Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
VER_20/VER15
Paul VERLAINE
PREMIERS VERS
1858-1869
ŒUVRES EN COLLABORATION
QUI VEUT DES MERVEILLES ?
REVUE DE L'ANNÉE 1867
PAR PAUL VERLAINE ET FRANÇOIS COPPÉE
PROLOGUE
LE HANNETON DANS UN VAGUE PAYSAGE
Précieux abonnés, | aimables acheteurs 6+6 a
Au numéro, deux très | spirituels auteurs 6+6 a
Vous offrent le fruit de leurs veilles, 8 b
S'étant promis, afin | de vous voir égayés, 6+6 c
5 D'imiter ces fusils | récemment essayés : 6+6 c
Et de faire aussi des merveilles. 8 b
Donc, sans ordre et donnant | au diable les vieux us ; 6+6 a
Ils vont vous faire avec | ces rimes de Crésus 6+6 a
Dont maint Legouvé s'exaspère, 8 b
10 Le tableau de l'an mil | huit cent soixante-sept, 6+6 c
Sans marcheuses offrant | la fleur de leur corset, 6+6 c
Sans trucs vieillis et sans compère. 8 b
Au rideau ! Voici les | trois coups du régisseur. 6−6 a
Ne demandez pas des | nouvelles de leur sœur 6−6 a
15 À leurs scènes sans buts ni suites. 8 b
Les auteurs sont émus ; | car c'est leur premier pas, 6+6 c
Mesdames et messieurs, | ne les accablez pas 6+6 c
D'un déluge de pommes cuites. 8 b
SCÈNE I
L'INTÉRIEUR D'UN WAGON DE TRAIN DE PLAISIR LANCÉ À TOUTE VAPEUR
LE COMMIS-VOYAGEUR,
à un père de famille.
Vous venez à Paris | pour voir le Champ-de-Mars ? 6+6 a
LE PÈRE DE FAMILLE
… De Condé-sur-Noireau, | Monsieur.
LE COMMIS-VOYAGEUR
20 Les cauchemars 6+6 a
Causés par les courriers | que signe Biéville 6+6 b
Sont moins affreux que les | dangers de la grand'ville, 6−6 b
— Le saviez-vous ?
LE PÈRE DE FAMILLE
Mon bon | monsieur, éclairez-nous. 6+6 a
Regardez. Ma famille | embrasse vos genoux. 6+6 a
LE COMMIS-VOYAGEUR
25 Homme des champs ! il faut | tout d'abord que je sache 6+6 b
Quels roubles, quels louis, | quels écus à la vache, 6+6 b
Quel ventre de cagnotte | ancienne, quel trésor 6+6 a
D'émigré qui dans sa | paillasse mit son or, 6−6 a
Quels dollars d'Amérique | et quels doublons d'Espagne, 6+6 b
30 Vous avez pris avant | de vous mettre en campagne ? 6+6 b
LE PÈRE DE FAMILLE
Nous avons cinq cents francs | pour quatre.
LE COMMIS-VOYAGEUR
Homme des champs, 6+6 a
Votre famille et vous, | vous êtes très touchants, 6+6 a
Et, rien qu'en prévoyant | votre sort, je sanglote. 6+6 b
Universel, | cosmopolite | et polyglotte, 4+4+4 b
35 Paris est maintenant | un nouveau paradis 6+6 a
Où se paye un louis | la botte de radis. 6+6 a
Votre gousset, chez les | gargotiers où l'on dîne, 6−6 b
Sera nettoyé dès | la première sardine. 6−6 b
Quant aux chambres d'hôtel, | on ne peut y songer 6+6 a
40 Qu'en s'ornant le patron | d'un ruban étranger. 6+6 a
Les nouveaux omnibus | prennent trois francs la course, 6+6 b
Honte ! et les strapontins | sont cotés à la Bourse, 6+6 b
Croyez-moi. Retournez | vers les bords plus cléments 6+6 a
Du Noireau.
