Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
VAL_1/VAL19
Paul VALÉRY
ALBUM DE VERS ANCIENS
1920
Anne
à André Lebey.
Anne qui se mélange au drap pâle et délaisse 6+6 a
Des cheveux endormis sur ses yeux mal ouverts 6+6 b
Mire ses bras lointains tournés avec mollesse 6+6 a
Sur la peau sans couleur du ventre découvert. 6+6 b
5 Elle vide, elle enfle d’ombre sa gorge lente, 12 a
Et comme un souvenir pressant ses propres chairs, 6+6 b
Une bouche brisée et pleine d’eau brûlante 6+6 a
Roule le goût immense et le reflet des mers. 6+6 b
Enfin désemparée et libre d’être fraîche, 6+6 a
10 La dormeuse déserte aux touffes de couleur 6+6 b
Flotte sur son lit blême, et d’une lèvre sèche, 6+6 a
Tette dans la ténèbre un souffle amer de fleur. 6+6 b
Et sur le linge où l’aube insensible se plisse, 6+6 a
Tombe, d’un bras de glace effleuré de carmin, 6+6 b
15 Toute une main défaite et perdant le délice 6+6 a
À travers ses doigts nus dénoués de l’humain. 6+6 b
Au hasard ! À jamais, dans le sommeil sans hommes 6+6 a
Pur des tristes éclairs de leurs embrassements, 6+6 b
Elle laisse rouler les grappes et les pommes 6+6 a
20 Puissantes, qui pendaient aux treilles d’ossements, 6+6 b
Qui riaient, dans leur ambre appelant les vendanges, 6+6 a
Et dont le nombre d’or de riches mouvements 6+6 b
Invoquait la vigueur et les gestes étranges 6+6 a
Que pour tuer l’amour inventent les amants… 6+6 b
*
25 Sur toi, quand le regard de leurs âmes s’égare, 6+6 a
Leur cœur bouleversé change comme leurs voix, 6+6 b
Car les tendres apprêts de leur festin barbare 6+6 a
Hâtent les chiens ardents qui tremblent dans ces rois… 6+6 b
À peine effleurent-ils de doigts errants ta vie, 6+6 a
30 Tout leur sang les accable aussi lourd que la mer, 6+6 b
Et quelque violence aux abîmes ravie 6+6 a
Jette ces blancs nageurs sur tes roches de chair… 6+6 b
Récifs délicieux, Île toute prochaine, 6+6 a
Terre tendre, promise aux démons apaisés, 6+6 b
35 L’amour t’aborde, armé des regards de la haine, 6+6 a
Pour combattre dans l’ombre une hydre de baisers ! 6+6 b
*
Ah, plus nue et qu’imprègne une prochaine aurore, 6+6 a
Si l’or triste interroge un tiède contour, 6+6 b
Rentre au plus pur de l’ombre où le Même s’ignore, 6+6 a
40 Et te fais un vain marbre ébauché par le jour ! 6+6 b
Laisse au pâle rayon ta lèvre violée 6+6 a
Mordre dans un sourire un long germe de pleur, 6+6 b
Masque d’âme au sommeil à jamais immolée 6+6 a
Sur qui la paix soudaine a surpris la douleur ! 6+6 b
45 Plus jamais redorant tes ombres satinées, 6+6 a
La vieille aux doigts de feu qui fendent les volets 6+6 b
Ne viendra t’arracher aux grasses matinées 6+6 a
Et rendre au doux soleil tes joyeux bracelets… 6+6 b
Mais suave, de l’arbre extérieur, la palme 6+6 a
50 Vaporeuse remue au delà du remords, 6+6 b
Et dans le feu, parmi trois feuilles, l’oiseau calme 6+6 a
Commence le chant seul qui réprime les morts. 6+6 b
mètre profil métrique : 6÷6
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