Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
VAL_2/VAL22
Paul VALÉRY
CHARMES
1922
Au platane
à André Fontainas.
Tu penches, grand Platane, et te proposes nu, 6+6 a
Blanc comme un jeune Scythe, 6 b
Mais ta candeur est prise, et ton pied retenu 6+6 a
Par la force du site. 6 b
5 Ombre retentissante en qui le même azur 6+6 a
Qui t’emporte, s’apaise, 6 b
La noire mère astreint ce pied natal et pur 6+6 a
À qui la fange pèse. 6 b
De ton front voyageur les vents ne veulent pas ; 6+6 a
10 La terre tendre et sombre, 6 b
Ô Platane, jamais ne laissera d’un pas 6+6 a
S’émerveiller ton ombre ! 6 b
Ce front n’aura d´accès qu´aux degrés lumineux 6+6 a
Où la sève l’exalte ; 6 b
15 Tu peux grandir, candeur, mais non rompre les nœuds 6+6 a
De l’éternelle halte ! 6 b
Pressens autour de toi d´autres vivants liés 6+6 a
Par l’hydre vénérable ; 6 b
Tes pareils sont nombreux, des pins aux peupliers, 6+6 a
20 De l’yeuse à l’érable, 6 b
Qui, par les morts saisis, les pieds échevelés 6+6 a
Dans la confuse cendre, 6 b
Sentent les fuir les fleurs, et leurs spermes ailés, 6+6 a
Le cours léger descendre. 6 b
25 Le tremble pur, le charme, et ce hêtre formé, 6+6 a
De quatre jeunes femmes, 6 b
Ne cessent point de battre un ciel toujours fermé, 6+6 a
Vêtus en vain de rames. 6 b
Ils vivent séparés, ils pleurent confondus 6+6 a
30 Dans une seule absence, 6 b
Et leurs membres d´argent sont vainement fendus 6+6 a
À leur douce naissance. 6 b
Quand l’âme lentement qu’ils expirent le soir 6+6 a
Vers l’Aphrodite monte, 6 b
35 La vierge doit dans l’ombre, en silence, s’asseoir, 6+6 a
Toute chaude de honte. 6 b
Elle se sent surprendre, et pâle, appartenir 6+6 a
À ce tendre présage 6 b
Qu’une présente chair tourne vers l’avenir 6+6 a
40 Par un jeune visage… 6 b
Mais toi, de bras plus purs que les bras animaux, 6+6 a
Toi qui dans l’or les plonges, 6 b
Toi qui formes au jour le fantôme des maux 6+6 a
Que le sommeil fait songes, 6 b
45 Haute profusion de feuilles, trouble fier 6+6 a
Quand l’âpre tramontane 6 b
Sonne, au comble de l’or, l’azur du jeune hiver 6+6 a
Sur tes harpes, Platane, 6 b
Ose gémir !… Il faut, ô souple chair du bois, 6+6 a
50 Te tordre, te détordre, 6 b
Te plaindre sans te rompre, et rendre aux vents la voix 6+6 a
Qu’ils cherchent en désordre ! 6 b
Flagelle-toi !… Parais l’impatient martyr 6+6 a
Qui soi-même s’écorche, 6 b
55 Et dispute à la flamme impuissante à partir 6+6 a
Ses retours vers la torche ! 6 b
Afin que l’hymne monte aux oiseaux qui naîtront, 6+6 a
Et que le pur de l’âme 6 b
Fasse frémir d’espoir les feuillages d’un tronc 6+6 a
60 Qui rêve de la flamme, 6 b
Je t’ai choisi, puissant personnage d’un parc, 6+6 a
Ivre de ton tangage, 6 b
Puisque le ciel t’exerce, et te presse, ô grand arc, 6+6 a
De lui rendre un langage ! 6 b
65 Ô qu’amoureusement des Dryades rival, 6+6 a
Le seul poète puisse 6 b
Flatter ton corps poli comme il fait du Cheval 6+6 a
L’ambitieuse cuisse !… 6 b
— Non, dit l’arbre. Il dit : Non ! par l’étincellement 6+6 a
70 De sa tête superbe, 6 b
Que la tempête traite universellement 6+6 a
Comme elle fait une herbe ! 6 b
mètre profils métriques : 6, 6+6
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