Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
VER_5/VER207
Paul VERLAINE
SAGESSE
1881
III
XX
Parisien, mon frère à jamais étonné, 6+6 a
Montons sur la colline où le soleil est né 6+6 a
Si glorieux qu’il fait comprendre l’idolâtre, 6+6 b
Sous cette perspective inconnue au théâtre, 6+6 b
5 D’arbres au vent et de poussière d’ombre et d’or. 6−6 a
Montons. Il est si frais encor, montons encor. 6+6 a
Là ! nous voilà placés comme dans une «loge 6+6 b
De face», et le décor vraiment tire un éloge. 6+6 b
La cathédrale énorme et le beffroi sans fin, 6+6 a
10 Ces toits de tuile sous ces verdures, le vain 6−6 a
Appareil des remparts pompeux et grands quand même, 6+6 b
Ces clochers, cette tour, ces autres, sur l’or blême 6+6 b
Des nuages à l’ouest réverbérant l’or dur 6+6 a
De derrière chez nous, tous ces lourds joyaux sur 6+6 a
15 Ces ouates, n’est-ce pas, l’écrin vaut le voyage, 6+6 b
Et c’est ce qu’on peut dire un brin de paysage ? 6+6 b
– Mais descendons, si ce n’est pas trop abuser 6−6 a
De vos pieds las, à fin seule de reposer 6+6 a
Vos yeux qui n’ont jamais rien vu que de Montmartre, 6+6 b
20 – « Campagne » vert de plaie et ville blanc de dartre 6+6 b
(Et les sombres parfums qui grimpent de Pantin !) – 6+6 a
Donc, par ce lent sentier de rosée et de thym, 6+6 a
Cheminons vers la ville au long de la rivière, 6+6 b
Sous les frais peupliers, dans la fine lumière. 6+6 b
25 L’une des portes ouvre une rue, entrons-y. 6+6 a
Aussi bien, c’est le point qu’il faut, l’endroit choisi : 6+6 a
Si blanches, les maisons anciennes, si bien faites, 6+6 b
Point hautes, ça et là des bronches sur leurs faîtes, 6+6 b
Si doux et sinueux le cours de ces maisons, 6+6 a
30 Comme un ruisseau parmi de vagues frondaisons, 6+6 a
Profilant la lumière et l’ombre en broderies 6+6 b
Au lieu du long ennui de vos haussmanneries, 6+6 b
Et si gentil l’accent qui confine au patois 6+6 a
De ces passants naïfs avec leurs yeux matois !… 6+6 a
35 Des places ivres d’air et de cris d’hirondelles 6+6 b
Où l’histoire proteste en formules fidèles 6+6 b
A la crête des toits comme au fer des balcons, 6+6 a
Des portes ne tournant qu’à regret sur leurs gonds, 6+6 a
Jalouses de garder l’honneur et la famille 6+6 b
40 Ici tout vit et meurt calme, rien ne fourmille, 6+6 b
Le « Théâtre » fait four, et ce dieu des brouillons. 6+6 a
Le « Journal » n’en est plus à compter ses bouillons, 6+6 a
L’amour même prétend conserver ses noblesses 6+6 b
Et le vice se gobe en de rares drôlesses. 6+6 b
45 Enfin rien de Paris, mon frère « dans nos murs». 6+6 a
Que les modes… d’hier, et que les fruits bien mûrs 6+6 a
De ce fameux progrès que vous mangez en herbe. 6+6 b
Du reste on vit à l’aise. Une chère superbe, 6+6 b
La raison raisonnable et l’esprit des aïeux, 6+6 a
50 Beaucoup de sain travail, quelques loisirs joyeux, 6+6 a
Et ce besoin d’avoir peur de la grande route ! 6+6 b
Avouez, la province est bonne, somme toute, 6+6 b
Et vous regrettez moins que tantôt la « splendeur » 6+6 a
Du vieux monstre, et son pouls fébrile, et cette odeur ! 6+6 a
mètre profil métrique : 6−6
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