Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
VIG_1/VIG16
Alfred de VIGNY
POÈMES ANTIQUES ET MODERNES
1826
LIVRE MODERNE
Le Cor
Poème
――――――
I
J'aime le son du Cor,le soir, au fond des bois, 6+6 a
Soit qu'il chante les pleursde la biche aux abois, 6+6 a
Ou l'adieu du chasseurque l'écho faible accueille, 6+6 b
Et que le vent du nordporte de feuille en feuille. 6+6 b
5 Que de fois, seul, dans l'ombreà minuit demeuré, 6+6 a
J'ai souri de l'entendre,et plus souvent pleuré ! 6+6 a
Car je croyais ouïrde ces bruits prophétiques 6+6 b
Qui précédaient la mortdes Paladins antiques. 6+6 b
Ô montagne d'azur !ô pays adoré ! 6+6 a
10 Rocs de la Frazona,cirque du Marboré, 6+6 a
Cascades qui tombezdes neiges entrnées, 6+6 b
Sources, gaves, ruisseaux,torrents des Pyrénées ; 6+6 b
Monts gelés et fleuris,trône des deux saisons, 6+6 a
Dont le front est de glaceet le pied de gazons ! 6+6 a
15 C'est là qu'il faut s'asseoir,c'est là qu'il faut entendre 6+6 b
Les airs lointains d'un Cormélancolique et tendre. 6+6 b
Souvent un voyageur,lorsque l'air est sans bruit, 6+6 a
De cette voix d'airainfait retentir la nuit ; 6+6 a
À ses chants cadencésautour de lui se mêle 6+6 b
20 L'harmonieux grelotdu jeune agneau qui bêle. 6+6 b
Une biche attentive,au lieu de se cacher, 6+6 a
Se suspend immobileau sommet du rocher, 6+6 a
Et la cascade unit,dans une chute immense, 6+6 b
Son éternelle plainteau chant de la romance. 6+6 b
25 Âmes des Chevaliers,revenez-vous encor ? 6+6 a
Est-ce vous qui parlezavec la voix du Cor ? 6+6 a
Roncevaux ! Roncevaux !dans ta sombre vallée 6+6 b
L'ombre du grand Rolandn'est donc pas consolée ! 6+6 b
II
Tous les preux étaient morts,mais aucun n'avait fui. 6+6 a
30 Il reste seul debout,Olivier près de lui ; 6+6 a
L'Afrique sur les montsl'entoure et tremble encore. 6+6 b
« Roland, tu vas mourir,rends-toi, criait le More ; 6+6 b
Tous tes pairs sont couchésdans les eaux des torrents. » 6+6 a
Il rugit comme un tigre,et dit : « Si je me rends, 6+6 a
35 Africain, ce seralorsque les Pyrénées 6+6 b
Sur l'onde avec leurs corpsrouleront entrnées. » 6+6 b
― « Rends-toi donc, répond-il,ou meurs, car les voilà. » 6+6 a
Et du plus haut des montsun grand rocher roula. 6+6 a
Il bondit, il roulajusqu'au fond de l'abîme, 6+6 b
40 Et de ses pins, dans l'onde,il vint briser la cime. 6+6 b
« Merci, cria Roland ;tu m'as fait un chemin. » 6+6 a
Et jusqu'au pied des montsle roulant d'une main, 6+6 a
Sur le roc affermicomme un géant s'élance, 6+6 b
Et, prête à fuir, l'arméeà ce seul pas balance. 6+6 b
III
45 Tranquilles cependant,Charlemagne et ses preux 6+6 a
Descendaient la montagneet se parlaient entre eux. 6+6 a
À l'horizon déjà,par leurs eaux signalées, 6+6 b
De Luz et d'Argelèsse montraient les vallées. 6+6 b
L'armée applaudissait.Le luth du troubadour 6+6 a
50 S'accordait pour chanterles saules de l'Adour ; 6+6 a
Le vin français coulaitdans la coupe étrangère ; 6+6 b
Le soldat, en riant,parlait à la bergère. 6+6 b
Roland gardait les monts ;tous passaient sans effroi. 6+6 a
Assis nonchalammentsur un noir palefroi 6+6 a
55 Qui marchait revêtude housses violettes, 6+6 b
Turpin disait, tenantles saintes amulettes : 6+6 b
« Sire, on voit dans le cieldes nuages de feu ; 6+6 a
Suspendez votre marche ;il ne faut tenter Dieu. 6+6 a
Par monsieur saint Denis,certes ce sont des âmes 6+6 b
60 Qui passent dans les airssur ces vapeurs de flammes. 6+6 b
Deux éclairs ont relui,puis deux autres encor. » 6+6 a
Ici l'on entenditle son lointain du Cor. 6+6 a
L'Empereur étonné,se jetant en arrière, 6+6 b
Suspend du destrierla marche aventurière. 6+6 b
65 « Entendez-vous ? dit-il.― Oui, ce sont des pasteurs 6+6 a
Rappelant les troupeauxépars sur les hauteurs, 6+6 a
Répondit l'archevêque,ou la voix étouffée 6+6 b
Du nain vert Obéronqui parle avec sa Fée. » 6+6 b
Et l'Empereur poursuit ;mais son front soucieux 6+6 a
70 Est plus sombre et plus noirque l'orage des cieux. 6+6 a
Il craint la trahison,et, tandis qu'il y songe, 6+6 b
Le Cor éclate et meurt,rent et se prolonge. 6+6 b
« Malheur ! c'est mon neveu !malheur ! car, si Roland 6+6 a
Appelle à son secours,ce doit être en mourant. 6+6 a
75 Arrière, chevaliers,repassons la montagne ! 6+6 b
Tremble encor sous nos pieds,sol trompeur de l'Espagne ! » 6+6 b
IV
Sur le plus haut des montss'arrêtent les chevaux ; 6+6 a
L'écume les blanchit ;sous leurs pieds, Roncevaux 6+6 a
Des feux mourants du jourà peine se colore. 6+6 b
80 À l'horizon lointainfuit l'étendard du More. 6+6 b
« Turpin, n'as-tu rien vudans le fond du torrent ? 6+6 a
― J'y vois deux chevaliers :l'un mort, l'autre expirant. 6+6 a
Tous deux sont écraséssous une roche noire ; 6+6 b
Le plus fort, dans sa main,élève un Cor d'ivoire, 6+6 b
85 Son âme en s'exhalantnous appela deux fois. » 6+6 a
――――――
Dieu ! que le son du Corest triste au fond des bois ! 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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