Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
VHR_2/VHR66
Émile VERHAEREN
LES MOINES
1885
LE CIMETIÈRE
Sous ce terrain perdu que les folles avoines 6+6 a
Et les chiendents et les sainfoins couvrent de vert, 6−6 b
On enterrait — voici quatre siècles — des moines 6+6 a
Les mains jointes, le front du capuchon couvert, 6+6 b
5 Le corps enveloppé de la pudeur des laines. 6+6 a
Ils s’endormaient dans un calme sacerdotal 6−6 b
Et rien ne leur venait ni des mers, ni des plaines, 6+6 a
Qui pût troubler leur long sommeil horizontal. 6+6 b
Alors comme aujourd’hui, les larges moissons mûres 6+6 a
10 Charriaient leur marée autour des loins d’argent, 6+6 b
Où luisaient des clochers ainsi que des armures. 6+6 a
L’enclos funèbre avait le même aspect changeant, 6+6 b
La terre ocreuse était de micas chatoyée, 6+6 a
La même croix d’airain, que midi faisait d’or, 6+6 b
15 Tenait sur ses grands bras sa douleur déployée 6+6 a
Et semblait un oiseau qui prend un tel essor 6+6 b
Qu’il atteindra le ciel, d’un seul coup d’aile immense. 6+6 a
Depuis, les morts nouveaux ont écrasé les vieux 6+6 b
Et toujours cet enclos que le deuil ensemence 6+6 a
20 S’étend, vierge et muet, vide et silencieux, 6+6 b
Mêlant et remêlant les cendres aux poussières, 6+6 a
Les défunts aux défunts, les débris aux débris, 6+6 b
Sous le même soleil et les mêmes prières ; 6+6 a
Toujours les blés houleux entourent son mur gris. 6+6 b
25 Toujours sous le manteau de ses folles avoines, 6+6 a
De ses chiendents soyeux et de son gazon vert, 6+6 b
Il tient caché les corps des abbés et des moines, 6+6 a
Les mains jointes, le front du capuchon couvert. 6+6 b
Et cette antiqui de deuil réglementaire, 6+6 a
30 Ces mêmes morts toujours à d’autres succédant, 6+6 b
Qui rendirent jadis cet enclos légendaire, 6+6 a
Ont maintenu, dans notre âge de doute ardent, 6−6 b
Autour du deuil chrétien de ces trépas superbes, 6+6 a
Mystérieusement couchés dans ce coin noir, 6+6 b
35 Les mêmes bruits pieux de vent parmi les herbes 6+6 a
Et d’oiseaux clairs rythmant leurs chansons dans le soir. 6+6 b
Pourtant, par les beaux mois d’été glacés de lune, 6+6 a
Sous un ciel reluisant d’or et d’argent poli, 6+6 b
Ce lieu répand encor sa hantise importune, 6+6 a
40 Et lorsque les brouillards montent du sol pâli 6+6 b
Et s’étendent, sur les tombes, en blanc suaire, 6−6 a
On voit, là-bas, de grands moines se rassembler, 6+6 b
Se saluer le front par terre et s’en aller 6+6 b
Par la vague terreur de la nuit mortuaire. 6+6 a
mètre profil métrique : 6−6
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