Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
VCL_1/VCL1
corpus Pamela Puntel
Henri VALLON-COLLEY
LA PRUSSIADE
OU
LES HAUTS FAITS DE GUILLAUME Ier
ET DE SES ALLIES EN FRANCE 1870-1871
1870-71
Douze poëmes par un Suisse
1871
LA MORT DES FIANCES
OU
BOMBARDEMENT PAR LES PRUSSIENS D’UN TRAIN DE BLESSES
Le 31 janvier, un train de 1200 blessés part
pour Lyon. A Byans, pendant que la machine
faisait de l’eau, cinq obus percent le train, qui
est criblé de projectiles.
Des rives du Niémen | jusqu’à celles du Rhin, 6+6 a
Chaque Allemand savait | que jadis à Berlin 6+6 a
Pendant longtemps flotta | le drapeau de la France ; 6+6 b
Ils voulaient se venger. | Quelle fut leur vengeance ? 6+6 b
5 Horrible, indigne, hélas ! | d’un peuple qui se croit 6+6 a
Du monde le premier, | qui dit avoir le droit 6+6 a
De s’appeler savant, | cultivé, poétique, 6+6 b
Magnanime, moral, | surtout philanthropique. 6+6 b
Et pourtant, des Teutons | lorsqu’ils foulaient le sol, 6+6 a
10 Les Français, vrais soldats, | ne dirent pas : Le vol 6+6 a
Est notre ordre du jour ; | on ne les vit pas faire 6+6 b
Aux gens inoffensifs | une implacable guerre. 6+6 b
Non ! Ah ! cruels Germains, | redoutez l’avenir, 6+6 a
Car les Français, un jour, | voudront se souvenir ! 6+6 a
I
15 C’est au déclin du jour. | Au coin d’un cimetière, 6+6 b
Une femme à genoux | récite une prière. 6+6 b
« Chers enfants, ici-bas | je ne vous verrai plus, 6+6 a
Dit-elle en finissant ; | mais j’espère en Jésus, 6+6 a
J’espère en l’Éternel, | en la Vierge Marie ! 6+6 b
20 Je vous retrouverai | dans une autre patrie.» 6+6 b
Un prêtre, en ce moment, | passe dans le chemin, 6+6 a
S’approche de la femme | et, lui prenant la main : 6+6 a
« Pauvre mère, dit-il, | votre deuil est immense ; 6+6 b
Mais, puisque vous mettez | en Dieu votre espérance, 6+6 b
25 Il vous soulagera. | Je suis son serviteur. 6+6 a
Contez-moi vos chagrins, | ouvrez-moi votre cœur. 6+6 a
— Bon monsieur le curé, | vous êtes charitable ! 6+6 b
Ce que vous entendrez | sera bien lamentable. 6+6 b
A quelques pas d’ici | se trouve ma maison : 6+6 a
30 Allons-y : la nuit vient, | et froide est la saison. » 6+6 a
II
Près d’un fourneau de fer, | sur un vieux banc de chêne, 6+6 b
Le prêtre s’est assis. | Une lampe avec peine 6+6 b
Entoure un crucifix | d’une faible clarté ; 6+6 a
Tous les autres objets | sont dans l’obscurité. 6+6 a
35 La femme a commencé | de raconter l’histoire 6+6 b
De ses derniers malheurs. | « Oui, vous pouvez me croire, 6+6 b
Mon père, c’est ici | qu’ils se dirent adieu. 6+6 a
Ah ! c’était un garçon | comme l’on en voit peu ! 6+6 a
Marguerite, ma fille, | était sa bien-aimée ; 6+6 b
40 Il voulait l’épouser | au sortir de l’armée. 6+6 b
Soudain la guerre éclate ; | il part, le cœur serré. 6+6 a
Depuis ce moment-là | nous avons bien pleuré. 6+6 a
Après un mois de lutte, | hélas ! peu favorable, 6+6 b
Arrive de Sedan | le jour épouvantable. 6+6 b
45 Ça fait frémir ! Enfin, | mon fils des Allemands 6+6 a
