Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
VHR_2/VHR41
Émile VERHAEREN
LES MOINES
1885
FÊTES MONACALES
À coups de cloche, à coupsde trompe et de bourdon, 6+6 a
Au rouge déploiementdes bannières claquantes, 6+6 b
La crosse droite en main,comme on tient l’espadon, 6+6 a
Front nu, torse en hauteur,allures attaquantes, 6+6 b
5 Les chevaux rythmant clair,de leurs sabots d’acier, 6+6 a
Quelque tintamarranteentrée au cœur des villes, 6+6 b
Les moines féodaux,bardés d’orgueil princier, 6+6 a
S’étalent tout en ordans les fêtes civiles ; 6+6 b
Le peuple qui les voitsurgir dans la cité, 6+6 a
10 Avec des cris de fouleen feu les accompagne ; 6+6 b
Sur les remparts un arctriomphal est planté, 6+6 a
Par , sous le grand cintreencadrant la campagne, 6+6 b
Plus solennel encorsemble entrer le soleil. 6+6 a
L’encens éploie au loinses bleuâtres spirales : 6+6 b
15 Vingt grands abbés, la mitreau front, le doigt vermeil, 6+6 a
Règnent, monumentauxcomme des cathédrales. 6+6 b
Le drapeau monacalse reflète à l’écart, 6+6 a
Pesant d’orgueil sacré,dans des lambris de marbre. 6+6 b
Vingt hérauts, plastronnésde soie et de brocart, 6+6 a
20 Sont fixés, tout debout,chacun au pied d’un arbre 6+6 b
Dont, feuille à feuille, on adoré le dôme entier. 6+6 a
Et le soleil chrétienvoit ces luxes rebelles 6+6 b
Trôner dans la splendeurd’un vallon forestier 6+6 a
Et sous le va-et-vientdes papales flabelles. 6+6 b
25 Un repas colossalsouffle, fourneaux béants, 6+6 a
Éructant vers l’azursa flamme et sa fumée, 6+6 b
Par les gueules de ferdes soupiraux géants. 6+6 a
Une odeur de mangeailleet de chair allumée 6+6 b
Et de sauces fleurantles gras parfums huileux, 6+6 a
30 Plaque au palais et faitsuinter d’aise les bouches. 6+6 b
Les sièges, les divanset les coussins moelleux 6+6 a
Cerclent la table encorvide, comme des couches. 6+6 b
L’air est coupé de longseffluves altérants ; 6+6 a
Sur les vélums tendusle vent plisse des moires ; 6+6 b
35 Des corbeilles de fruitsbombent leurs tons safrans 6+6 a
Sur des plintes de chêneet sur des bords d’armoires, 6+6 b
Et les échansons vifspassent, le bras orné 6+6 a
De la sveltesse en colde cygne des aiguières. 6+6 b
Dans l’attente et l’odeurdu repas atourné, 6+6 a
40 Les abbés, écoutantles vœux et les prières 6+6 b
Que leur fait à genouxl’orgueil de leurs vassaux, 6+6 a
S’imprègnent de l’encensdes lourdes flatteries. 6+6 b
La fête se prolongeau loin sous des arceaux 6+6 a
De guirlandes d’argentet de piques fleuries. 6+6 b
45 Le long des chemins verts,près des gueules des fours, 6+6 a
Des soldats, cuirassésd’acier et de lumières, 6+6 b
Campés sur leurs chevaux,au coin des carrefours, 6+6 a
Pointent leurs casques bleussous un vol de bannières ; 6+6 b
Le soleil estivalmord le fond d’un torrent, 6+6 a
50 Allume les rocherset fait craquer les chênes ; 6+6 b
Dans les hameaux, tout unpeuple tintamarrant 6−6 a
Se prépare, brutal,aux kermesses prochaines, 6+6 b
son rut rouleracomme un fleuve au travers, 6+6 a
Et des étalons roux,la prunelle élargie, 6+6 b
55 Le ventre frémissantet les naseaux ouverts, 6+6 a
