Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
VER_6/VER267
Paul VERLAINE
JADIS ET NAGUÈRE
1884
NAGUÈRE
AMOUREUSE DU DIABLE
A Stéphane Mallarmé.
Il parle italienavec un accent russe. 6+6 a
Il dit : « Chère, il seraitprécieux que je fusse 6+6 a
« Riche, et seul, tout demainet tout après-demain. 6+6 b
« Mais riche à paver d’ormonnayé le chemin 6+6 b
5 « De L’Enfer, et si seulqu’il vous va falloir prendre 6+6 a
« Sur vous de m’oublierjusqu’à ne plus entendre 6+6 a
« Parler de moi sans vousdire de bonne foi : 6+6 b
« Qu’est-ce que ce monsieurFélice ? Il vend de quoi ? » 6+6 b
Cela s’adresse à laplus blanche des comtesses. 6+6 a
10 Hélas ! toute grandeur,toutes délicatesses, 6+6 a
Cœur d’or, comme l’on dit,âme de diamant, 6+6 b
Riche, belle, un marimagnifique et charmant 6+6 b
Qui lui réalisaittoute chose rêvée, 6+6 a
Adorée, adorable,une Heureuse, la Fée, 6+6 a
15 La Reine, aussi la Sainte,elle était tout cela, 6+6 b
Elle avait tout cela.
Cet homme vint, vola 6+6 b
Son cœur, son âme, en fitsa mtresse et sa chose 6+6 a
Et ce que la voilàdans ce doux peignoir rose 6+6 a
Avec ses cheveux d’orépars comme du feu, 6+6 b
20 Assise, et ses grands yeuxd’azur tristes un peu. 6+6 b
Ce fut une banaleet terrible aventure 6+6 a
Elle quitta de nuitl’hôtel. Une voiture 6+6 a
Attendait. Lui dedans.Ils restèrent six mois 6+6 b
Sans que personne sût ni comment. Parfois 6+6 b
25 On les disait partisà toujours. Le scandale 6+6 a
Fut affreux. Cette allureétait par trop brutale 6+6 a
Aussi pour que le mondeainsi mis au défi 6+6 b
N’t pas frémi d’une ireénorme et poursuivi 6+6 b
De ses langues les plusagiles l’insensée. 6+6 a
30 Elle, que lui faisait ?Toute à cette pensée, 6+6 a
Lui, rien que lui, longtempsavant qu’elle s’enfuit, 6+6 b
Ayant réaliséson avoir (sept ou huit 6+6 b
Millions en billetsde mille qu’on liasse 6+6 a
Ne pèsent pas beaucoupet tiennent peu de place). 6+6 a
35 Elle avait tassé toutdans un coffret mignon 6+6 b
Et le jour du départ,lorsque son compagnon 6+6 b
Dont du rhum bu de troprendait la voix plus tendre 6+6 a
L’interrogea sur cecolis qu’il voyait pendre 6−6 a
A son bras qui se lasse,elle répondit : « Ça, 6+6 b
C’est notre bourse. »
40 O toutce qui se dépensa ! 6+6 b
Il n’avait rien que sabeauté problématique 6−6 a
(D’autant pire) et que cetesprit dont il se pique 6−6 a
Et dont nous parlerons,comme de sa beauté, 6+6 b
Quand il faudra… Mais quelbourreau d’argent ! Prêté, 6+6 b
45 Gagné, volé ! Car ilvolait à sa manière, 6−6 a
Excessive, partantrespectable en dernière 6+6 a
Analyse, et d’ailleursrespectée, et c’était 6+6 b
Prodigieux la vieénorme qu’il menait 6+6 b
Quand au bout de six moisils revinrent.
