devoir, | marchez à la victoire… 6+6 b
Et moi, je vous promets, | et vous pouvez m'en croire, 6+6 b
Si loin que le combat | puisse entrainer vos pas, 6+6 a
Qu 'au retour mon baiser | ne vous manquera pas. » 6+6 a
45 Le sergent s'éloigna | rêveur. Cette fillette 6+6 b
A la parole grave | avait troublé sa tête… 6+6 b
Il n 'avait qu'un désir, | lui parler, la revoir… 6+6 a
Sous sa fenêtre, il vint | encor rêver le soir ; 6+6 a
Quand le clairon sonna | le départ à l'aurore, 6+6 b
50 En repliant sa tente, | il rêvait d'elle encore… 6+6 b
Mais comme il s'éloignait, | suivant le régiment, 6+6 a
Soudain elle apparut, | souriant doucement 6+6 a
Et de vergiss-mein-nicht | lui jetant une gerbe, 6+6 b
Elle semblait lui dire | en un geste superbe : 6+6 b
55 « Va ! sergent ! souviens-toi ! | moi je me souviendrai ! 6+6 a
Mérite mon baiser, | je te l'apporterai ! » 6+6 a
Wissembourg ! Wissembourg ! | L'Allemagne insolent 6+6 b
Pourra nous reprocher | cette tache sanglante ! 6+6 b
Lorsqu'à vingt allemands | tout le jour un français 6+6 a
60 Tient tête, sans faiblir, | c'est encor le succès. 6+6 a
Furent-ils des vainqueurs | ces soldats qui dans l'ombre, 6+6 b
Foudroyaient à coup sûr, | confiants dans leur nombre ! 6+6 b
Non ! le vainqueur du jour, | ce fut ce beau martyr, 6+6 a
Douai, qui ne pouvant | plus vaincre, sut mourir… 6+6 a
65 Ce furent ces héros, | luttant cent contre mille, 6+6 b
Qui sans espoir, sachant | tout effort inutile, 6+6 b
S' en allèrent, le rire | aux dents, sous le drapeau, 6+6 a
Dans les rangs allemands | se creuser un tombeau ! 6+6 a
Wissembourg ! Wissembourg ! | Laisse donc l'Allemagne 6+6 b
70 Célébrer ce début | de l'horrible campagne : 6+6 b
Les tombes des héros | fleuriront, quelque-jour, 6+6 a
Et les vaincus auront | la victoire à leur tour ! 6+6 a
C'est fini. La journée, | hélas ! est consommée, 6+6 b
Les cadavres sanglants | de tout un corps d'armée 6+6 b
75 Dans des ruisseaux de sang | sommeillent pour jamais 6+6 a
Et Wissembourg n'est plus | qu'un cercueil désormais. 6+6 a
La ferme où tout riait | la veille est morne et sombre, 6+6 b
Et ses vieux murs troués | par des boulets sans nombre, 6+6 b
Ouverts comme une porte | immense jusqu'au toit, 6+6 a
80 Semblent dire la mort : | Entre comme chez toi ! 6+6 a
Le vieux moulin s'est tû. | Son aile pend meurtrie, 6+6 b
Et du ruisseau qui court | à travers la prairie, 6+6 b
Le sang a coloré | l'eau si pure jadis. 6+6 a
Sur sa rive, parmi | les doux myosotis 6+6 a
85 Sous le grand saule où le | soleil couchant se joue, 6−6 b
La poitrine sanglante | et la mort à la joue 6+6 b
Le sergent agonise. | Il a fait son devoir 6+6 a
Et payé son tribut | à l'affreux désespoir. 6+6 a
Au moment d 'expirer, | il ouvre sa tunique : 6+6 b
90 Sa main y cherche encor | une chère relique, 6+6 b
Les fleurs de l'Alsacienne. | Hélas ! il espérait 6+6 a
Dans ce doux souvenir. | Sans rien dire, en secret, 6+6 a
Avant de s'élancer | dans la mêlée horrible, 6+6 b
Il pensait en son cœur : | Non ! ce n'est pas possible ! 6+6 b
95 Je ne peux pas mourir ! | Je garde cet espoir, 6+6 a
Elle me l'a promis | et je dois la revoir ! 6+6 a
Pourtant il va mourir ! | Sur ses lèvres glacées, 6+6 b
C'est vainement qu'il tient | les chères fleurs pressées. 6+6 b
L'Alsacienne, échappant | à son rêve éperdu, 6+6 a
100 Ne vient pas lui donner | le baiser attendu… 6+6 a
Tout à coup un appel | a frappé son oreille… 6+6 b
Aux portes de la mort | le mourant se réveille 6+6 b
Quelqu'un vient… Une voix | soupire en le nommant : 6+6 a
« O Dieu ! permettez-moi | de tenir mon serment ! » 6+6 a
105 C'est elle… Elle le cherche… | Elle approche… Elle arrive, 6+6 b
Un noir pressentiment | lui fait suivre la rive 6+6 b
Où les vergiss-mein-nicht | ouvrent leurs doux yeux bleus. 6+6 a
Soudain elle le voit, | il est là, sous ses yeux, 6+6 a
Sanglant, expirant, mort… | Un suprême sourire 6+6 b
110 Sur sa lèvre glacée | erre et semble lui dire : 6+6 b
« J'attendais ton baiser… | Oh ! pourquoi m'oublier ! » 6+6 a
L' Alsacienne en pleurant | vient de s'agenouiller, 6+6 a
Elle lave le sang | qui coule des blessures, 6+6 b
Mais en vain sa douleur | se répand en murmures, 6+6 b
115 En vain sa douce voix | s'épuise à répéter : 6+6 a
« C'est moi ! c'est mon baiser | que je viens t'apporter ! » 6+6 a
Le petit sergent dort | dans la paix éternelle. 6+6 b
Alors, d'un long baiser | l'alsacienne fidèle 6+6 b
Ferme ses yeux éteints, | et puis, se redressant, 6+6 a
120 Frémissante, la lèvre | encor rouge de sang : 6+6 a
« Prussiens ! souvenez-vous | comme moi, cria-t-elle, 6+6 b
Vous venez de sceller | l'union immortelle. 6+6 b
De cet hymen sanglant | la haine doit germer, 6+6 a
Et je vous hais autant | que j'aurais dû l'aimer ! » 6+6 a
125 Sur la place publique, | auprès de la fontaine 6+6 b
On voit depuis ce jour | revenir l'Alsacienne, 6+6 b
Ses cheveux blonds noués | d'un large ruban noir… 6+6 a
Sur son front est écrit : | Je suis le désespoir ! 6+6 a
Là-bas, les paysans | qui savent son épreuve, 6+6 b
130 La saluant bien bas, | murmurent : C 'est la veuve ! 6+6 b
Les prussiens ont tué | son sergent, et depuis, 6+6 a
Vouée à sa vengeance, | elle attend près du puits 6+6 a
Des régiments français | la prochaine arrivée… 6+6 b
Ah ! sonne, heure bénie ! | heure ardemment rêvée ! 6+6 b
135 Soleil de la revanche, | éclate au fond des cieux ! 6+6 a
Debout, français ! frappons | sans pitié, furieux, 6+6 a
Et qu'aux veuves en deuil | rendant enfin justice, 6+6 b
Chaque puits Alsacien | de sang prussien s 'emplisse ! 6+6 b
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