Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
VER_7/VER271
Paul VERLAINE
AMOUR
1888
BOURNEMOUTH
A FRANCIS POICTEVIN
LE long bois de sapins se tord jusqu’au rivage, 6+6 a
L’étroit bois de sapins, de lauriers et de pins, 6+6 b
Avec la ville autour déguisée en village : 6+6 a
Chalets éparpillés rouges dans le feuillage 6+6 a
5 Et les blanches villas des stations de bains. 6+6 b
Le bois sombre descend d’un plateau de bruyère, 6+6 a
Va, vient, creuse un vallon, puis monte vert et noir 6+6 b
Et redescend en fins bosquets où la lumière 6+6 a
Filtre et dore l’obscur sommeil du cimetière 6+6 a
10 Qui s’étage bercé d’un vague nonchaloir. 6+6 b
A gauche la tour lourde (elle attend une flèche) 6+6 a
Se dresse d’une église invisible d’ici, 6+6 b
L’estacade très loin ; haute, la tour, et sèche : 6+6 a
C’est bien l’anglicanisme impérieux et rêche 6+6 a
15 A qui l’essor du cœur vers le ciel manque aussi. 6+6 b
Il l’ait un de ces temps ainsi que je les aime, 6+6 a
Ni brume ni soleil ! le soleil deviné, 6+6 b
Pressenti, du brouillard mourant dansant à même 6+6 a
Le ciel très haut qui tourne et fuit, rose de crème ; 6+6 a
20 L’atmosphère est de perle et la mer d’or fané. 6+6 b
De la tour protestante il part un chant de cloche, 6+6 a
Puis deux et trois et quatre, et puis huit à la fois, 6+6 b
Instinctive harmonie allant de proche en proche, 6+6 a
Enthousiasme, joie, appel, douleur, reproche, 6+6 a
25 Avec de l’or, du bronze et du feu dans la voix ; 6+6 b
Bruit immense et bien doux que le long bois écoute ! 6+6 a
La musique n’est pas plus belle. Cela vient 6+6 b
Lentement sur la mer qui chante et frémit toute, 6+6 a
Comme sous une armée au pas sonne une route 6+6 a
30 Dans l’écho qu’un combat d’avant-garde retient. 6+6 b
La sonnerie est morte. Une rouge traînée 6+6 a
De grands sanglots palpite et s’éteint sur la mer, 6+6 b
L’éclair froid d’un couchant de la nouvelle année 6+6 a
Ensanglante là-bas la ville couronnée 6+6 a
35 De nuit tombante et vibre à l’ouest encore clair. 6+6 b
Le soir se fonce. Il fait glacial. L’estacade 6+6 a
Frissonne et le ressac a gémi dans son bois 6+6 b
Chanteur, puis est tombé lourdement en cascade 6+6 a
Sur un rythme brutal comme l’ennui maussade 6+6 a
40 Qui martelait mes jours coupables d’autrefois : 6+6 b
Solitude du cœur dans le vide de l’âme, 6+6 a
Le combat de la mer et des vents de l’hiver, 6+6 b
L’orgueil vaincu, navré, qui râle et qui déclame, 6+6 a
Et cette nuit où rampe un guet-apens infâme, 6+6 a
45 Catastrophe flairée, avant-goût de l’Enfer… ! 6+6 b
Voici trois tintements comme trois coups de flûtes, 6+6 a
Trois encor, trois encor ! l’Angelus oublié 6+6 b
Se souvient, le voici qui dit : Paix à ces luttes ! 6+6 a
Le Verbe s’est fait chair pour relever tes chutes, 6+6 a
50 Une vierge a conçu, le monde est délié ! 6+6 b
Ainsi Dieu parle par la voix de sa chapelle 6−6 a
Sise à mi-côte à droite et sur le bord du bois… 6+6 b
O Rome, ô Mère ! Cri, geste qui nous rappelle 6+6 a
Sans cessse au bonheur seul et donne au cœur rebelle 6+6 a
55 Et triste le conseil pratique de la Croix. 6+6 b
– La nuit est de velours. L’estacade laissée, 6+6 a
Tait par degré son bruit sous l’eau qui refluait, 6+6 b
Une route assez droite heureusement tracée 6+6 a
Guide jusque chez moi ma retraite pressée 6+6 a
60 Dans ce noir absolu sous le long bois muet. 6+6 b
mètre profil métrique : 6−6
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