LE PÈRE DE FAMILLE
Renoncer | aux embellissements 6+6 a
45 De Paris, aux splendeurs | des époques modernes ! 6+6 b
Nous mendierons la soupe | aux portes des casernes, 6+6 b
Monsieur, et nous irons | coucher dans les plâtras. 6+6 a
LA MÈRE DE FAMILLE
Mais…
LE PÈRE DE FAMILLE
Pas un mot de plus, | ma femme.
(La locomotive qui saute.)
Patatras !!! 6+6 a
Accident de chemin de fer. — Horribles détails.
QUELQUES VOYAGEURS EN COMPOTE
— Mon pied ! — Mon cubitus ! | — Mon oreille ! — Mon né ! 6+6 b
— Ma cuisse ! — Mon tendon | d'Achille !
LE PÈRE DE FAMILLE
50 Heureux qui, né 6+6 b
Dans un humble hameau | n'en quitte point l'asile ! 6+6 a
UNE JEUNE PERSONNE
Ah ! maman ! J'ai mal à | la…
LA MAMAN
Taisez-vous, Lucile ! 6−6 a
La fumée des wagons incendiés voile cette scène d'horreur et le machiniste du Hanneton profite de la circonstance pour changer le décor.
SCÈNE II
Une petite dame poursuit un fiacre et supplie le cocher qui fouette ses chevaux en sifflant l'air : Comme des perles, les étoiles …
LA PETITE DAME
Cocher, cocher, cocher ! |
LE COCHER
Mon œil !
LA PETITE DAME
Joli cocher, 6+6 b
Cent sous pour vous !
LE COCHER
Du flanc ! |
LA PETITE DAME
Ne peut-on vous toucher ? 6+6 b
N'avez-vous pas de cœur ? |
LE COCHER,
très spirituel.
55 Non. J'ai la quinte à trèfles. 6+6 a
LA PETITE DAME
Puisque je ne vais pas | au Champ-de-Mars !
LE COCHER
Des nèfles ! 6+6 a
LA PETITE DAME
Cocher ! gros chien chéri ! | vers toi je tends les bras, 6+6 b
Et je te donnerai | tout ce que tu voudras. 6+6 b
Arrête ! gracieux | cocher ! — Pas de réponse ! 6+6 a
60 Je ne serai jamais | à l'heure chez Alphonse. 6+6 a
— Arrête ! et si je pus | te déplaire, pardon ! 6+6 b
Hélas ! ayez pitié ! | mon bel automédon ! 6+6 b
Car je suis à vos pieds. | — Je ne suis qu'une femme, 6+6 a
Mais je puis te donner | mon amour et mon âme ! 6+6 a
65 Conduis-moi seulement, | et demain viens me voir 6+6 b
Chez moi, dans la journée ; | et pour te recevoir, 6+6 b
Mon ami, je mettrai | des peignoirs de batiste 6+6 a
Et tu seras traité, | vois-tu, comme un artiste. 6+6 a
Aujourd'hui, conduis-moi, | j'ai beaucoup de chemin 6+6 b
70 À faire. Conduis-moi : | tu m'aimeras demain. 6+6 b
LE COCHER,
descendu de son siège.
Allons ! Je le veux bien ! | Mais puisque tu m'adores, 6+6 a
Montons dans le sapin ; | j'en vais baisser les stores. 6+6 a
À cette mise en demeure, la petite dame tombe
inanimée sur le macadam. — Changement de décor.
SCÈNE III
LA NACELLE DU BALLON CAPTIF DE L'EXPOSITION
PREMIER PRUDHOMME
Ah ! que l'homme est petit | alors qu'on le contemple 6+6 b
De si haut !
SECOND PRUDHOMME
Et lui-même | est-il petit, ce temple 6+6 b
75 Qui sert de rendez-vous | à mainte nation ! 6+6 a
Ici le câble du ballon se casse. L'aérostat disparaît dans les airs. Il faudrait Henri Monnier pour dépeindre l'effroi des deux Prudhommes ci-dessus : c'est pourquoi nous y renonçons, bien qu'avec peine.
Le décor change.
