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VIG_1/VIG9
Alfred de VIGNY
POÈMES ANTIQUES ET MODERNES
1826
LIVRE ANTIQUE
ANTIQUITÉ HOMÉRIQUES
Symétha
Élégie
À Pichald,
auteur de Léonidas et de Guillaume Tell
――――――
« Navire aux larges flancs de guirlandes ornés, 6+6 a
Aux Dieux d'ivoire, aux mâts de roses couronnés, 6+6 a
Oh ! qu'Éole, du moins, soit facile à tes voiles ! 6+6 b
Montrez vos feux amis, fraternelles étoiles ! 6+6 b
5 Jusqu'au port de Lesbos guidez le nautonier, 6+6 a
Et de mes vœux pour elle exaucez le dernier : 6+6 a
Je vais mourir, hélas ! Symétha s'est fiée 6+6 b
Aux flots profonds ; l'Attique est par elle oubliée. 6+6 b
Insensée ! elle fuit nos bords mélodieux, 6+6 a
10 Et les bois odorants, berceaux des demi-Dieux, 6+6 a
Et les chœurs cadencés dans les molles prairies, 6+6 b
Et, sous les marbres frais, les saintes Théories. 6+6 b
Nous ne la verrons plus, au pied du Parthénon, 6+6 a
Invoquer Athénée, en répétant son nom ; 6+6 a
15 Et, d'une main timide, à nos rites fidèle, 6+6 b
Ses longs cheveux dorés couronnés d'asphodèle, 6+6 b
Consacrer ou le voile, ou le vase d'argent, 6+6 a
Ou la pourpre attachée au fuseau diligent. 6+6 a
Ô vierge de Lesbos ! que ton île abhorrée 6+6 b
20 S'engloutisse dans l'onde à jamais ignorée, 6+6 b
Avant que ton navire ait pu toucher ses bords ! 6+6 a
Qu'y vas-tu faire ? Hélas ! quel palais, quels trésors 6+6 a
Te vaudront notre amour ? Vierge, qu'y vas-tu faire ? 6+6 b
N'es-tu pas, Lesbienne, à Lesbos étrangère ? 6+6 b
25 Athène a vu longtemps s'accroître ta beauté, 6+6 a
Et, depuis que trois fois t'éclaira son été, 6+6 a
Ton front s'est élevé jusqu'au front de ta mère ; 6+6 b
Ici, loin des chagrins de ton enfance amère, 6+6 b
Les Muses t'ont souri. Les doux chants de ta voix 6+6 a
30 Sont nés Athéniens ; c'est ici, sous nos bois, 6+6 a
Que l'amour t'enseigna le joug que tu m'imposes ; 6+6 b
Pour toi mon seuil joyeux s'est revêtu de roses. » 6+6 b
Tu pars ; et cependant m'as-tu toujours haï, 6+6 a
Symétha ? Non, ton cœur quelquefois s'est trahi ; 6+6 a
35 Car, lorsqu'un mot flatteur abordait ton oreille, 6+6 b
La pudeur souriait sur ta lèvre vermeille ; 6+6 b
Je l'ai vu, ton sourire aussi beau que le jour ; 6+6 a
Et l'heure du sourire est l'heure de l'amour. 6+6 a
Mais le flot sur le flot en mugissant s'élève, 6+6 b
40 Et voile à ma douleur le vaisseau qui t'enlève ; 6+6 b
C'en est fait, et mes pieds sont déjà chez les morts ; 6+6 a
Va, que Vénus du moins t'épargne le remords ! 6+6 a
Lie un nouvel hymen ! va ; pour moi, je succombe ; 6+6 b
Un jour, d'un pied ingrat tu fouleras ma tombe, 6+6 b
45 Si le destin vengeur te ramène en ces lieux 6+6 a
Ornés du monument de tes cruels adieux. » 6+6 a
Dans le port du Pirée, un jour fut entendue 6+6 b
Cette plainte innocente, et cependant perdue ; 6+6 b
Car la vierge enfantine, auprès des matelots, 6+6 a
50 Admirait et la rame et l'écume des flots ; 6+6 a
Puis, sur la haute poupe accourue et couchée, 6+6 b
Saluait, dans la mer, son image penchée, 6+6 b
Et lui jetait des fleurs et des rameaux flottants, 6+6 a
Et riait de leur chute et les suivait longtemps ; 6+6 a
55 Ou, tout à coup rêveuse, écoutait le Zéphire, 6+6 b
Qui, d'une aile invisible, avait ému sa lyre. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite de distiques
schéma : 28((aa))
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