Métrique en Ligne
VHR_3/VHR124
Émile VERHAEREN
LES SOIRS
1887
LES FLAMBEAUX NOIRS
1890
III
PROJECTION EXTÉRIEURE
LES DIEUX
Et mon désert de cœur est peuplé de Dieux noirs, 6+6 a
Ils s’érigent, blocs lourds de bois, ornés de cornes 6+6 b
Et de pierres, Dieux noirs silencieux des soirs, 6+6 a
Mornes et noirs, dans le désert de mon cœur morne. 6−6 b
5 Avec des yeux, comme les yeux des loups, la nuit, 4+4+4 a
Avec des yeux comme la lune, ils me regardent ; 4+4+4 b
Et c’est vers eux, vers leur terreur que mon ennui 6−6 a
Monte, c’est vers ces yeux nitreux qui me poignardent. 6+6 b
Mes Dieux, ils sont : le mal gratuit, celui pour soi, 6+6 a
10 L’unique ! Ils le rêvent, au clair minuit des astres, 8+4 b
Voici soudain leur ombre en moi, comme l’effroi 6+6 a
Entr’aperçu, la nuit, de ténébreux pilastres. 6+6 b
Et les uns des autres insoucieux : seuls — tous. 12 a
Chacun pour soi rêvant à sa toute puissance, 6+6 b
15 Sous les plafonds de fer des firmaments jaloux ; 6+6 a
Et la taisant, pour l’aiguiser, sa malfaisance, 4+4+4 b
Les uns ? la haine — et les autres ? l’atrocité. 6−6 a
Tel autre, avec des dents lentes et vexatoires, 6+6 b
Mâchant et remâchant sa taciturnité ; 6+6 a
20 Et tel, avec du rouge en feu dans ses mâchoires. 6+6 b
Ils sont les éternels de mon désert, ils sont 6+6 a
De mon ciel violent, dont les anciens tonnerres 6+6 b
Ont saccagé l’azur, l’immobile horizon ; 6+6 a
Ils sont mes éternels et mes tortionnaires. 6+6 b
25 Oh ! leurs rages de bête, oh ! leurs orgueils de roc, 6+6 a
Ô les cruels, ô les tristes, ô les nocturnes, 6−6 b
Voici ma chair et mon cerveau, voici le bloc 6−6 a
De mon entêtement sous vos pieds taciturnes, 6+6 b
Écrasez-moi : je suis victime — et que mon cœur 6+6 a
30 Soit le captif de vos vouloirs tentaculaires ? 6−6 b
Écrasez-moi, sous votre énorme poids vainqueur, 6−6 a
Et que je meure, au vent de fer de vos colères ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6÷6
forme globale type : suite périodique
schéma : 8(abab)
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