SCÈNE IV
L'EXPOSITION PROPREMENT DITE
UN ANGLAIS
Aoh ! yes, je venais | voir l'Exhibition 6+6 a
Et je voulais savoir | comment on s'y comporte 6+6 b
Pour n'être pas flanqué | dans le sein de la porte. 6+6 b
GAVROCHE
Si ce n'est que cela | qui vous gêne, je puis 6+6 a
80 Dire à la Vérité | de sortir de son puits. 6+6 a
Il déclame sur un rythme de Ronsard :
Cherchons d'abord un mètre, 6 a
Pour dire, ô Gazomètre, 6 a
L'étonnante splendeur 6 b
De ta hideur. 4 b
85 Où trouver des fanfares 6 a
Pour vanter tes deux phares 6 a
Éclairant sur les quais 6 b
Les tourniquets. 4 b
Quels fifres, quels trombones 6 a
90 Diront combien sont bonnes 6 a
Les œuvres d'art en zinc 6 b
Du groupe cinq, 4 b
Et combien est utile 6 a
À l'humain projectile 6 a
95 L'inodore décent 6 b
Du groupe cent ? 4 b
Il continuerait probablement très longtemps sur ce ton ultra-lyrique, si l'Anglais, moins curieux de la poésie française que des choses pratiques, ne l'interrompait à la quatrième strophe pour lui dire :
Je n'aimais pas du tout | ce bizarre façonne 6+6 b
D'exprimer vous ; parlez | un langage plus bonne, 6+6 b
Et dites-moi d'abord | ce que c'étaient que ces 6+6 a
100 Créatioures, et comme | on les nomme en français. 6+6 a
GAVROCHE
Biches, à votre choix, | mylord, crevettes, grues, 6+6 b
Trumeaux, cocottes ou | cocodettes. Les rues 6+6 b
Savent leur âge et les | omnibus ont avec 6−6 a
Elles plus d'un rapport. | — Total : cent sous. — Prix sec. 6+6 a
L'ANGLAIS,
rougissant.
(Se ravisant :)
Aoh ! shoking ! —
105 Je voulais | rigoler avec cette 6+6 b
Petite cocodette | ou cocotte ou crevette. 6+6 b
Ou grue ou biche qui | porte des suivez-moi 6+6 a
Jeune homme si longs.
Gavroche lui fait dans le tuyau de l'oreille des révélations énormes, touchant la personne en question.
L'ANGLAIS,
ponceau.
Aoh ! | alors je tiens moi coi ! 6+6 a
Gavroche qui tient à placer son rythme de Ronsard, profite de la surprise douloureuse de l'insulaire pour s'écrier :
Mais Sallot nous réclame, 6 a
110 Qui d'un revers de lame 6 a
Guérit les maux de dents 6 b
Les plus ardents. 4 b
Vers les lieux qu'il habite 6 a
Vole et se précipite 6 a
115 Un amas furieux 6 b
De curieux, 4 b
Dont l'Anglican profite, 6 a
Glissant au néophyte 6 a
Doucement dans la main 6 b
120 Son parchemin !… 4 b
Un peu soulagé, Gavroche s'arrête et regarde le fils d'Albion qui paraît en proie à d'étranges pensers. Il jette autour de lui des regards anxieux, son corps, par une expressive pantomime, a bientôt révélé à l'esprit subtil de Gavroche ses inexprimables besoins.
GAVROCHE
Ma vieille ! j'ai compris — | là-bas, sous la verdure, 6+6 b
Sont deux dames dont l'une | est jeune et l'autre mûre ; 6+6 b
Gardiennes d'un noir | dépôt, qui voudront bien, 6+6 a
Moyennant des égards | nombreux, ô mon gros chien, 6+6 a
125 Et deux ou trois louis | t'ouvrir de sombres portes 6+6 b
Et t'offrir du papier | couleur des feuilles mortes. 6+6 b
Et quant aux appareils, | je déclare immortels 6+6 a
Leurs inventeurs, car ils | sont merveilleux, et tels — 6−6 a
Je ne t'en ferai pas | plus longtemps un mystère — 6+6 b
130 Qu'ils n'en ont pas, qu'ils n'en | ont pas dans l'Angleterre ! 6+6 b
L'Anglais file vers les lieux désignés. Gavroche va ouvrir quelques portières. — Le décor change.
