Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
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F = "e" féminin
| = césure
VHR_3/VHR104
Émile VERHAEREN
LES SOIRS
1887
LES DÉBÂCLES
1888
DÉFORMATION MORALE
VERS LE CLOÎTRE
Je rêve une existence en un cloître de fer, 6+6 a
Brûlée au jeûne, et sèche et râpée aux cilices, 6+6 b
Où l’on abolirait, en de muets supplices, 6+6 b
Par seule ardeur de l’âme enfin, toute la chair. 6+6 a
5 Sauvage horreur de soi si mornement sentie ! 6+6 a
Quand notre corps nous boude et que nos nerfs, la nuit, 6+6 b
Rivent sur nos vouloirs leurs cagoules d’ennui, 6+6 b
Et les plongent dans la fièvre ou l’inertie. 6−6 a
Dites, ces pleurs, ces cris et cette peur du soir ! 6+6 a
10 Dites, ces plombs de maladie en tous les membres, 4+4+4 b
Et la toute torpeur des torpides novembres 6+6 b
Et le dégoût de se toucher et de se voir ? 6−6 a
Et les mauvaises mains tâtillonnes de vice 6+6 a
Encor et lentement cherchant, sur les coussins, 6+6 b
15 Et des toisons de ventre, et des grappes de seins 6+6 b
Et les tortillements dans le rêve complice ? 6+6 a
Je rêve une existence en un cloître de fer, 6+6 a
Brûlée au jeûne et sèche et râpée aux cilices, 6+6 b
Où l’on abolirait en de muets supplices, 6+6 b
20 Par seule ardeur de l’âme enfin, toute la chair. 6+6 a
Et s’imposer le gel des sens, quand le corps brûle ; 6+6 a
Et se tyranniser et se tordre le cœur, 6+6 b
— Hélas ! ce qui en reste — et tordre, avec rancœur, 6+6 b
Jusqu’au regret d’un autrefois doux et crédule. 4+4+4 a
25 Se cravacher dans sa pensée et dans son sang, 6−6 a
Dans son effort, dans son espoir, dans son blasphème ; 6−6 b
Et s’exalter de ce mépris, vain lui-même, 11 b
Mais qui rachète un peu l’orgueil d’où l’on descend. 6+6 a
Et se mesquiniser en pratiques futiles 6+6 a
30 Et se faire petit et n’avoir qu’âpreté, 6+6 b
Pour tout ce qui n’est point d’une âcre nullité, 6+6 b
Dans le jardin vanné des floraisons hostiles. 6+6 a
Je rêve une existence en un cloître de fer 6+6 a
Brûlée au jeûne et sèche et râpée aux cilices, 6+6 b
35 Où l’on abolirait, en de muets supplices, 6+6 b
Par seule ardeur de l’âme enfin, toute la chair, 6+6 a
Oh ! la constante rage à s’écraser, la hargne 6+6 a
À se tant torturer, à se tant amoindrir, 6+6 b
Que tout l’être n’est plus vivant que pour souffrir 6+6 b
40 Et se fait de son mal sa joie et son épargne. 6+6 a
N’entendre plus ses cris, ne sentir plus ses pleurs, 6+6 a
Mâter son instinct noir, tuer sa raison traître, 6+6 b
Oh ! le pouvoir et le savoir ! Être son maître 6−6 b
Et les avoir cassés les crocs de ses douleurs ! 6+6 a
45 Et peut être qu’alors, par un soir salutaire, 6+6 a
Une paix de néant s’installerait en moi ; 6+6 b
Et que sans m’émouvoir j’écouterais l’aboi, 6+6 b
L’aboi tumultueux de la mort volontaire. 6+6 a
Je rêve une existence en un cloître de fer. 6+6 a
mètre profils métriques : 6=6, (11)
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