Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
VHR_1/VHR31
Émile VERHAEREN
LES FLAMANDES
1883
LES FUNÉRAILLES
Voici huit jours | qu'a trépassé | le vieux fermier 4+4+4 a
Qui, rond par rond, | thésaurisa | dans un sommier 4+4+4 a
Tant d'or et tant d'argent | que son énorme bière 6+6 b
Semblait lourde d'écus | quand on le mit en terre. 6+6 b
5 La cloche a vacarmé | longtemps en son honneur 6+6 a
Et les notes battu | leur danse en ton mineur, 6+6 a
Mais aujourd'hui | ses quatre fils | offrent à boire 4+4+4 b
Tant que l'on veut pour qu'on | se soûle à sa mémoire. 6+6 b
Dans leur maison, ils ont | rangé trente tonneaux 6+6 a
10 Pour des gosiers beaux | et clairs, tels des anneaux, 6+6 a
Et prétendant que tous | aient une part des fêtes 6+6 b
Ils ont donné du sucre | et de la bière aux bêtes. 6+6 b
Les servantes et les | valets quittant le deuil 6−6 a
Et les quatre porteurs | du colossal cercueil 6+6 a
15 Et le fossoyeur borgne | et les enfants de messe 6+6 b
Sont conviés, avant | tout autre, à la Kermesse. 6+6 b
Puis les parents les plus | proches et les cousins. 6+6 a
Ceux qui furent les vieux | amis et les voisins : 6+6 a
Et tels qui sont gaillards | et savoureux de derme 6+6 b
20 Sont invités dûment | parce qu'ils sablent ferme. 6+6 b
Et depuis l'aube on trinque, | à grands brocs étamés. 6+6 a
Dans la salle la plus | large, volets fermés, 6+6 a
Portes closes, tandis | que Juin gerce de rides, 6+6 b
Dehors, les champs ardents | et les polders torrides. 6+6 b
25 La fête étant vouée | uniquement au mort. 6+6 a
On boit sans bruit, on boit | sans cris, si l'on boit fort ; 6+6 a
Et l'ivresse plombant | les fronts de somnolence, 6+6 b
Bientôt l'on boit et l'on | se soûle en plein silence. 6+6 b
Ils sont là, tous, face à | face, vagues et lourds, 6−6 a
30 Les mains moites, les doigts | gauches, les regards gourds, 6+6 a
Les pieds allongés droits | sous la table de chêne, 6+6 b
Et seul, le hoquet gras | debonde leur bedaine. 6+6 b
Le fossoyeur éructe | et croit du fond d'un trou 6+6 a
Lancer, d'un han profond, | un bloc de terreau mou ; 6+6 a
35 Le jeune enfant de messe | avec des mains térettes 6+6 b
Lampe d'un coup son broc, | ainsi que les burettes. 6+6 b
Les gros porteurs assis | côte à côte, le dos 6+6 a
Bien que fruste et géant | ployé sous des fardeaux 6+6 a
D'ivresse et de sommeil, | rêvent que leurs épaules 6+6 b
40 Jonglent avec des morts | au fond de nécropoles. 6+6 b
Un cousin pleure, ainsi | qu'un toit que pluie et vent 6+6 a
Râflent d'automne, et tout | son corps est comme un van 6+6 a
Sonnant et sanglotant | que la douleur secoue, 6+6 b
Jusqu'à faire égoutter | les larmes de sa joue. 6+6 b
45 Seuls d'entre tous, les fils | ne semblent point navrés : 6+6 a
Ils ont les goussets lourds | et les orgueils lustrés, 6+6 a
Ils sont comme des coqs | debout sur l'héritage, 6+6 b
Et c'est à coups de becs | qu'ils feront le partage. 6+6 b
Ils se sentent déjà | maîtres du bourg et ceux 6+6 a
50 Dont on craindra le geste, | et le signe des yeux : 6+6 a
Aussi, pour affirmer | leur droit indubitable, 6+6 b
L'un d'eux met un tas d'or | comme un poing sur la table. 6+6 b
L'étonnement est si | rouge et fervent, que tous, 6+6 a
Bien que mornes, hagards, | béants et comme fous, 6+6 a
55 Devant ce bloc soudain | sorti de son armoire, 6+6 b
Le verre en main, la bouche | ouverte, oublient de boire, 6+6 b
Et qu'il faut le rappel | d'un porteur de cercueil 6+6 a
Pour ranimer en eux | le jovial orgueil 6+6 a
De décanter au fond | des bedaines la lave 6+6 b
60 D'ivresse et de fureur | qui bout encor en cave. 6+6 b
mètre profil métrique : 6=6
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