Tendent leurs cous gonflésdu côté de l’orgie. 6+6 b
Enfin, la table est prêteet dresse ses couverts. 6+6 a
Les vingt abbés, la croixd’argent sur leurs poitrines, 6+6 a
Sous les arbres dorésaux feuillages roussis, 6+6 b
60 Humant les lourds pâtés,les lards et les terrines, 6+6 a
Flanqués chacun d’un hautvassal, se sont assis. 6+6 b
On sert des paons, la queueépanouie en lyre ; 6+6 a
Des porcs, les flancs mordusde tridents ciselés ; 6+6 b
Des cuissots roux dont lesodeurs d’ambre et de myrrhe 6−6 a
65 Fument d’entre les dentsde grands bols crénelés ; 6+6 b
Aussi le grand gibierdes cuisines royales : 6+6 a
Les sangliers, dont lahure, dans le festin, 6−6 b
Haineusement grimaceet courbe ses crocs pâles, 6+6 a
Les aloyaux et lesrognons de bouquetin, 6−6 b
70 Les filets raffinés,les volailles farcies, 6+6 a
Les daims sanglants, tuésla nuit, aux alentours, 6+6 b
Les faisans adornésde grappes cramoisies 6+6 a
Et la chair des chevreuilsavec des langues d’ours. 6+6 b
À gauche, au coin d’un lourdmassif, entouré d’ormes, 6+6 a
75 Sur les tréteaux vêtusde velours damassés, 6+6 b
On mime, avec des criset des clameurs énormes, 6+6 a
Jérusalem conquiseet l’assaut des Croisés, 6+6 b
Le glaive au vent, sur ladouve monumentale, 6−6 a
D’abord s’avance au pasle héros Godefroi, 6+6 b
80 Levant sur l’Orientla croix occidentale, 6+6 a
Le duc de Normandieen vêtements d’orfroi, 6+6 b
Pierre l’Ermite, assissur sa mule âpre et raide, 6+6 a
Bohemond, Adhemar,Hugues de Vermandois, 6+6 b
Robert de Flandre, et là,fier entre tous, Tancrède. 6+6 a
85 La gloire est magnifiqueà ces faiseurs d’exploits. 6+6 b
On lutte à corps serré,pied à pied, et les casques, 6+6 a
Les heaumes, les armets,sonnent clair sous les coups, 6+6 b
Les glaives vont tournanten sanglantes bourrasques, 6+6 a
On s’agrippe : Chrétiendessus, Maure dessous, 6+6 b
90 Roulent noueusementdans le flux des mêlées, 6+6 a
Des cimeterres bleusluisent, éclairs de deuil, 6+6 b
Heurtant d’un choc d’acierles masses dentelées, 6+6 a
Et les pennons tenusdebout comme un orgueil. 6+6 b
Les cœurs sont furieux,les têtes allumées. 6+6 a
95 On entend le grand cri :Notre-Dame et Noël ! 6+6 b
Et cet emmêlementdes deux larges armées 6+6 a
Fait croire un long instantque le heurt est réel. 6+6 b
Les Turcs creusent les rangsde sanglantes ornières ; 6+6 a
Les Chrétiens vers le ciel,d’un regard plus fervent, 6+6 b
100 S’exaltent ; on ne saitlaquelle des bannières 6+6 a
Triomphale et levéeira claquante au vent, 6+6 b
Quel symbole mourrade mort rouge, quel monde 6+6 a
Tiendra sous sa lourdeurl’autre monde écrasé 6+6 b
Quand par-dessus les flotsde la tuerie immonde, 6+6 a
105 Vêtu d’un long manteaud’argent fleurdelysé, 6+6 b
Surgit, debout, l’archange,avec sa cour de gloires, 6+6 a
Avec ses cheveux fiers,avec son pied dompteur, 6+6 b
Avec ses doigts dorés,d’ tombent les victoires. 6+6 a
Et l’Asie est conquiseau Christ inspirateur. 6+6 b
110 À droite, un lent cortègealtier de filles belles, 6+6 a
Vierges superbement,les cheveux en camail 6+6 b
Sur l’épaule, le corpsorné de brocatelles, 6+6 a
La ceinture boucléeavec fermoirs d’émail, 6+6 b