Le coffre 6+6 a
50 Aux millions (dont plusque quatre) est là qui s’offre 6+6 a
A sa main. Et pourtantcette fois – une fois 6+6 b
N’est pas coutumeil agargarisé sa voix 6+6 b
Et remplacé son gesteordinaire de prendre 6+6 a
Sans demander, par ceque nous venons d’entendre. 6−6 a
55 Elle s’étonne avecdouceur et dit : « Prends tout 6+6 b
Si tu veux. »
Il prend toutet sort.
Un mauvais gt 6+6 b
Qui n’avait de pareilque sa désinvolture 6+6 a
Semblait pétrir le fondmême de sa nature, 6+6 a
Et dans ses moindres mots,dans ses moindres clins d’yeux, 6+6 b
60 Faisait luire et vibrercomme un charme odieux. 6+6 b
Ses cheveux noirs étaienttrop bouclés pour un homme 6+6 a
Ses yeux très grands, très verts,luisaient comme à Sodome. 6+6 a
Dans sa voix claire et lente,un serpent s’avançait, 6+6 b
Et sa tenue étaitde celles que l’on sait : 6+6 b
65 Du vernis, du velours,trop de linge, et des bagues. 6+6 a
D’antécédents, il enavait de vraiment vagues 6+6 a
Ou, pour mieux dire, pas.Il parut un beau soir, 6+6 b
L’autre hiver, à Paris,sans qu’aucun pût savoir 6+6 b
D’ venait ce petitmonsieur, fort bien du reste 6+6 a
70 Dans son genre et dans sonoutrecuidance leste. 6−6 a
Il fit rage, eut des duelscélèbres et causa 6+6 b
Des morts de femmes paramour dont on causa. 6−6 b
Comment il vint à boutde la chère comtesse, 6+6 a
Par quel philtre ce gnomeinsuffisant qui laisse 6+6 a
75 Une odeur de chevalet de femme après lui 6+6 b
A-t-il fait d’elle cette filled’aujourd’hui ? 8+4 b
Ah ! ça, c’est le secretperpétuel que berce 6+6 a
Le sang des dames dansson plus joli commerce, 6−6 a
A moins que ce ne soitcelui du DIABLE aussi. 6+6 b
80 Toujours est-il que quandle tour eut réussi 6+6 b
Ce fut du propre !
Absentsouvent trois jours sur quatre, 6+6 a
Il rentrait ivre, assezlâche et vil pour la battre, 6+6 a
Et quand il voulait bienrester près d’elle un peu, 6+6 b
Il la martyrisait,en matière de jeu, 6+6 b
85 Par étalage dedoctrines impossibles. 6−6 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
« Mia, je ne suis pasd’entre les irascibles, 6+6 a
« Je suis le douxpar excellence,mais tenez 4+4+4 b
« Ça m’exaspère, et jele dis à votre nez, 6−6 b
« Quand je vous vois l’œil blancet la lèvre pincée 6+6 a
90 « Avec je ne sais quoid’étroit dans la pensée 6+6 a
« Parce que je reviensun peu sl quelquefois. 6+6 b
« Vraiment, en seriez-vousà croire que je bois 6+6 b
« Pour boire, pour licher,comme vous autres chattes, 6+6 a
« Avec vos vins sucrésdans vos verres à pattes 6+6 a
95 « Et que l’Ivrogne est uneforme du Gourmand ? 6−6 b
« Alors l’instinct qui vousdit ça ment plaisamment 6−6 b
« Et d’y prêter l’oreilleun instant, quel dommage ! 6+6 a
« Dites, dans un bon Dieude bois est-ce l’image 6+6 a
« Que vous voyez et versqui vos vœux vont monter ? 6−6 b
100 « L’Eucharistie est-elleun pain à cacheter 6+6 b
« Pur et simple, et l’amantd’une femme, si j’ose 6+6 a
« Parler ainsi,consiste-t-ilen cette chose 4+4+4 a
« Unique d’un monsieurqui n’est pas son mari 6+6 b
« Et se voit de ce cheftout spécial chéri ! 6+6 b
105 « Ah ! si je bois, c’est pourme sler, non pour boire. 6−6 a
« Être sl, vous ne savez pasquelle victoire 8+4 a
« C’est qu’on remporte surla vie, et quel don c’est ! 6−6 b
« On oublie, on revoit,on ignore et l’on sait ; 6+6 b
« C’est des mystères pleinsd’apeus, c’est du rêve 6+6 a
110 « Qui n’a jamais eu denaissance et ne s’achève 6−6 a
« Pas, et ne se meut pasdans l’essence d’ici ; 6+6 b
« C’est une espèce d’autre vieen raccourci, 8+4 b
« Un espoir actuel,un regret qui « rapplique », 6+6 a
Que sais-je encore ? Et quantà la rumeur publique. 6+6 a
115 Au préjugé qui hueun homme dans ce cas, 6+6 b
C’est hideux, parce quebête, et je ne plains pas 6+6 b
Ceux ou celles qu’il batà travers son extase, 6+6 a
O que nenni !
