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VIV_3/VIV106
Renée VIVIEN
Évocations
1903
Atthis délaissée
POÈME DRAMATIQUE EN UN ACTE
Une maison à Mylilène.
ATTHIS, seule, détaillant un manuscrit.
« Celle qui te fuit te suivra pas à pas, 5+6 a
Tu verras venir la Peithô qui refuse 5+6 b
Tes dons, apportant des présents délicats, 5+6 a
Furtive et confuse. 5 b
5 « Celle dont l’orgueil repousse ton amour 5+6 a
Subira la crainte et l’angoisse brûlante, 5+6 b
Et tu connaîtras, dans l’ardeur du retour, 5+6 a
Ses lèvres d’amante. » 5 b
Elle ne sème plus les roses sur mon seuil… 6+6 a
10 Qu’importe maintenant à Psappha la promesse 6+6 b
De l’Aphrodita douce et terrible ? Mon seuil 6+6 a
A perdu le parfum des roses, et je tresse 6+6 b
De mes mains sans ferveur des guirlandes de deuil. 6+6 a
Car, seuls, les iris noirs, les violettes noires 6+6 b
15 Se fanent à mon front dépouillé de ses gloires : 6+6 b
Psappha ne sème plus les roses sur mon seuil. 6+6 a
Elle tresse des fleurs.
L’ingénieux Érôs, le tisseur de chimères, 6+6 a
Brode les souvenirs dans une trame d’or. 6+6 b
Tel qu’un amer baiser sur des lèvres amères, 6+6 a
20 Le passé me possède et me meurtrit encor. 6+6 b
Oppressée, elle ouvre la porte, et le verger apparaît.
Voici l’ancien verger que le pommier ombrage 6+6 a
Comme hier, où le vent console des chaleurs, 6+6 b
Murmurant à travers les branches et les fleurs, 6+6 b
Où le sommeil descend et coule du feuillage. 6+6 a
Elle contemple un instant les arbres en fleurs, puis
se détourne avec une mélancolie croissante.
25 Tu me brûles, Érôs. Mon cœur est lourd du poids 6+6 a
Des sons évanouis et des lglendeurs fanées. 6+6 b
On entend la voix de Psappha qui chante :
« Je t’aimais, au long des lointaines années, 5+6 b
Atthis, autrefois… » 5 a
Le chant s’éloigne et meurt peu à peu.
ATTHIS.
« Je t’aimais, au long des lointaines années… » 5+6 b
30 Je mourrai d’une mort éternelle, et demain 6+6 a
La tombe pèsera sur mes paupières closes. 6+6 b
Comme l’essor des voix et la pourpre des roses, 6+6 b
Je m’éteindrai, — j’irai par les portes d’airain. 6+6 a
La maison de l’Hadès me recevra demain, 6+6 a
35 Car je n’ai point cueilli les immortelles roses 6+6 b
De Piéria, — je fus la volupté d’un jour. 6+6 a
Mon âme aura le sort des choses passagères. 6+6 b
Obscure, j’errerai sans fleurs et sans amour 6+6 a
Parmi les Morts pareils à des ombres légères. 6+6 b
40 Mais Toi, qui ne crains pas le silence et la nuit, 6+6 a
Psappha ! tu cueilleras les flammes des étoiles. 6+6 b
Le temps t’apparaîtra comme l’eau qui s’enfuit 6+6 a
Sous l’éclair de la rame et sous l’éclair des voiles. 6+6 b
Tu chantas, dominant les sanglots de l’accord, 6+6 a
45 La poussière des jours, l’azur de la nuit verte, 6+6 b
L’Helgérôs, le plus beau des astres, et la mort 6+6 a
De la vierge Timas au divin corps inerte, 6+6 b
Le duvet délicat de l’herbe du printemps 6+6 a
Qu’effleurent les pieds nus et souples des Prêtresses : 6+6
50 Et tu chantas le soir aux regrets persistants, 6+6 a
Le rossignol d’été qui pleure par saccades, 6+6 a
Le sommeil enfiévré, lorsque la lune fuit, 6+6 b
Que sombre le rayon nébuleux des Pléiades, 6+6 a
L’Érôs amer et doux qui ravage et détruit, 6+6 b
55 Perséphoné qui rêve à la vie ancienne, 6+6 a
L’Aphrodita changeante à l’âme d’arc-en-ciel, 6+6 b
Aux terribles baisers de venin et de miel, 6+6 b
Toi qui glorifias la Lyre Lesbienne ! 6+6 a
Songeant.
De myrte et de laurier Phoibos te couronna… 6+6 a
Des voix confuses s’élèvent au dehors.
60 … La voix de Gurînnô, le rire d’Éranna… 6+6 a
Chœur des vierges :
« Va vers le jardin clair où tu te reposes, 5+6 a
Pare tes cheveux de verdure et de fleurs, 5+6 b
Choisis les parfums, Dika, tisse les roses, 5+6 a
Mêle les couleurs. 5 b
65 « Et, si tu veux plaire aux sereines Déesses, 5+6 a
Apporte aux autels les souffles de l’été… 5+6 b
Elles souriront, ainsi que leurs Prêtresses, 5+6 a
À ta piété. 5 b
« Porte à l’Artémis les sombres violettes, 5+6 a
70 À l’Aphrodita la pourpre des iris, 5+6 b
À Perséphoné, vierge aux lèvres muettes, 5+6 a
La langueur des lys. » 5 b
ATTHIS.
Voici l’ode nouvelle à sa nouvelle amante. 6+6 a
C’est Dika, dont les mains sont douces, qu’elle chante, 6+6 a
75 Dika, dont les cheveux ont la flamme du soir… 6+6 a
Poète aux rythmes d’or, divine Dilgarue, 6+6 b
Tes vers ont réfléchi, comme un ardent miroir, 6+6 a
Ma jeunesse oubliée et ma beauté décrue. 6+6 b
Certes, mon amour fut étrangement amer 6+6 a
80 Sur tes lèvres, Psappha, car tu chantas hier : 6+6 a
« Tu hais ma pensée, Atthis, et mon image 5+6 a
Cet autre baiser, qui te persuada, 5+6 b
Te brûle, et tu fuis, haletante et sauvage, 5+6 a
Vers Androméda. » 5 b
85 Je fus jadis l’ardeur, la lumière et la flamme 6+6 a
Maintenant, je ne suis qu’un reflet dans ton âme 6+6 a
La voix de Psappha dans le lointain :
« Je ne trahis point l’invariable amour… 5+6 a
Mon cœur identique et mon âme pareille 5+6 b
Savent retrouver, dans la lglendeur du jour, 5+6 a
90 L’ombre de la veille. 5 b
« Car j’étreins Atthis sur les seins de Dika, 5+6 a
Et, dans le parfum que l’air d’automne emporte, 5+6 b
L’âme, que longtemps ma douleur invoqua, 5+6 a
De Timas la Morte. 5 b
95 « Pour l’Aphrodita j’ai dédaigné l’Érôs, 5+6 a
Car je n’ai de joie et d’angoisse qu’en elle. 5+6 b
Je ne change point, ô vierges de Lesbôs, 5+6 a
Je suis éternelle. » 5 b
mètre profils métriques : 5, 5+6, 6+6
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