SCÈNE V
AU THÉÂTRE FRANÇAIS. — LA PREMIÈRE D' « HERNANI »
TOUS LES SPECTATEURS, MOINS UN
Bravo ! bravo ! bravo ! | bravo ! bravo ! bravo ! 6+6 a
UN VIEUX REFROIDI,
(qui voudrait bien tirer sa clef de sa poche,
mais n'ose, de crainte qu'on ne la lui fasse avaler.)
De mon temps on faisait | des fables. — Ce nouveau 6+6 a
Public n'a pas le sens | délicat. — Monsieur Luce 6+6 b
De Lancival, le seul | poète que je lusse 6+6 b
135 Et que lussent les gens | doctes d'alors, était 6+6 a
Un fier esprit que son | époque reflétait. 6−6 a
Belle époque ! L'abbé | Delille, un romantique 6+6 b
Pourtant déjà, tenait | la grande lyre antique 6+6 b
Et Parny célébrait | les belles et les ris ! 6+6 a
140 Le bon goût régentait | la province et Paris ; 6+6 a
L'Odéon jouait ma | Suite à la Thébaïde 6−6 b
De Racine !… ô le temps | passé ! —
DELAUNAY,
sur la scène.
Vieillard stupide ! 6+6 b
Le décor change.
SCÈNE VI
CHEZ MADEMOISELLE HORTENSIA, ACTRICE DE GENRE CÉLÈBRE
Un très riche appartement : portraits d'hommes aux types aussi accentués que dissemblables, en costumes éclatants ; deux immenses cornes de bœuf, dorées du reste, se dressent des deux côtés de la cheminée qui fait face au spectateur — symboles d'hymens successivement nombreux en même temps que préservatifs efficaces contre quelque jettatura ambiante : sur une table de marqueterie est entr'ouvert un coffret plein de bijoux.
JUDAS GUGENHEIM,
revendeur, continuant une conversation commencée.
Pas un maravédis | de plus, en vérité ! 6+6 a
HORTENSIA,
somptueux déshabillé.
Pourtant…
GUGENHEIM,
sordide.
Pas un de plus, | j'ai dit.
HORTENSIA
Quel entêté 6+6 a
Vous faites ! Des bijoux | exotiques…
GUGENHEIM
145 Quand même 6+6 b
Ils seraient Kurdes, j'ai | donné mon prix suprême. 6+6 b
Oui. Non. Réfléchissez, | il en est temps encor. 6+6 a
(Désignant les bijoux d'un doigt méprisant.)
D'ailleurs, toc, galvanoplastie | et similor ! 8+4 a
HORTENSIA,
indignée.
Du toc ! — Un bracelet | donné par mon monarque 6+6 b
150 Abyssin, mon beau nègre | aimé ! — Du toc ! — La marque 6+6 b
Du contrôle est visible, | et quant au diamant, 6+6 a
S'il est faux je veux bien | vous prendre pour amant 6+6 a
De cœur. — Du similor ! | Veuillez moins me la faire 6+6 b
A l'oseille : un collier | qui me parvint du Caire 6+6 b
155 Un mois avant l'auguste | arrivée et l'amour 6+6 a
Suave du plus fort | des Turcs ! Voyez ! le jour 6+6 a
Pénètre, allume et fait | flamboyer les topazes 6+6 b
Et métamorphose en | éclairs les chrysoprases ! 6+6 b
J'en passe, et des meilleurs. | — C'est de la galvano- 6+6 a
160 Plastie, hein ? ce camée, | offre d'un Hispano- 6+6 a
Américain qui m'a | su plaire, le pauvre ange ! 6+6 b
Et ce nœud de rubis | plus vaste qu'une orange 6+6 b
Toc, peut-être ? — Il me vient — | tais-toi, mon cœur, tais-toi ! — 6+6 a
De l'Empereur Machin | Quatorze, — non du Roi 6+6 a
165 Balandard Cinq, ce vieux | si simple en sa toilette 6+6 b
Et qui se contentait | d'une pure omelette 6+6 b
À déjeuner. — De quoi | parlais-je ? — Ah bien, j'y suis. 6+6 a
Voyons, mon cher monsieur | Gugenheim, vingt louis 6+6 a
De plus ?