Lentes, et sur un pasde rythme ancien, procède. 6+6 a
115 Elles ne font qu’aller,que venir, que passer. 6+6 b
L’horizontal soleil,tout en splendeur, obsède 6+6 a
De ses glissants rayonsleur front, et vient baiser 6+6 b
Les bijoux solennelsqui pavoisent leurs tempes 6+6 a
Et leur col frais et nujusqu’au vallon des seins. 6+6 b
120 Les premières s’en vonten rang, levant les hampes 6+6 a
De l’oriflamme et desdrapeaux diocésains, 6−6 b
Le front caché suivantle vol des broderies, 6+6 a
Les doigts cerclés d’argentet les poignets d’airain. 6+6 b
D’autres viennent, tenantde sveltes armoiries, 6+6 a
125 Des tortils monacauxet blancs, le burin 6+6 b
Tailla sur fond d’azurdes mitres crénelées ; 6+6 a
D’autres, devant leurs paségaux sèment des fleurs ; 6+6 b
D’autres, les pieds battusde trnes déferlées, 6+6 a
Les yeux auréolésde prière et de pleurs, 6+6 b
130 Passent, symbolisantles lentes litanies, 6+6 a
Avec des cartels d’oret des emblèmes bleus. 6+6 b
Et tel, ce défilé,coulant ses symphonies 6+6 a
Et sa mobilitéde couleurs et de feux, 6+6 b
Parmi le déploiementdes ruts et des ripailles, 6+6 a
135 Attire l’œil des grandsmoines enluminés 6+6 b
Qui, par-dessus les platsdes lourdes victuailles, 6+6 a
Penchent leur face énormeet leurs sens tisonnés. 6+6 b
Aux coupes, aux hanaps,les échansons encore 6+6 a
Versent les vins de Franceet les cidres normands. 6+6 b
140 Il flambe des parfumsaux éclairs de phosphore 6+6 a
Dans les ventres ouvertsdes cratères fumants. 6+6 b
Les vents passent, tordantleurs feux en chevelures, 6+6 a
Et s’imprègnent d’encenset l’épandent au loin 6+6 b
Et le roulent parmiles flux des moissons mûres 6+6 a
145 Et la marée en fleurde l’avoine et du foin, 6+6 b
Tandis qu’arrive, rouge,à travers champs, la houle 6+6 a
Des vacarmes touffuset des débordements 6+6 b
Et des grosses clameurset des ruts de la foule. 6+6 a
On devine, là-bas,dans les hameaux fumants 6+6 b
150 De liesse à pleins instinctset de joie à pleins ventres, 6+6 a
Serves et serfs, pataudset pataudes, tous sls, 6+6 b
Les gars, luttant entre euxcomme les loups des antres, 6+6 a
Et les femmes hurlantautour, les regards fous. 6+6 b
Enfin, le long repasfinit, et les lumières, 6+6 a
155 Dans les massifs géants,larment l’obscurité, 6+6 b
L’ombre descend des montsaux heures coutumières, 6+6 a
Le ciel s’étend immenseainsi qu’un drap lacté 6+6 b
Sur les étangs rêveurset les plaines songeuses. 6+6 a
Mais bien qu’il fasse soir,les bruits croissent toujours 6+6 b
160 Et montent plus grouillantsdes plèbes tapageuses 6+6 a
Et roulent plus tonnantsvers les échos des bourgs, 6+6 b
Jusqu’à ce que minuittombe sur les villages 6+6 a
Et que les moines las,mis en joie et repus, 6+6 b
Quittent la fête ardenteencor.
Leurs attelages 6+6 a
165 Sont amenés, timonsornés, chevaux trapus. 6+6 b
On les y voit monter,la face au vin rougie, 6+6 a
Et s’en aller par lesroutes à travers bois, 6−6 b
Faisant, de loin en loin,sur la foule et l’orgie 6+6 a
Avec leurs mains en orde lents signes de croix. 6+6 b
mètre profil métrique : 6−6
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