Métrique en Ligne
VER_5/VER154
Paul VERLAINE
SAGESSE
1881
I
II
J’avais peiné comme Sisyphe 8 a
Et comme Hercule travaillé 8 b
Contre la chair qui se rebiffe. 8 a
J’avais lutté, j’avais bâillé 8 b
5 Des coups à trancher des montagnes, 8 c
Et comme Achille ferraillé. 8 b
Farouche ami qui m’accompagnes, 8 c
Tu le sais, courage païen, 8 a
Si nous en fîmes des campagnes. 8 c
10 Si nous n’avons négligé rien 8 a
Dans cette guerre exténuante, 8 b
Si nous avons travaillé bien ! 8 a
Le tout en vain : l’âpre géante 8 b
A mon effort de tout côté 8 c
15 Opposait sa ruse ambiante. 8 b
Et toujours un lâche abrité 8 c
Dans mes conseils qu’il environne 8 a
Livrait les clés de la cité. 8 c
Que ma chance fût mâle ou bonne, 8 a
20 Toujours un parti de mon cœur 8 b
Ouvrait sa porte à la Gorgone. 8 a
Toujours l’ennemi suborneur 8 b
Savait envelopper d’un piège 8 c
Même la victoire et l’honneur ! 8 b
25 J’étais le vaincu qu’on assiège, 8 c
Prêt à vendre son sang bien cher, 8 a
Quand, blanche en vêtement de neige 8 c
Toute belle au front humble et fier, 8 a
Une dame vint sur la nue, 8 b
30 Qui d’un signe fit fuir la Chair. 8 a
Dans une tempête inconnue 8 b
De rage et de cris inhumains, 8 c
Et déchirant sa gorge nue, 8 b
Le Monstre reprit ses chemins 8 c
35 Par les bois pleins d’amours affreuses, 8 a
Et la dame, joignant les mains : 8 c
– « Mon pauvre combattant qui creuses, 8 a
Dit-elle, ce dilemme en vain, 8 b
Trêve aux victoires malheureuses ! 8 a
40 « Il t’arrive un secours divin 8 b
Dont je suis sûre messagère 8 c
Pour ton salut, possible enfin ! » 8 b
– « O ma Dame dont la voix chère 8 c
Encourage un blessé jaloux 8 a
45 De voir finir l’atroce guerre, 8 c
« Vous qui parlez d’un ton si doux 8 a
En m’annonçant de bonnes choses, 8 b
Ma Dame, qui donc êtes-vous ? » 8 a
– « J’étais née avant toutes causes 8 b
50 Et je verrai la fin de tous 8 c
Les effets, étoiles et roses. 8 b
« En même temps, bonne, sur vous, 8 c
Hommes faibles et pauvres femmes, 8 a
Je pleure et je vous trouve fous ! 8 c
55 « Je pleure sur vos tristes âmes, 8 a
J’ai l’amour d’elles, j’ai la peur 8 b
D’elles, et de leurs vœux infâmes ! 8 a
« O ceci n’est pas le bonheur. 8 b
Veillez, Quelqu’un l’a dit que j’aime, 8 c
60 Veillez, crainte du Suborneur, 8 b
« Veillez, crainte du Jour suprême ! 8 c
Qui je suis ? me demandais-tu. 8 a
Mon nom courbe les anges même, 8 c
« Je suis le cœur de la vertu, 8 a
65 Je suis l’âme de la sagesse, 8 b
Mon nom brûle l’Enfer têtu, 8 a
« Je suis la douceur qui redresse, 8 b
J’aime tous et n’accuse aucun, 8 c
Mon nom, seul, se nomme promesse 8 b
70 « Je suis l’unique hôte opportun, 8 c
Je parle au Roi le vrai langage 8 a
Du matin rose et du soir brun, 8 c
« Je suis la PRIÈRE, et mon gage 8 a
C’est ton vice en déroute au loin ; 8 b
75 Ma condition : « Toi, sois sage. » 8 a
– « Oui, ma Dame, et soyez témoin ! » 8 b
mètre profil métrique : 8
forme globale type : terza rima classique
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