Se trouve prisonnier, | mais ne l’est pas longtemps. 6+6 a
Avec quelques amis, | sur les bords de la Loire 6+6 b
Il va combattre encor | et se couvre de gloire. 6+6 b
Il échappe aux boulets. | Mais le facteur, un soir, 6+6 a
50 Sonne à ma fille un pli | portant un cachet noir. 6+6 a
Elle l’ouvre en tremblant, | lit, puis se précipite 6+6 b
Dans me bras en disant : | « O mère, partons vite, 6+6 b
« Ne perdons pas de temps. | Mon brave fiancé 6+6 a
« Est près de Montbéliard, | grièvement blessé. » 6+6 a
55 Ah ! bien coupables sont | les auteurs d’une guerre 6+6 b
Avez-vous jamais vu | l’hôpital militaire, 6+6 b
Bon monsieur le curé ? | Là, les pauvres soldats 6+6 a
Dans d’atroces douleurs | attendent le trépas. 6+6 a
Ceux qu’épargne la mort | retournent au village, 6+6 b
60 C’est vrai, mais peuvent-ils | reprendre leur ouvrage ? 6+6 b
Lorsqu’on est impotent | l’on ne peut pas bêcher ; 6+6 a
Avec un déni-bras | comment pouvoir faucher ? 6+6 a
Ma fille trouve donc, | assis sur de la paille, 6+6 b
Son valeureux promis. | Un éclat de mitraille 6+6 b
65 L’a privé des deux mains. | Touchant est le revoir. 6+6 a
Mais pour moi, cependant, | il est pénible à voir. 6+6 a
Je pense et ne dis rien. | Elle pleure, soupire. 6+6 b
Lui, pour la consoler, | s’efforce de sourire. 6+6 b
Tout à coup un docteur | s’arrête devant nous : 6+6 a
70 « Ah ! dit-il au blessé, | cous êtes aimé, vous ! 6+6 a
« Ici plus d’un guerrier | a quitté cette vie 6+6 b
« Sans avoir près de lui | quelque personne amie, 6+6 b
« Sans avoir entendu, | sortant du fond du cœur, 6+6 a
« Au moment de la mort, | un mot consolateur.» 6+6 a
75 S’adressant à ma fille : | « Armez-vous de courage. 6+6 b
« Ce soir vous reprendrez | le chemin du village. 6+6 b
« S’il a deux mains de moins | vous avez son amour : 6+6 a
« Cela doit vous suffire. | Adieu ! Heureux retour ! » 6+6 a
Au milieu de la nuit, | le train, un train immense, 6+6 b
80 Plein de soldats blessés, | s’arrête. Alors commence 6+6 b
Un massacre inouï. | Du coté des wagons 6+6 a
Les artilleurs prussiens | ont braqué leurs canons. 6+6 a
Parmi ces pauvres gens | les projectiles tombent. 6+6 b
En voulant se sauver, | plusieurs d’entre eux succombent. 6+6 b
85 Il fait noir. D’un obus | la sinistre lueur 6+6 a
Éclaire par instants | cette scène d’horreur. 6+6 a
Marguerite, d’un saut, | hors du wagon s’élance ; 6+6 b
Elle veut m’entrainer, | mais je perds connaissance. 6+6 b
Le lendemain matin, | sur la neige, et glacés, 6+6 a
90 Je retrouve les corps | des pauvres fiancés. 6+6 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
J’ai fini. N’est-ce pas, | c’est une triste histoire ? 6+6 b
— Lorsqu’on est malheureux, | il est bien doux de croire, » 6+6 b
Répond l’excellent prêtre. | Et, pendant qu’au dehors 6+6 a
La neige tombe, il dit | la prière des Morts. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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