Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
VIV_5/VIV171
Renée VIVIEN
À l'heure des mains jointes
1906
PAROLES À L’AMIE
Tu me comprends : je suis | un être médiocre, 6+6 a
Ni bon, ni très mauvais, | paisible, un peu sournois. 6+6 b
Je hais les lourds parfums | et les éclats de voix, 6+6 b
Et le gris m’est plus cher | que l’écarlate ou l’ocre. 6+6 a
5 J’aime le jour mourant | qui s’éteint par degrés, 6+6 a
Le feu, l’intimité | claustrale d’une chambre 6+6 b
Où les lampes, voilant | leurs transparences d’ambre. 6+6 b
Rougissent le vieux bronze | et bleuissent le grès. 6+6 a
Les yeux sur le tapis | plus lisse que le sable, 6+6 a
10 J’évoque indolemment | les rives aux pois d’or 6+6 b
Où la clarté des beaux | autrefois flotte encor… 6+6 b
Et cependant, je suis | une grande coupable. 6+6 a
Vois : j’ai l’âge où la vierge | abandonne sa main 6+6 a
A l’homme que | sa faiblesse cherche et redoute, 4+8 b
15 Et je n’ai point choisi | de compagnon de route, 6+6 b
Parce que tu parus | au tournant du chemin. 6+6 a
L’hyacinthe saignait | sur les rouges collines, 6+6 a
Tu rêvais et l’Érôs | marchait à ton côté… 6+6 b
Je suis femme, je n’ai | point droit à la beauté. 6+6 b
20 On m’avait condamnée | aux laideurs masculines. 6+6 a
Et j’eus l’inexcusable | audace de vouloir 6+6 a
Le sororal amour | fait de blancheurs légères, 6+6 b
Le pas furtif qui ne | meurtrit point les fougères 6−6 b
Et la voix douce qui | vient s’allier au soir. 6+6 a
25 On m’avait interdit | tes cheveux, tes prunelles, 6+6 a
Parce que tes cheveux | sont longs et pleins d’odeurs 6+6 b
Et parce que tes yeux | ont d’étranges ardeurs 6+6 b
Et se troublent ainsi | que les ondes rebelles. 6+6 a
On m’a montrée au doigt | en un geste irrité, 6+6 a
30 Parce que mon regard | cherchait ton regard tendre… 6+6 b
En nous voyant passer, | nul n’a voulu comprendre 6+6 b
Que je t’avais choisie | avec simplicité. 6+6 a
Considère la loi | vile que je transgresse 6+6 a
Et juge mon amour, | qui ne sait point le mal, 6+6 b
35 Aussi candide, aussi | nécessaire et fatal 6+6 b
Que le désir qui joint | l’amant à la maîtresse. 6+6 a
On n’a point lu combien | mon regard était clair 6+6 a
Sur le chemin où me | conduit ma destinée, 6−6 b
Et l’on a dit : « Quelle est | cette femme damnée 6+6 b
40 Que ronge sourdement | la flamme de l’enfer ? » 6+6 a
Laissons-les au souci | de leur morale impure, 6+6 a
Et songeons que l’aurore | a des blondeurs de miel, 6+6 b
Que le jour sans aigreur | et que la nuit sans fiel 6+6 b
Viennent, tels des amis | dont la bonté rassure… 6+6 a
45 Nous irons voir le clair | d’étoiles sur les monts… 6+6 a
Que nous importe, à nous, | le jugement des hommes ? 6+6 b
Et qu’avons-nous | à redouter, | puisque nous sommes 4+4+4 b
Pures devant la vie | et que nous nous aimons ?… 6+6 a
mètre profil métrique : 6=6
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