Métrique en Ligne
VAL_5/VAL176
Paul VALÉRY
CORONILLA
1938-1945
IV
Derniers vers
(1945)
AMIE EXTRÊME, Ô SUPRÊME ENNEMIE
Douce d'hier, qui ne m'épargne mie, 10
Cœur qui fut mien, chair qui sera d'autrui, 10
Voix qui m'a dit la tendresse éternelle, 10
Ô voix si tendre, et même voix cruelle, 10
5 Ô toute Toi, par qui je suis détruit. 10
Ces belles mains que j'ai tant caressées 10
À d'autres jeux se feront empressées, 10
Et dans l'oubli d'inoubliables jours 10
Tu livreras ta secrète statue 10
10 En te disant, sachant ce qui me tue : 10
« On n'a qu'un corps pour diverses amours. » 10
Peut-être aux bras dont tu te feras ceindre 10
Dans le moment que l'on te viendra joindre, 10
Pour t'imposer le poids de ton bonheur 10
15 Sentiras-tu quelque présence sombre : 10
Un rien de peine et mon ombre dans l'ombre 10
Traverseront tes noces sans honneur. 10
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