Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
VIG_1/VIG11
Alfred de VIGNY
POÈMES ANTIQUES ET MODERNES
1826
LIVRE MODERNE
Dolorida
Poème
Yo amo mas a tu amor que a tu vida.
Proverbe espagnol.
J'aime mieux ton amour que ta vie.
Est-ce la Voluptéqui, pour ses doux mystères, 6+6 a
Furtive, a ralluméces lampes solitaires ? 6+6 a
La gaze et le cristalsont leur pâle prison. 6+6 b
Aux souffles purs d'un soirde l'ardente saison 6+6 b
5 S'ouvre sur le balconla moresque fenêtre ; 6+6 a
Une aurore imprévueà minuit semble ntre, 6+6 a
Quand la lune appart,quand ses gerbes d'argent 6+6 b
Font pâlir les lueursdu feu rose et changeant ; 6+6 b
Les deux clartés à l'œiloffrent partout leurs pièges ; 6+6 a
10 Caressent mollementle velours bleu des sièges, 6+6 a
La soyeuse ottomane le livre est encor, 6+6 b
La pendule mobileentre deux vases d'or, 6+6 b
La Madone d'argent,sous deux roses cachée, 6+6 a
Et sur un lit d'azurune beauté couchée. 6+6 a
――――――
15 Oh ! jamais dans Madridun noble cavalier 6+6 b
Ne verra tant de grâceà plus d'art s'allier ; 6+6 b
Jamais pour plus d'attraits,lorsque la nuit commence, 6+6 a
N'a frémi la guitareet langui la romance ; 6+6 a
Jamais dans nulle égliseon ne vit plus beaux yeux 6+6 b
20 Des grains du chapeletse tourner vers les cieux ; 6+6 b
Sur les mille degrésdu vaste amphithéâtre 6+6 a
On n'admira jamaisplus belles mains d'albâtre 6+6 a
Sous la mantille noireet ses paillettes d'or, 6+6 b
Applaudissant, de loin,l'adroit toréador. 6+6 b
――――――
25 Mais, ô vous qu'en secretnulle œillade attentive 6+6 a
Dans ses rayons brillantsne chercha pour captive, 6+6 a
Jeune foule d'amants.Espagnols à l'œil noir, 6+6 b
Si sous la perle et l'orvous l'adoriez le soir, 6+6 b
Qui de vous ne voudrait(dût la dague andalouse 6+6 a
30 Le frapper au retourde sa pointe jalouse) 6+6 a
Prosterner ses baiserssur ces pieds découverts, 6+6 b
Ce col, ce sein d'albâtre,à l'air nocturne ouverts, 6+6 b
Et ces longs cheveux noirstombant sur son épaule, 6+6 a
Comme tombe à ses piedsle vêtement du saule ? 6+6 a
――――――
35 Dolorida n'a plusque ce voile incertain, 6+6 b
Le premier que revêtle pudique matin 6+6 b
Et le dernier rempartque, dans sa nuit folâtre, 6+6 a
L'amour ose enleverd'une main idolâtre. 6+6 a
Ses bras nus à sa têteoffrent un mol appui. 6+6 b
40 Mais ses yeux sont ouverts,et bien du temps a fui 6+6 b
Depuis que, sur l'émail,dans ses douze demeures, 6+6 a
Ils suivent ce compasqui tourne avec les heures. 6+6 a
Que fait-il donc, celuique sa douleur attend ? 6+6 b
Sans doute il n'aime pas,celui qu'elle aime tant. 6+6 b
45 A peine chaque jourl'épouse délaissée 6+6 a
Voit un baiser distraitsur sa lèvre empressée 6+6 a
Tomber seul, sans l'amour ;son amour cependant 6+6 b
S'accrt par les dédainset souffre plus ardent. 6+6 b
Près d'un constant époux,peut-être, ô jeune femme ! 6+6 a
50 Quelque infidèle espoirt égaré ton âme ; 6+6 a
Car l'amour d'une femmeest semblable à l'enfant 6+6 b
Qui, las de ses jouets,les brise triomphant, 6+6 b
Foule d'un pied volageune rose immobile, 6+6 a
Et suit l'insecte ailéqui fuit sa main débile. 6+6 a
55 Pourquoi Dolorida,seule en ce grand palais 6+6 b
l'on n'entend, ce soir,ni le pied des valets, 6+6 b
Ni, dans la galerieet les corridors tristes, 6+6 a
Les enfantines voixdes vives caméristes ? 6+6 a
Trois heures cependantont lentement sonné ; 6+6 b
60 La voix du temps est tristeau cœur abandonné ; 6+6 b
Ses coups y réveillaientla douleur de l'absence, 6+6 a
Et la lampe luttait ;sa flamme sans puissance 6+6 a
Décroissait inégale,et semblait un mourant 6+6 b
Qui sur la vie encorjette un regard errant. 6+6 b
65 A ses yeux fatiguéstout se montre plus sombre, 6+6 a
Le crucifix penchésemble agiter son ombre ; 6+6 a