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
« Voyons,l’amour, c’est une phrase 6+6 a
« Sous un mot, – avouez,un écoute-s’il-pleut, 6+6 b
120 « Un calembour dont unchacun prend ce qu’il veut, 6−6 b
« Un peu de plaisir fin,beaucoup de grosse joie 6+6 a
« Selon le plus ou moinsde moyens qu’il emploie, 6+6 a
« Ou, pour mieux dire, au gréde son tempérament, 6+6 b
« Mais, entre nous, le tempsqu’on y perd ! Et comment ! 6+6 b
125 « Vrai, c’est honteux que despersonnes sérieuses 6−6 a
« Comme nous deux, avecces vertus précieuses 6+6 a
« Que nous avons, du cœur,de l’esprit, – de l’argent, 6+6 b
« Dans un siècle que l’onpeut dire intelligent 6+6 b
« Aillent !… »
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Ainsi de suite,et sa fade ironie 6+6 a
130 N’épargnait rien de riendans sa blague infinie. 6+6 a
Elle écoutait le toutavec les yeux baissés 6+6 b
Des cœurs aimants à quitous torts sont effacés, 6+6 b
Hélas !
L’après-demainet le demain se passent. 6+6 a
Il rentre et dit : « Altro !Que voulez-vous que fassent 6+6 a
135 « Quatre pauvres petitsmillions contre un sort ? 6+6 b
« Ruinés, ruinés,je vous dis ! C’est la mort 6+6 b
« Dans l’âme que je vousle dis. »
Elle frissonne 6−6 a
Un peu, mais sait que c’estarrivé.
– « Ça, personne, 6+6 a
« Même vous, diletta,ne me croit assez sot 6+6 b
140 « Pour demeurer icidedans le temps d’un saut 6+6 b
« De puce. »
Elle pâlittrès fort et frémit presque, 6+6 a
Et dit : « Va, je sais tout.» – « Alors c’est trop grotesque 6+6 a
Et vous jouer là sansatouts avec le feu. » 6+6 b
– « Qui dit non ? » – « Mais JE SUISSPÉCIAL à ce jeu. » 6+6 b
145 – « Mais si je veux,exclame-t-elle,être damnée ? » 4+4+4 a
– « C’est différent, arrangeainsi ta destinée, 6+6 a
Moi je sors. » – « Avec moi !» – « Je ne puis aujourd’hui. » 6+6 b
Il a disparu sansautre trace de lui 6−6 b
Qu’une odeur de soufre etqu’un aigre éclat de rire. 6+6 a
Elle tire un petitcouteau.
150 Le temps de luire 6+6 a
Et la lame est entréeà deux lignes du cœur. 6+6 b
Le temps de dire,en renfonçantl’acier vainqueur ; 4+4+4 b
« A toi, je t’aime ! » et laJUSTICE la recense. 6−6 a
Elle ne savait pasque l’Enfer c’est l’absence. 6+6 a
mètre profil métrique : 6=6
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