Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
VER_13/VER620
Paul VERLAINE
ÉLÉGIES
1893
V
Incorrigible, toi. Mais c’est la destinée. 6+6 a
Voilà pourquoi mon cœur triste t’a pardonnée, 6+6 a
Mon cœur tendre, indolent et fol, et plus cruel… 6+6 b
Incorrigible, toi, selon l’ordre du Ciel, 6+6 b
5 Pour te punir toi-même et châtier mes fautes. 6+6 a
(Et tu t’acquittes bien de ces fonctions hautes.) 6+6 a
Incorrigible, toi, c’est la faute au passé, 6+6 b
A ton passé brutal, misérable, insensé, 6+6 b
Comme le mien d’hier, car jadis je fus brave, 6+6 a
10 Je croyais fermement que tout m’était esclave 6+6 a
Et j’allais, insolent, turbulent, hasardeux, 6+6 b
Avec l’air, comme dit l’autre, d’en avoir cieux. 6+6 b
J’en avais deux, je t’en réponds, tu peux toi-même 6+6 a
Témoigner que j’en ai deux encor : l’un suprême, 6+6 a
15 Trop généreux, visant au mieux plutôt qu’au bien ; 6+6 b
L’autre bas, quasiment d’un pitre ou d’un vaurien. 6+6 b
Puis le malheur m’a fait pareil aux autres hommes, 6+6 a
Sinon moindre, et voici qu’ayant croqué les pommes, 6+6 a
Il ne me reste que les pépins et la peau. 6+6 b
20 Bah ! puisque je t’ai là, mon sort est le plus beau, 6+6 b
Ma part est la meilleure en ce monde d’une heure 6+6 a
Où l’amour seul nous éternise et seul demeure. 4+4+4 a
Mais toi, ma pauvre enfant, d’après tes francs aveux 6+6 b
Ou ta noble confession, comme tu veux, 8+4 b
25 Tu jouissais encor plus que moi de la vie : 6+6 a
Les hommes à genoux comblaient ta moindre envie, 6+6 a
Tu nageais dans l’argent et tu roulais sur l’or, 6+6 b
Et, pour te faire heureuse et belle mieux encor, 6+6 b
Une passion vraie et forte t’avait prise, 6+6 a
30 Qui t’exalta longtemps comme un bon vin qui grise, 6+6 a
Tu fus sublime tous ces ans. Tout ton effort 6+6 b
Te bandait vers cet homme, et lorsqu’un désaccord 6+6 b
Inévitable vint sur vous, Sapho naïve, 6+6 a
Tu fis le saut de… Seine et, depuis morte-vive, 6+6 a
35 Tu gardes le vertige et le goût du néant. 6+6 b
Je le vois bien à ton regard souvent béant, 6−6 b
Qui néanmoins s’allume et se fixe, moins sombre 6+6 a
Sur pauvre moi transi, palpitant dans ton ombre 6+6 a
Et que cet éclaircie a soudain réjoui. 6+6 b
40 Et nous voici, moi donc, l’amour épanoui, 6+6 b
Tendre, orageux, soumis, et toi la sympathie, 6+6 a
N’est-ce pas ? laisse-moi le croire, ressentie 6+6 a
Pour tant d’affection offerte de ma part, 6+6 b
Mal peut-être, à travers des nerfs, d’un cœur hagard, 6+6 b
45 Mais tant ! EL nous voici, victimes reposées, 6+6 a
Tous deux seuls, mais tous deux, aux rancunes brisées, 6+6 a
Las d’aventures, fous d’aimer et d’en souffrir, 6+6 b
Mais indulgents à nos ingrats, prêts à mourir 6−6 b
Mains dans la main, ainsi que tels vaincus, bons frères, 6+6 a
50 Opposant cordialement aux sorts contraires 8+4 a
La résignation de l’ultime amitié. 6+6 b
Tu vois, pour te complaire, ô meilleure moitié 6+6 b
De mon être, je bride et romps l’élan farouche 6+6 a
Vers tes sens de mes sens, et j’impose à ma bouche 6+6 a
55 Le silence des mots brillants et des baisers, 6+6 b
Et je voudrais, pour voir tes lourds deuils apaisés, 6+6 b
T’être un des frères dont je parlais tout à l’heure 6+6 a
Et que tu fusses une sœur pour qui je meure. 8+4 a
Ou je vive plutôt, faisant tout pour la paix 6+6 b
60 De la tristesse inexpugnable où tu te plais, 4+4+4 b
Quoi qu’en dise et qu’en fasse en son pieux manège, 6+6 a
La gaîté que tu feins, sachant qu’elle m’allège 6+6 a
Le fardeau lourd aussi de ma tristesse aussi, 6+6 b
O femme ! ô sœur ! ô tout mon précieux souci ! 6+6 b
65 Incorrigibles, nous ! d’être mélancoliques. 6+6 a
Seulement, toi, grand cœur fidèle sans obliques 6+6 a
Détours, mais aux soudains et foudroyants retours. 6+6 b
Tu saignes en ton dam d’antan saignant toujours. 6+6 b
Tu fais bien puisque ta vocation est telle. 6−6 a
70 Pourtant mon propre ennui, ma blessure immortelle, 6+6 a
Je les mets sous tes pieds… Fais-je bien, à mon tour ? 6+6 b
Mais, tout en le domptant, je garde mon amour 6+6 b
Pour, du moins, être l’escabeau riche et funèbre 4+4+4 a
De ton amour à toi flottant dans la ténèbre 6+6 a
75 Et le rêve d’un abandon définitif. 8+4 b
Crois-m’en. Tout autre plan d’agir serait fautif. 6+6 b
Donc sans plus oublier l’ingrat, que je n’oublie 6+6 a
L’ingrate, aime-moi, va, tout mon cœur t’en supplie ; 6+6 a
Aime mon sacrifice en moi, fais-moi ce don, 6+6 b
80 Et si tu ne le peux sans peine, ô toi, pardon ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6=6
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