GUGENHEIM,
brusquement.
Soit, au comptant, | et vingt pour cent d'escompte. 6+6 b
HORTENSIA,
extatique.
Tope-là, vieux voleur ! |
Gugenheim met les bijoux dans ses poches ; paye lentement et minutiemement, se fait délivrer un reçu, salue et sort. — Entre un crevé.
HORTENSIA,
minaudant.
170 Bonjour, monsieur le comte. 6+6 b
Le décor change.
SCÈNE VII
À L'ACADÉMIE FRANCAISE
LE RÉCIPIENDAIRE,
homme jeune encore.
Messieurs, si j'ose ainsi | m'exprimer, la faveur 6+6 a
Immense dont je suis… |
UNE DAME
Il a l'air d'un coiffeur ! 6+6 a
LE RÉCIPIENDAIRE
… L'objet de votre part | m'embarrasse, mais elle 6+6 b
N'a rien d'étonnant pour | qui connaît votre zèle 6−6 b
175 Alors qu'il faut choisir | afin d'admettre dans 6+6 a
Cette enceinte, non pas | des rêveurs imprudents 6+6 a
Qui, tout en possédant | et l'esprit et le style, 6+6 b
Sucèrent le venin | que ce siècle distille, 6+6 b
Mais au contraire des | écrivains sérieux, 6−6 a
180 Délicats, pondérés, | toujours plus curieux 6+6 a
Du suffrage…
(à ses collègues)
… des gens | de goût,
(à l'auditoire)
des gens du monde, 6+6 b
Comme il en reste peu | sur la machine ronde, 6+6 b
Si cette expression | du fabuliste peut 6+6 a
M'être permise à moi, | prosateur…
M. VIENNET
Il m'émeut 6+6 a
185 Beaucoup, et je suis très | inquiet de voir comme, 6+6 b
Sortira du pétrin | le malheureux jeune homme. 6+6 b
LE RÉCIPIENDAIRE
Et messieurs, puis-je même | aspirer à ce nom 6+6 a
Pour quelque humble brochure | orléaniste ? Non, 6+6 a
Certes, et je sais bien | que je suis peu de chose ; 6+6 b
190 Mais mes intentions | sont pures, et, si j'ose… 6+6 b
Ici un de nos anciens généraux d'Afrique, endormi depuis le commencement de la séance, tombe bruyamment par terre, et cet accident suspend un moment le discours qui sera repris tout à l'heure et se terminera au milieu des applaudissements discrets de l'illustre aréopage.
Le décor change.
SCÈNE VIII
LA TERRASSE DU CAFÉ DE SUÈDE À CINQ HEURES DU SOIR
GARÇONS DE CAFÉ,
courant en tous sens.
Un bitter pavillon ! | — Baoumm ! — Versez frontière ! 6+6 a
Le Hanneton ? Il est | en mains.
PREMIER ÉCHOTIER
Une portière… 6+6 a
PREMIER JOUEUR DE DOMINOS
As partout.
DEUXIÈME JOUEUR DE DOMINOS
As et six. |
PREMIER JOUEUR DE DOMINOS
Je boude.
DEUXIÈME JOUEUR DE DOMINOS
Double-six ! 6+6 b
DEUXIÈME ÉCHOTIER
Ah ! mon mot de la fin | est coupé par Francis 6+6 b
195 Magnard ; mais, pour ne pas | me faire de réclame, 6+6 a
Il a soin de ne pas | citer mon nom, l'infâme 6+6 a
Coupeur, qui n'a pas fait | le Dernier Mohican. 6+6 b
GUSTAVE AIMARD
Présent !
