Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
VHR_3/VHR111
Émile VERHAEREN
LES SOIRS
1887
LES DÉBÂCLES
1888
DÉFORMATION MORALE
LE MEURTRE
En ces heures de vice | et de crime rigides, 6+6 a
Se rêve un meurtre ardent, | que la nuit grandirait 6+6 b
De son orgueil — plafond | d’ébène et clous algides — 6+6 a
Et de la toute horreur | de sa noire forêt, 6+6 b
5 Là-bas, quand, parmi les | ombres qui se menacent, 6−6 a
Au clair acier des eaux, | un glaive d’or surgit 6+6 b
Vers les rages qui vont | et les haines qui passent. 6+6 a
— Et pieds mystérieux, | pieds de marbre, sans bruit, 6+6 b
Là, quelque part, | aux carrefours, | en des ténèbres — 4+4+4 a
10 Un silence total | ferme la plaine, au loin : 6+6 b
Le ciel indifférent | voile ses clairs algèbres, 6+6 a
Et rien, pas même Dieu, | ne semble être témoin. 6+6 b
Tous les mêmes, luisants | de lierre et tous les mêmes 6+6 a
D’écorce et de rameaux, | comme un effarement, 6+6 b
15 Sur double rang, là-bas, | jusqu’aux horizons blêmes, 6+6 a
Muets et seuls, | des arbres vont, | infiniment. 4+4+4 b
Un grand éclair nerveux, | au bout d’un poing logique, 6+6 a
Et puis un râle, à peine | ouï par les taillis — 6+6 b
Et de la gorge ouverte | et tordue et tragique, 6+6 a
20 Un sang superbe et rouge, | en légers gargouillis, 6+6 b
Coule, comme un ruisseau | de corail parmi l’herbe 6+6 a
Et, du torse troué, | s’épand sur le sol noir. 6+6 b
La voix assassinée | éclate en bouche acerbe 6+6 a
Et les regards derniers | fixent comme un espoir 6+6 b
25 Quelque chose, là-bas, | qui serait la justice. 6+6 a
— Soudain, voici la peur | de ce cadavre froid 6+6 b
Et la peur de la peur | crédule et subreptice — 6+6 a
Et vivement, avec | des pleurs et de l’effroi, 6+6 b
Avec des mains | repentantes et caressantes 4+8 a
30 Pour apaiser ce mort | soudain et qui sera 6+6 b
Le fantôme des nuits | lourdes et malfaisantes, 6+6 a
Le fantôme ! — quel est | celui qui s’en viendra 6+6 b
Baisser, sur ces grands yeux, | les paupières tombales 6+6 a
Et clore ces lèvres, silencieusement. 12 b
35 — Et les remords | choquent les fers | de leurs cymbales 4+4+4 a
Et le voici qui peut | tomber le châtiment — 6+6 b
Alors, ouvre ton âme | et déguste l’angoisse 6+6 a
Et le mystère éclos, | aux caves de ton cœur : 6+6 b
Un flambeau qu’on déplace, | une étoffe qu’on froisse, 6+6 a
40 Un trou qui te regarde, | un craquement moqueur, 6+6 b
Quelqu’un qui passe et qui | revient et qui repasse 6+6 a
Te feront tressaillir | de frissons instinctifs 6+6 b
Et tu te vêtiras | d’une inédite audace ; 6+6 a
D’autres sens te naîtront, | subtils et maladifs, 6+6 b
45 Ils renouvelleront | ton être, usé de rages, 6+6 a
Et tu seras celui | qui fut sanglant un peu, 6+6 b
Qui bondit hors de soi | et creva les mirages 6+6 a
Et, biffant une vie, | a fait œuvre de Dieu ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6÷6
logo du CRISCO logo de l'université