Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
VER_6/VER263
Paul VERLAINE
JADIS ET NAGUÈRE
1884
NAGUÈRE
CRIMEN AMORIS
A Villiers de l’Isle-Adam.
Dans un palais, | soie et or, dans Ecbatane, 4+7 a
De beaux démons, | des satans adolescents, 4+7 b
Au son d’une musique mahométane 11 a
Font litière aux Sept Péchés | de leurs cinq sens. 7+4 b
5 C’est la fête aux Sept Péchés : | ô qu’elle est belle ! 7+4 a
Tous les Désirs | rayonnaient en feux brutaux ; 4+7 b
Les Appétits, | pages prompts que l’on harcèle, 4+7 a
Promenaient des | vins roses dans des cristaux. 4−7 b
Des danses sur | des rythmes d’épithalames 4−7 a
10 Bien doucement | se pâmaient en longs sanglots 4+7 b
Et de beaux chœurs | de voix d’hommes et de femmes 4+7 a
Se déroulaient, | palpitaient comme des flots, 4+7 b
Et la bonté | qui s’en allait de ces choses 4+7 a
Était puissante | et charmante tellement 4+7 b
15 Que la campagne | autour se fleurit de roses 4+7 a
Et que la nuit | paraissait en diamant. 4+7 b
Or le plus beau | d’entre tous ces mauvais anges 4+7 a
Avait seize ans | sous sa couronne de fleurs. 4+7 b
Les bras croisés | sur les colliers et les franges, 4+7 a
20 Il rêve, l’œil | plein de flammes et de pleurs. 4+7 b
En vain la fête | autour se faisait plus folle, 4+7 a
En vain les satans, ses frères | et ses sœurs, 7+4 b
Pour l’arracher | au souci qui le désole, 4+7 a
L’encourageaient | d’appels de bras caresseurs. 4+7 b
25 Il résistait | à toutes câlineries, 4+7 a
Et le chagrin | mettait un papillon noir 4+7 b
A son cher front | tout brûlant d’orfèvreries : 4+7 a
O l’immortel | et terrible désespoir ! 4+7 b
Il leur disait : | « O vous, laissez-moi tranquille ! 4+7 a
30 Puis, les ayant | baisés tous bien tendrement, 4+7 b
Il s’évada | d’avec eux d’un geste agile, 4+7 a
Leur laissant aux mains des pans | de vêtement. 7+4 b
Le voyez-vous | sur la tour la plus céleste 4+7 a
Du haut palais | avec une torche au poing ? 4+7 b
35 Il la brandit | comme un héros fait d’un ceste : 4+7 a
D’en bas on croit | que c’est une aube qui point. 4+7 b
Qu’est-ce qu’il dit | de sa voix profonde et tendre 4+7 a
Qui se marie | au claquement clair du feu 4+7 b
Et que la lune | est extatique d’entendre ? 4+7 a
40 « Oh ! je serai | celui-là qui créera Dieu ! 4+7 b
« Nous avons tous | trop souffert, anges et hommes, 4+7 a
« De ce conflit | entre le Pire et le Mieux. 4+7 b
« Humilions, | misérables que nous sommes, 4+7 a
« Tous nos élans | dans le plus simple des vœux, 4+7 b
45 « O vous tous, ô | nous tous, ô les pécheurs tristes, 4+7 a
« O les gais Saints ! | Pourquoi ce schisme têtu ? 4+7 b
« Que n’avons-nous | fait, en habiles artistes, 4+7 a
« De nos travaux | la seule et même vertu ! 4+7 b
« Assez et trop | de ces luttes trop égales ! 4+7 a
50 « Il va falloir | qu’enfin se rejoignent les 4+7 b
« Sept Péchés aux Trois Vertus | Théologales ! 7+4 a
« Assez et trop | de ces combats durs et laids ! 4+7 b
« Et pour réponse | à Jésus qui crut bien faire 4+7 a
« En maintenant | l’équilibre de ce duel, 4+7 b
55 « Par moi l’enfer | dont c’est ici le repaire 4+7 a
« Se sacrifie | à l’Amour universel ! » 4+7 b
La torche tombe de sa main éployée, 11 a
Et l’incendie | alors hurla s’élevant, 4+7 b
Querelle énorme d’aigles rouges noyée 11 a
60 Au remous noir | de la fumée et du vent. 4+7 b
L’or fond et coule | à flots et le marbre éclate ; 4+7 a
C’est un brasier | tout splendeur et tout ardeur ; 4+7 b
La soie en courts | frissons comme de l’ouate 4+7 a
Vole à flocons | tout ardeur et tout splendeur. 4+7 b
65 Et les satans | mourants chantaient dans les flammes 4+7 a
Ayant compris, | comme ils s'étaient résignés ! 4+7 b
Et de beaux chœurs | de voix d’hommes et de femmes 4+7 a
Montaient parmi | l’ouragan des bruits ignés. 4+7 b
Et lui, les bras | croisés d’une sorte fière, 4+7 a
70 Les yeux au ciel | où le feu monte en léchant, 4+7 b
Il fit tout bas | une espèce de prière 4+7 a
Qui va mourir | dans l’allégresse du chant. 4+7 b
Il dit tout bas | une espèce de prière, 4+7 a
Les yeux au ciel | où le feu monte en léchant… 4+7 b
75 Quand retentit | un affreux coup de tonnerre, 4+7 a
Et c’est la fin | de l’allégresse et du chant. 4+7 b
On n’avait pas | agréé le sacrifice : 4+7 a
Quelqu’un de fort | et de juste assurément 4+7 b
Sans peine avait | su démêler la malice 4+7 a
80 Et l’artifice | en un orgueil qui se ment. 4+7 b
Et du palais | aux cent tours aucun vestige, 4+7 a
Rien ne resta | dans ce désastre inouï, 4+7 b
Afin que par | le plus effrayant prodige 4−7 a
Ceci ne fût | qu’un vain rêve évanoui… 4+7 b
85 Et c’est la nuit, | la nuit bleue aux mille étoiles ; 4+7 a
Une campagne | évangélique s’étend 4+7 b
Sévère et douce, | et, vagues comme des voiles, 4+7 a
Les branches d’arbre | ont l’air d’ailes s’agitant. 4+7 b
De froids ruisseaux | courent sur un lit de pierre ; 4+7 a
90 Les doux hiboux | nagent vaguement dans l’air 4+7 b
Tout embaumé | de mystère et de prière ; 4+7 a
Parfois un flot | qui saute lance un éclair. 4+7 b
La forme molle | au loin monte des collines 4+7 a
Comme un amour | encore mal défini, 4+7 b
95 Et le brouillard | qui s’essore des ravines 4+7 a
Semble un effort | vers quelque but réuni. 4+7 b
Et tout cela | comme un cœur et comme une âme, 4+7 a
Et comme un verbe, | et d’un amour virginal 4+7 b
Adore, s’ouvre | en une extase et réclame 4+7 a
100 Le Dieu clément | qui nous gardera du mal. 4+7 b
mètre profil métrique : 4÷7
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