Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
VIG_1/VIG24
Alfred de VIGNY
POÈMES ANTIQUES ET MODERNES
1826
LES DESTINÉES
ŒUVRES POSTHUMES
POÈMES PHILOSOPHIQUES
Les Oracles
Destinée d'un roi
――――
I
Ainsi je t'appelaisau port et sur la terre 6+6 a
Fille de l'Océan,je te montrais mes bois. 6+6 b
J'y roulais la maisonerrante et solitaire. 6+6 a
— Des dogues révoltésj'entendais les abois. 6+6 b
5 — Je voyais, au sommetdes longues galeries 6+6 c
— L'anonyme drapeaudes vieilles Tuileries 6+6 c
Déchiré sur le frontdu dernier des vieux rois. 6+6 b
II
L'oracle est à présentdans l'air et dans la rue. 6+6 a
Le passant au passantmontre au ciel tout point noir. 6+6 b
10 Nous-même en mon désertnous lisions dans la nue, 6+6 a
Quatre ans avant l'éclairfatal. — Mais le pouvoir 6+6 b
S'enferme en sa doctrine,et, dans l'ombre, il calcule 6+6 c
Les problèmes sournoisdu jeu de sa bascule, 6+6 c
N'entend rien, ne sait rienet ne veut pas savoir. 6+6 b
III
15 C'était l'an du Seigneur les songes livides 6+6 a
Écrivaient sur les mursles trois mots flamboyants ; 6+6 b
Et l'heure les sultans,seuls sur leurs trônes vides, 6+6 a
Disent au ciel muet :« sont mes vrais croyants ? » 6+6 b
— Le temps était venudes sept maigres génisses. 6+6 c
20 Mais en vain tous les yeuxlisaient dans les auspices, 6+6 c
L'aveugle Pharaondédaignait les voyants. 6+6 b
IV
Ulysse avait connules hommes et les villes. 6+6 a
Sondé le lac de sangdes révolutions, 6+6 b
Des saints et des hérosles coeurs faux et serviles. 6+6 a
25 Et le sable mouvantdes constitutions. 6+6 b
Et pourtant, un matin,des royales demeures, 6+6 c
Comme un autre en trois jours,il tombait en trois heures, 6+6 c
Sous le vent empestédes déclamations. 6+6 b
V
Les parlements jouaientaux tréteaux populaires, 6+6 a
30 A l'assaut du pouvoirpar l'applaudissement. 6+6 b
Leur tribune savait,par de feintes colères, 6+6 a
Terrasser la raisonsous le raisonnement. 6+6 b
Mais leurs coups secouaientla poutre et le cordage. 6+6 c
Et le frêle tréteaude leur échafaudage 6+6 c
35 Un jour vint à crieret croula lourdement. 6+6 b
VI
Les doctrines croisaientleurs glaives de Chimères 6+6 a
Devant des spectateursgravement assoupis. 6+6 b
Quand les lambris tombaientsur eux, ces gens austères 6+6 a
Ferraillaient comme Hamlet,sous la table accroupis ; 6+6 b
40 Poursuivant, comme un rat,l'argument en détresse, 6+6 c
Ces fous, qui distillaientet vendaient la sagesse, 6+6 c
Tuaient Poloniusà travers le tapis. 6+6 b
VII
Ô de tous les grands coeursdéesses souveraines. 6+6 a
Qu'avez-vous dit alors,ô Justice, ô Raison ! 6+6 b
45 Quand, par ce long travaildes ruses souterraines. 6+6 a
Sur le mtre étonnés'effondra la maison, 6+6 b
Sous le trône écrasale divan doctrinaire 6+6 c
Et l'écu d'Orléans,qu'on croyait populaire 6+6 c
Parce qu'il n'avait plusfleur de lis ni blason ? 6+6 b
VIII
50 Reines de mes pensers,ô Raison ! ô Justice ! 6+6 a
Vous avez déployévos balances d'acier 6+6 b
Pour peser ces espritsd'audace et d'artifice 6+6 a
Que le Destin venait,enfin d'humilier, 6+6 b
Quand son glaive, en coupantle faisceau des intrigues 6+6 a
55 Trancha le noeud gordiendes tortueuses ligues 6+6 a
Que leurs ongles savaientlier et délier. 6+6 a
IX
Vous avez dit alors,de votre voix sévère : 6+6 b
« Malheur à vos amis,comme à vos alliés, 6+6 a
Sophistes qui parlezd'un ton de sermonnaire ! 6+6 b
60 Il a croulé,ce solqui tremblait sous vos pieds. 6+6 a
Mais tomber est trop douxpour l'homme à tous funeste ; 6+6 b
De la punitionvous subirez le reste, 6+6 b
Corrupteurs ! vos délitsfurent mal expiés. 6+6 a
X
« Mtres en longs discoursà flots intarissables ! 6+6 a
65 Vous qui tout enseignez,n'aviez-vous rien appris ? 6+6 b
Toute démocratieest un désert de sables ; 6+6 a