ALPHONSE DUCHESNE
La loi Tinguy | n'est pas bonne…
PREMIER ÉCHOTIER
Un cancan … 6+6 b
UN DÎNEUR
Comment faire ce soir | pour me garnir la panse ? 6+6 a
UNE DANSEUSE,
qui en est à sa troisième consommation.
200 Hélas ! et nul crevé | pour payer la dépense ! 6+6 a
UN JEUNE HOMME,
à un de ses amis.
Colcassé se battit | hier avec Vestoncourt 6+6 b
Au premier sang pour Cou |-de-Marbre…
PREMIER ÉCHOTIER
Le bruit court… 6−6 b
PREMIER VAUDEVILLISTE
J'ai le titre : Le Gendre | aux Nénuphars. La scène 6+6 a
Est à Bondy…
M. CLAIRVILLE
Présent ! |
DEUXIÈME VAUDEVILLISTE
Oui, pas mal. C'est obscène. 6+6 a
205 Parlons-en à Koning … | — Et rien pour les genoux 6+6 b
De l'orchestre ?
PREMIER VAUDEVILLISTE
On verra… | DelvaL… — La faisons-nous ? 6+6 b
LE CHŒUR
Tiens ! Le Guillois !
LE GUILLOIS
Je fonde | un journal : L'Écrevisse 6+6 a
Dans la Tourte.
LE CHŒUR
Excellent ! |
UN HOMME DE LETTRES
A-t-il assez de vice ? 6+6 a
LE GUILLOIS
Charges par Penoutet. | — C'est pour demain matin. 6+6 b
QUEQU'UN
La prime ?
LE GUILLOIS
Une noisette | à surprise.
PREMIER ÉCHOTIER
210 Un potin… 6+6 b
Le décor change.
SCÈNE IX
À L'ARÈNE ATHLÉTIQUE
LE RÉGISSEUR,
annonçant.
Monsieur Polyte, dit | la Colonne impollue 6+6 a
Contre Larfaillou, l'homme | à l'aisselle velue. 6+6 a
Les deux lutteurs s'empoignent.
UNE DAME SERIEUSE
Ce torse me rappelle | un homme que j'aimais, 6+6 b
Ce torse tatoué | d'un tendre emblème ! — Mais, 6+6 b
215 Si forts qu'ils soient tous deux, | j'en sais un qui les tombe. 6+6 a
UN NAÏF
Tiens, ce caleçon porte | écrit : Gare la bombe ! 6+6 a
Les lutteurs redoublent d'efforts.
UNE DAME MOINS SÉRIEUSE QUE LA PRÉCÉDENTE
S'ils portaient aussi bien | que Dumaine le frac, 6+6 b
Ce serait un bonheur | inexprimable…
UN CALEÇON,
se déchirant.
Crac !!! 6+6 b
La toile tombe avec un louable à-propos.
SCÈNE X
L'ANTRE D'UN CRITIQUE
M. Francisque Sarcey, vêtu de pantoufles et d'un coin de feu et assis devant un harmonium Alexandre et Cie, laisse errer ses doigts sur cet instrument et improvise l'élégie suivante :
Puisque dans le théâtre 6 a
220 Le plus français 4 b
Got n'est plus idolâtre 6 a
Du Dieu succès, 4 b
Qu'il va jouer le drame 6 a
À l'Ambigu, 4 b
225 Ce qui cause à mon âme 6 a
Un mal aigu ; 4 b
Puisque, malgré son zèle 6 a
Et ses appas, 4 b
La pauvre demoiselle 6 a
230 Royer n'est pas 4 b
Assez portée aux nues 6 a
Tous les lundis, 4 b
Puisque des femmes nues, 6 a
Que je maudis, 4 b
235 Au sein du Ministère 6 a
Vont bafouer 4 b
Cette sociétaire 6 a
Qu'il faut louer ; 4 b
Puisque Augier s'exile, 6 a
240 Puisque Hernani, 4 b
Ce bandit imbécile, 6 a
N'a pas fini 4 b
De souffler, pitre obscène, 6 a
Dans son vieux cor 4 b
245 Sur la première scène 6 a
Qui soit encor ; 4 b
Puisque l'Alsace ingrate 6 a
N'a pas porté 4 b
About, ce démocrate, 6 a
250 Pour député, 4 b
Semblable aux fleurs vermeilles 6 a
Qu'on voit pâlir, 4 b
Je vais dans mes oreilles 6 a
M'ensevelir ! 4 b
Il s'y ensevelit en effet.