Un grand froid la saisit ;mais les fortes douleurs 6+6 b
Ignorent les sanglots,les soupirs et les pleurs : 6+6 b
Elle reste immobile,et, sous un air paisible, 6+6 a
70 Mord, d'une dent jalouse,une main insensible. 6+6 a
――――――
Que le silence est long !Mais on entend des pas ! 6+6 b
La porte s'ouvre, il entre :elle ne tremble pas ! 6+6 b
Elle ne tremble pas,à sa pâle figure 6+6 a
Qui de quelque malheursemble trner l'augure ; 6+6 a
75 Elle voit sans effroison jeune époux, si beau, 6+6 b
Marcher jusqu'à son litcomme on marche au tombeau. 6+6 b
Sous les plis du manteause courbe sa faiblesse ; 6+6 a
Même sa longue épéeest un poids qui le blesse. 6+6 a
Tombé sur ses genoux,il parle à demi-voix : 6+6 b
――――――
80 « Je viens te dire adieu ;je me meurs, tu le vois, 6+6 b
Dolorida, je meurs !une flamme inconnue, 6+6 a
Errante, est dans mon sangjusqu'au cœur parvenue, 6+6 a
Mes pieds sont froids et lourds,mon œil est obscurci ; 6+6 b
Je suis tombé trois foisen revenant ici. 6+6 b
85 Mais je voulais te voir ;mais, quand l'ardente fièvre 6+6 a
Par des frissons brûlantsa fait trembler ma lèvre, 6+6 a
J'ai dit : « Je vais mourir ;que la fin de mes jours 6+6 b
« Lui fasse au moins savoirqu'absent j'aimais toujours. » 6+6 b
Alors je suis parti,ne demandant qu'une heure 6+6 a
90 Et qu'un peu de soutienpour trouver ta demeure. 6+6 a
Je me sens plus vivantà genoux devant toi. 6+6 b
― Pourquoi mourir ici,quand vous viviez sans moi ? 6+6 b
Ô cœur inexorable !oui, tu fus offensée ! 6+6 a
Mais écoute mon souffle,et sens ma main glacée ; 6+6 a
95 Viens toucher sur mon frontcette froide sueur ; 6+6 b
Du trépas dans mes yeuxvois la terne lueur. 6+6 b
Donne, oh ! donne une main ;dis mon nom. Fais entendre 6+6 a
Quelque mot consolant,s'il ne peut être tendre. 6+6 a
Des jours qui m'étaient dusje n'ai pas la moitié ; 6+6 b
100 Laisse en aller mon âmeen rêvant ta pitié ! 6+6 b
Hélas ! devant la mortmontre un peu d'indulgence ! 6+6 a
― La mort n'est que la mortet n'est pas la vengeance. 6+6 a
Ô dieux ! si jeune encor !tout son cœur endurci ! 6+6 b
Qu'il t'a fallu souffrirpour devenir ainsi ! 6+6 b
105 Tout mon crime est empreintau fond de ton langage, 6+6 a
Faible amie, et ta forcehorrible est mon ouvrage. 6+6 a
Mais viens, écoute-moi,viens, je mérite et veux 6+6 b
Que ton âme apaiséeentende mes aveux. 6+6 b
Je jure, et tu le vois,en expirant, ma bouche 6+6 a
110 Jure devant ce christqui domine ta couche, 6+6 a
Et, si par leur faiblesseils n'étaient pas liés, 6+6 b
Je lèverais mes brasjusqu'au sang de ses pieds ; 6+6 b
Je jure que jamaismon amour égarée 6+6 a
N'oublia loin de toiton image adorée ; 6+6 a
115 L'infidélité mêmeétait pleine de toi, 6+6 b
Je te voyais partoutentre ma faute et moi, 6+6 b
Et sur un autre cœurmon cœur rêvait tes charmes, 6+6 a
Plus touchants par mon crimeet plus beaux par tes larmes. 6+6 a
Séduit par ces plaisirsqui durent peu de temps, 6+6 b
120 Je fus bien criminel ;mais, hélas ! j'ai vingt ans. 6+6 b
― T'a-t-elle vu pâlirce soir dans tes souffrances ? 6+6 a
― J'ai vu son désespoirpasser tes espérances. 6+6 a
Oui, sois heureuse, elle asa part dans nos douleurs ; 6+6 b
Quand j'ai crié ton nom,elle a versé des pleurs ; 6+6 b
125 Car je ne sais quel malcircule dans mes veines ; 6+6 a
Mais je t'invoquais seuleavec des plaintes vaines. 6+6 a
J'ai cru d'abord mouriret n'avoir pas le temps 6+6 b
D'appeler ton pardonsur mes derniers instants. 6+6 b
Oh ! parle ; mon cœur fuit ;quitte ce dur langage ; 6+6 a
130 Qu'un regard… Mais quel estce blanchâtre breuvage 6+6 a
Que tu bois à longs traitset d'un air insensé ? 6+6 b
― Le reste du poisonqu'hier je t'ai versé. » 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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