Il y fallait bâtir,si vous l'eussiez compris. 6+6 b
Ce n'était pas assezd'y dresser quelques tentes 6+6 c
Pour un tournoi d'intrigueet de manoeuvres lentes 6+6 c
70 Que le souffle de flammeun matin a surpris. 6+6 b
XI
« Vous avez conservévos vanités, vos haines, 6+6 a
Au fond du grand abîme vous êtes couchés, 6+6 b
Comme les corps trouvéssous les cendres romaines 6+6 a
Debout, sous les caveauxde Pompéia cachés, 6+6 b
75 L'oeil fixe, lèvre ouverteet la main étendue, 6+6 c
Cherchant encor dans l'airleur parole perdue, 6+6 c
Et s'évanouissantsitôt qu'ils sont touchés. 6+6 b
XII
« Partout vous irez,froids, importants et fourbes, 6+6 a
Vous porterez le trouble.En des sentiers étroits 6+6 b
80 Des coalitionssuivant les lignes courbes, 6+6 a
Traçant de faux devoirset frappant de vrais droits, 6+6 b
Gonflés d'orgueil mondainet d'ambitions folles, 6+6 c
Imposant par le poidsde vos âpres paroles 6+6 c
A l'humble courageuxla plus lourde des croix. 6+6 b
XIII
85 « Peuple et rois ont connuquels conseillers vous êtes, 6+6 a
Quand, sous votre ombre, en vainvotre prince abrité, 6+6 b
Aux murs du grand banquetet des funestes fêtes, 6+6 a
Cherchant quelque lumièreen votre obscurité, 6+6 b
Lut ces mots que nos mainsgravèrent sur la pierre, 6+6 c
90 Comme autrefois Cromwellsur sa rouge bannière : 6+6 c
Et nunc, reges mundi,nunc intelligite. » 6+6 b
POST-SCRIPTUM
I
Mais pourquoi de leur cendreévoquer ces journées 6+6 a
Que les dédains publicseffacent en passant ? 6+6 b
Entre elles et ce jouront marché douze années ; 6+6 a
95 Oublions et la fauteet la fuite et le sang, 6+6 b
Et les corruptionsdes pâles adversaires. 6+6 c
― Non. ― Dans l'histoire il estde noirs anniversaires 6+6 c
Dont le spectre revientpour troubler le présent. 6+6 b
II
Il revient quand l'orgueildes obstinés coupables 6+6 a
100 Sort du limon confusdes révolutions 6+6 b
Ou pêle-mêle on voittomber les incapables. 6+6 a
Pour nous montrer encorses vieilles passions 6+6 b
Et hurler a grands crisquelque sombre horoscope. 6+6 c
En observant la vaseaux feux d'un microscope, 6+6 c
105 On voit dans les serpentsces agitations. 6+6 b
III
S'agiter et blesserest l'instinct des vipères. 6+6 a
L'homme ainsi contre l'hommea son instinct fatal, 6+6 b
Il retourne ses dardset nourrit ses colères 6+6 a
Au réservoir cachéde son poison natal. 6+6 b
110 Dans quelque cercle obscurqu'on les ait vus descendre, 6+6 c
Homme ou serpent blottissous le verre ou la cendre 6+6 c
Mordront le diamantou mordront le cristal. 6+6 b
IV
Le cristal, c'est la vueet la clarté du JUSTE. 6+6 a
Du principe éternelde toute vérité, 6+6 b
115 L'examen de soi-mêmeau tribunal auguste 6+6 a
la raison , l'honneur,la bonté, l'équité, 6+6 b
La prévoyance à l'œilrapide et la science 6+6 c
Délibèrent en paixdevant la conscience 6+6 c
Qui, jugeant l'action,régit la liberté. 6+6 b
V
120 Toujours, sur ce cristal,rempart des grandes âmes, 6+6 a
La langue du sophisteira heurter son dard. 6+6 b
Qu'il se morde lui-mêmeen ses détours infâmes, 6+6 a
Qu'il rampe, aveugle et sourd,dans l'éternel brouillard. 6+6 b
Oublié, méprisé,qu'il conspire et se torde, 6+6 c
125 Ignorant le vrai beau,qu'il le souille et qu'il morde 6+6 c
Ce diamant que chercheen vain son faux regard. 6+6 b
VI
Le DIAMANT ! c'est l'artdes choses idéales, 6+6 a
Et ses rayons d'argent,d'or, de pourpre et d'azur, 6+6 b
Ne cessent de lancerles deux lueurs égales 6+6 a
130 Des pensers les plus beaux,de l'amour le plus pur. 6+6 b
Il porte du génieet transmet les empreintes. 6+6 c
Oui, de ce qui survitaux nations éteintes, 6+6 c
C'est lui le plus brillanttrésor et le plus dur. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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