Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
VHR_3/VHR89
Émile VERHAEREN
LES SOIRS
1887
LES SOIRS
I
DÉCORS LIMINAIRES
LES VIEUX CHÊNES
L’hiver, les chênes lourds | et vieux, les chênes tors, 6+6 a
Geignant sous la tempête | et démenant leurs branches 6+6 b
Comme de grands bras fous | qui veulent fuir leur corps, 6+6 a
Mais que tragiquement | la chair retient aux hanches, 6+6 b
5 Les vieux chênes rugueux | et sinistres, les noirs 6+6 a
Géants debout, | à l’horizon, | où les vents rogues 4+4+4 b
Cinglent de leur colère | et de leur vol les soirs 6+6 a
Et les mordent et les | mordent comme des dogues, 6−6 b
Semblent de maux obscurs | les mornes recéleurs, 6+6 a
10 Car l’âme des pays | du Nord, sombre et sauvage, 6+6 b
Habite et clame en eux | ses nocturnes douleurs 6+6 a
Et tord ses désespoirs | d’automne en leur branchage. 6+6 b
Oh ! leurs plaintes et leurs | plaintes, durant la nuit ! 6−6 a
D’abord, lointainement, | douces et miaulantes, 6+6 b
15 Comme ayant joie et peur | de troubler, de leur bruit, 6+6 a
Le sommeil ténébreux | des campagnes dolentes. 6+6 b
Puis le désir soudain | où la terreur se joint 6+6 a
Quand la tempête est là, | hennissante et prochaine ; 6+6 b
Puis le râlement brusque | et terrible, si loin 6+6 a
20 Que les bêtes des grand’ |routes hurlent de haine 6−6 b
Et se couchent, là-bas, | dans les sillons, de peur. 6+6 a
Puis un apaisement | sinistre et despotique, 6+6 b
Une attente de glaive | et d’ombre et de fureur, — 6+6 a
Et tout à coup la rage | énorme et frénétique, 6+6 b
25 Tout l’infini qui grince | et se brise et se tord 6+6 a
Et se déchire et vole | en lambeaux de colère, 6+6 b
À travers la campagne, | et beugle au loin la mort 6+6 a
De l’un à l’autre point | de l’espace solaire. 6+6 b
Oh ! les chênes ! Oh les | mornes suppliciés ! 6−6 a
30 Et leurs pousses et leurs | branches que l’on arrache 6−6 b
Et que l’on broie ! Et leurs | vieux bras exfoliés 6−6 a
À coups de foudre, à coups | de bise, à coups de hache. 6+6 b
Ils sont crevés, | solitaires ; leur front durci 4+8 a
Est labouré ; leur vieille | écorce d’or est sombre, 6+6 b
35 Et leur sève se plaint | plus tristement, que si 6+6 a
Le dernier cri du monde | avait traversé l’ombre. 6+6 b
L’hiver, les chênes lourds | et vieux, les chênes tors, 6+6 a
Geignant sous la tempête | et démenant leurs branches 6+6 b
Comme de grands bras fous | qui voudraient fuir un corps, 6+6 a
40 Mais que tragiquement | la chair retient aux hanches, 6+6 b
Semblent de maux obscurs | les mornes recéleurs, 6+6 a
Car l’âme des pays | du Nord, sombre et sauvage, 6+6 b
Habite et clame en eux | ses nocturnes douleurs 6+6 a
Et tord ses désespoirs | d’automne en leur branchage. 6+6 b
mètre profil métrique : 6=6
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