Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
VIV_7/VIV242
Renée VIVIEN
Sillages
1908
PARTENZA
I
SUR LE MODE MAJEUR
Je sens croître l’ennui | des livres vieux et sages. 6+6 a
Donnez-moi, donnez-moi | des mâts et des cordages ! 6+6 a
Je ris en jetant l’ancre… | Au hasard du vent fou, 6+6 a
Du flot capricieux, | j’irai je ne sais où. 6+6 a
5 Mon corps est moins pesant | et mon âme s’allège, 6+6 a
Car je ne reviendrai | jamais… Où donc irai-je ? 6+6 a
Puisqu’on y voit des ciels | et des aspects nouveaux, 6+6 a
Tous les pays que l’on | ne connaît pas sont beaux. 6+6 a
Les paysages sont | changeants comme les nues… 6+6 a
10 Qui dira le splendeur | des terres inconnues ? 6+6 a
Je me souviens qu’au fond | des soirs longs et songeurs, 6+6 a
J’écoutais les très beaux | récits des voyageurs. 6+6 a
Ils avaient rencontré | la fièvre et la soif rouge 6+6 a
Et le ciel qui s’abat | et la terre qui bouge. 6+6 a
15 Ils avaient triomphé | des coups de vent soudains, 6+6 a
L’orage subissait | leurs superbes dédains. 6+6 a
La catastrophe était | leur compagne de route, 6+6 a
Ils n’avaient point connu | le regret ni le doute… 6+6 a
Et le temps est venu | pour moi. Je pars, comme eux, 6+6 a
20 Selon la volonté | des courants hasardeux. 6+6 a
Qu’on détache l’amarre | et qu’on hisse les voiles 6+6 a
Dès que s’allumeront | les premières étoiles ! 6+6 a
Le ciel est doux, l’heure est | favorable. À mon tour, 6+6 a
J’irai vers ces pays | de terreur et d’amour. 6+6 a
25 Et je dis mes adieux | aux choses familières, 6+6 a
Aux doux prés, aux maisons, | à leurs bonnes lumières. 6+6 a
Je m’en vais sans pleurer, | pour ne plus revenir. 6+6 a
Mais j’emporte en mon cœur | un profond souvenir… 6+6 a
Dans le fond ténébreux | et triste de mon âme 6+6 a
30 S’éclaire avec douceur | un visage de femme. 6+6 a
II
SUR LE MODE MINEUR
… J’ai vu trop d’océans. | J’ai trop vu de pays. 6+6 a
Le regard s’éteint presque | en mes yeux éblouis, 6+6 a
Et, lasse, comme après | une besogne ardue, 6+6 a
Je retournerai vers | celle que j’ai perdue. 6−6 a
35 Elle lira mes yeux | et saura qui je suis 6+6 a
Et nous nous souviendrons | de nos plus belles nuits… 6+6 a
Loin d’elle, j’étreignis | des femmes inconnues. 6+6 a
Leur image est pareille | à la forme des nues, 6+6 a
Aux caprices du vent, | aux remous de la mer 6+6 a
40 Et je ne me souviens | de rien qui me fut cher. 6+6 a
Les autres ont passé | sur mon chemin, mais elle ! 6+6 a
Unique, elle demeure | en mon âme éternelle. 6+6 a
Je la verrai toujours | ainsi que je la vis, 6+6 a
Avec les mêmes yeux | ignorants et ravis. 6+6 a
45 À travers les hasards | des courants et de l’heure 6+6 a
Et des vents et des ciels, | elle existe et demeure. 6+6 a
Je m’en retournerai, | comme on retourne au port, 6+6 a
Vers celle qui jadis | détermina mon sort… 6+6 a
Le chant sourd du passé | m’attire et me rappelle, 6+6 a
50 Et c’est par un beau soir | que je reviens près d’elle… 6+6 a
mètre profil métrique : 6−6
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