Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
VIV_5/VIV175
Renée VIVIEN
À l'heure des mains jointes
1906
SUR LA PLACE PUBLIQUE
Les nuages flottants | déroulaient leur écharpe, 6+6 a
Dans le ciel pur, de la | couleur des fleurs de lin. 6−6 b
J’étais fervente et jeune | et j’avais une harpe… 6+6 a
Le monde se parait, | suave et féminin. 6+6 b
5 Gris d’écorce, verts d’eau, | violets d’amarante 6+6 a
Réjouissaient mes yeux | large ouverts… J’entendais 6+6 b
Rire en moi, comme au fond | d’un passé, l’âme errante 6+6 a
Et le cœur musical | des pâtres irlandais. 6+6 b
Un matin, j’ai suivi | des hommes et des femmes 6+6 a
10 Qui marchaient vers la ville | aux toits bleus… J’ai quitté 6+6 b
Pour les suivre les bois | pleins d’ombres et de flammes 6+6 a
Et j’ai porté ma harpe | à travers la cité. 6+6 b
Puis, j’ai chanté debout | sur la place publique 6+6 a
D’où montait une odeur | de poisson desséché, 6+6 b
15 Et, dans l’enivrement | de ma propre musique, 6+6 a
Je ne percevais point | la rumeur du marché. 6+6 b
Car je me souvenais | que les arbres très sages 6+6 a
M’avaient parlé, parmi | le silence des bois… 6+6 b
A mon entour sifflaient | les âpres marchandages 6+6 a
20 Mêlés aux quolibets | des compères sournois. 6+6 b
Dans la foule criant | son aigre convoitise, 6+6 a
Une femme me vit | et me tendit la main, 6+6 b
Et je crus un moment | qu’elle m’avait comprise, 6+6 a
Mais la femme aux bras nus | poursuivit son chemin. 6+6 b
25 Je chantais franchement, | — ainsi chantent les pâtres. — 6+6 a
Autour de moi, le bruit | de la ville cessait, 6+6 b
Et, comme le couchant | jetait ses lueurs d’âtres, 6+6 a
Je vis que j’étais seule | et que le jour baissait… 6+6 b
Je me mis à chanter | sans témoins, pour la joie 6+6 a
30 De chanter, comme on fait | lorsque l’amour vous fuit, 6+6 b
Lorsque l’espoir vous raille | et que l’oubli vous broie… 6+6 a
La harpe se brisa | sous mes mains, dans la nuit… 6+6 b
mètre profil métrique : 6−6
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