Métrique en Ligne
VIV_5/VIV203
Renée VIVIEN
À l'heure des mains jointes
1906
NOUS NOUS SOMMES ASSISES
Ma Douce, nous étions comme deux exilées, 6+6 a
Et nous portions en nous nos âmes désolées. 6+6 a
L'air de l'aurore était plus lancinant qu'un mal 6+6 a
Nul ne savait parler le langage natal 6+6 a
5 Alors que nous errions parmi les étrangères, 6+6 a
Les odeurs du matin ne semblaient plus légères. 6+6 a
… Lorsque tu te levas sur moi, tel un espoir, 6+6 a
Ta robe triste était de la couleur du soir. 6+6 a
Voyant tomber la nuit, nous nous sommes assises, 6+6 a
10 Pour sentir la fraîcheur amicale des brises. 6+6 a
Puisque nous n'étions plus seules dans l'univers, 6+6 a
Nous goûtions avec plus de langueur les beaux vers. 6+6 a
Chère, nous hésitions, sans oser croire encore, 6+6 a
Et je te dis : « Le soir est plus beau que l'aurore. » 6+6 a
15 Tu me donnas ton front, tu me donnas tes mains, 6+6 a
Et je ne craignis plus les mauvais lendemains. 6+6 a
Les couleurs éteignaient leur splendide insolence ; 6+6 a
Nulle voix ne venait troubler notre silence 6+6 a
J'oubliai les maisons et leur mauvais accueil 6+6 a
20 Le couchant empourprait mes vêtements de deuil. 6+6 a
Et je te dis, fermant tes paupières mi-closes : 6+6 a
« Les violettes sont plus belles que les roses. » 6+6 a
Les ténèbres gagnaient l'horizon, flot à flot 6+6 a
Ce fut autour de nous l'harmonieux sanglot 6+6 a
25 Une langueur noyait la cité forte et rude, 6+6 a
Nous savourions ainsi l'heure en sa plénitude. 6+6 a
La mort lente effaçait la lumière et le bruit 6+6 a
Je connus le visage auguste de la nuit. 6+6 a
Et tu laissas glisser à tes pieds nus tes voiles 6+6 a
30 Ton corps m'apparut, plus noble sous les étoiles. 6+6 a
C'était l'apaisement, le repos, le retour 6+6 a
Et je te dis : « Voici le comble de l'amour… » 6+6 a
Jadis, portant en nous nos âmes désolées, 6+6 a
Ma Douce, nous étions comme deux exilées 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite périodique
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