Le décor change.
SCÈNE XI
L'ADMINISTRATION DU CHEMIN DE FER DE MÉRY-SUR-OISE
Le bureau des convois à la gare. — Un employé en casquette galonnée de larmes et de sabliers d'argent cause avec un monsieur en grand deuil.
L'EMPLOYÉ,
faisant l'article.
255 Nous avons pour conduire | aux sépultures neuves 6+6 a
Un grand choix de wagons : | — violets pour les veuves 6+6 a
ui suivent leurs maris — | et blancs pour ceux qu'abat 6+6 b
La mégère Atropos | pendant le célibat ; 6+6 b
— Puis, entre nous, car il | se peut qu'on en médise, 6−6 a
260 Pour les pauvres, nos vieux | haquets de marchandise. 6+6 a
Mais chez nous il n'est pas | une chose qu'on n'ait 6+6 b
En payant bien ; et s'il | s'agit d'un gros bonnet 6+6 b
Et qui sera suivi | par d'illustres ganaches, 6+6 a
Nous avons des wagons | superbes, à panaches, 6+6 a
265 Commodes, ventilés | et ne manquant de rien, 6+6 b
Avec des boules d'eau | chaude, où l'on est fort bien 6+6 b
Quand on veut jouir des | beautés du paysage. 6−6 a
— Voici les règlements | et les tarifs d'usage. 6+6 a
Voyez ; il sera fait | selon votre désir. 6+6 b
LE MONSIEUR
Veuf d'aujourd'hui…
L'EMPLOYÉ,
obséquieux.
270 Monsieur | veut un train de plaisir ? 6+6 b
Le décor change.
ÉPILOGUE
Le Paris de 1868 dans une apothéose à l'éclairage électrique. — Boulevards immenses et rayonnant en tous sens. — Casernes superbes. — Arbres emmaillotés à faux cols de zinc. — Innombrables établissements de photographie.
LES SERGENTS DE VILLE
De l'ordre gardiens taciturnes 8 a
Non moins que des chaises Tronchons, 8 b
Dans le sein du bloc nous fichons 8 b
Les tapageurs nocturnes. 6 a
LES FINANCIERS
275 Aux lieux qu'il faut qu'on sous-entende 8 a
Notre papier fait ce qu'il sied 8 b
Tandis que nous levons le pied 8 b
Avec le dividende. 6 a
LES PETITS CREVÉS ET LES PETITES CREVETTES
Nos vestons courts jusques aux nuques 8 a
280 Nous donnent un galbe parfait, 8 b
Et nos chignons font leur effet 8 b
Même sur les eunuques. 6 a
LES BOULEVARDIERS
Forts de notre mission sainte, 8 a
Nous sommes amis de Carjat, 8 b
285 Et Pelloquet plus que l'orgeat 8 b
Trempe dans notre absinthe. 6 a
LES AISSAOUAS
Les tas d'ordures, les sentines 8 a
N'ont rien qui nous puisse écœurer, 8 b
Mais nous ne saurions digérer, 8 b
290 Ô Veuillot, tes tartines. 6 a
TOUS
Hanneton, vole, vole, vole, 8 a
Et va dans un rapide élan 8 b
Souhaiter bonjour et bon an 8 b
Au lecteur bénévole. 6 a
Le hanneton obtempérant prend son essor et envoie des baisers à droite et à gauche. — Feux de Bengale. — La toile tombe.
mètre profils métriques : 8, 6, 4, 6=6
type du poème inséré (1) : suite périodique
type du poème inséré (2) : suite périodique
type du poème inséré (3) : suite périodique
type du poème inséré (4) : suite périodique
type du poème inséré (5) : suite périodique
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