Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
VHR_2/VHR50
Émile VERHAEREN
LES MOINES
1885
RENTRÉE DES MOINES
I
On dirait que le siteentier sous un lissoir 6+6 a
Se lustre et dans les lacsvoisins se réverbère ; 6+6 b
C’est l’heure la clartédu jour d’ombres s’obère, 6+6 b
le soleil descendles escaliers du soir. 6+6 a
5 Une étoile d’argentlointainement tremblante, 6+6 a
Lumière d’or, dont onn’apeoit le flambleau, 6−6 b
Se reflète mobileet fixe au fond de l’eau 6+6 b
le courant la laveavec une onde lente. 6+6 a
À travers les champs vertss’en va se déroulant 6+6 a
10 La route dont l’aversea lamé les ornières ; 6+6 b
Elle longe les noirsmassifs des sapinières 6+6 b
Et monte au carrefourcouper le pavé blanc. 6+6 a
Au loin scintille encoreune lucarne ronde 6+6 a
Qui s’ouvre ainsi qu’un œildans un pignon rongé : 6+6 b
15 Là, le dernier refletdu couchant s’est plongé, 6+6 b
Comme, en un trou profondet ténébreux, la sonde. 6+6 a
Et rien ne s’entend plusdans ce mystique adieu, 6+6 a
Rien — le site vêtud’une paix métallique 6+6 b
Semble enfermer en lui,comme une basilique, 6+6 b
20 La présence muetteet nocturne de Dieu. 6+6 a
II
Alors les moines blancsrentrent aux monastères, 6+6 a
Après secours portésaux malades des bourgs, 6+6 b
Aux remueurs cassésde sols et de labours, 6+6 b
Aux gueux chrétiens qui vontmourir, aux grabataires, 6+6 a
25 À ceux qui crèvent seuls,mornes, sales, pouilleux 6+6 a
Et que nul de regretsni de pleurs n’accompagne 6+6 b
Et qui pourriront nusdans un coin de campagne, 6+6 b
Sans qu’on lave leur corpsni qu’on ferme leurs yeux, 6+6 a
Aux mendiants mordusde misères avides, 6+6 a
30 Qui, le ventre trouéde faim, ne peuvent plus 6+6 b
Se béquiller là-basvers les enclos feuillus 6+6 b
Et qui se noient, la nuit,dans les étangs livides. 6+6 a
Et tels les moines blancstraversent les champs noirs, 6+6 a
Faisant songer au tempsdes jeunesses bibliques 6+6 b
35 l’on voyait errerdes géants angéliques, 6+6 b
En longs manteaux de lin,dans l’or pâli des soirs. 6+6 a
III
Brusques, sonnent au loindes tintements de cloche, 6+6 a
Qui cassent du silenceà coups de battant clair 6+6 b
Par-dessus les hameaux,jetant à travers l’air 6+6 b
40 Un long appel, qui long,parmi l’écho, ricoche. 6+6 a
Ils redisent que c’est le moment justicier 13 a
les moines s’en vontau chœur chanter Ténèbres 6+6 b
Et promener sur leursconsciences funèbres 6−6 b
La froide cruautéde leurs regards d’acier. 6+6 a
45 Et les voici priant :tous ceux dont la journée 6+6 a
S’est consumée au longhersage en pleins terreaux, 6+6 b
Ceux dont l’esprit sur lestextes préceptoraux 6−6 b
S’épand, comme un refletde lumière inclinée. 6+6 a
Ceux dont la solitudeâpre et pâle a rendu 6+6 a
50 L’âme voyante et dontla peau blême et collante 6+6 b
Jette vers Dieu la voixde sa maigreur sanglante, 6+6 b
Ceux dont les tourments noirsont fait le corps tordu. 6+6 a
Et les moines qui sontrentrés aux monastères, 6+6 a
Après visite faiteaux malheureux des bourgs, 6+6 b
55 Aux remueurs cassésde sols et de labours, 6+6 b
Aux gueux chrétiens qui vontmourir, aux grabataires, 6+6 a
À leurs frères pieuxdisent, à lente voix, 6+6 a
Qu’au dehors, quelque part,dans un coin de bruyère, 6+6 b
Il est un moribondqui s’en va sans prière 6+6 b
60 Et qu’il faut supplier,au chœur, le Christ en croix, 6+6 a
Pour qu’il soit pitoyableaux mendiants avides 6+6 a
Qui, le ventre trouéde faim, ne peuvent plus 6+6 b
Se béquiller au loinvers les enclos feuillus 6+6 b
Et qui se noient, la nuit,dans les étangs livides. 6+6 a
65 Et tous alors, tous lesmoines, très lentement, 6−6 a
Envoient vers Dieu le chantdes lentes litanies ; 6+6 b
Et les anges qui sontgardiens des agonies 6+6 b
Ferment les yeux des morts,silencieusement. 6+6 a
mètre profils métriques : 6−6, (13)
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