Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
VAL_1/VAL18
Paul VALÉRY
ALBUM DE VERS ANCIENS
1920
Profusion du soir
poème abandonné…
Du soleil soutenantla puissante paresse 6+6 a
Qui plane et s’abandonneà l’œil contemplateur, 6+6 b
Regard !… Je bois le vincéleste, et je caresse 6+6 a
Le grain mystérieuxde l’extrême hauteur. 6+6 b
5 Je porte au sein brûlantma lucide tendresse, 6+6 a
Je joue avec les feuxde l’antique inventeur ; 6+6 b
Mais le dieu par degrésqui se désintéresse 6+6 a
Dans la pourpre de l’airs’altère avec lenteur. 6+6 b
Laissant dans les champs pursbattre toute l’idée, 6+6 c
10 Les travaux du couchantdans la sphère vidée 6+6 c
Connaissent sans oiseauxleur ancienne grandeur. 6+6 b
L’ange frais de l’œil nupressent dans sa pudeur, 6+6 b
Haute nativitéd’étoile élucidée, 6+6 c
Un diamant agirqui berce la splendeur… 6+6 b
*
15 Ô soir, tu viens épandreun délice tranquille, 6+6 d
Horizon des sommeils,stupeur des cœurs pieux, 6+6 e
Persuasive approche,insidieux reptile, 6+6 d
Et rose que respireun mortel immobile 6+6 d
Dont l’œil dore s’engageaux promesses des cieux. 6+6 e
*
20 Sur tes ardents autelsson regard favorable 6+6 f
Brûle, l’âme distraite,un passé précieux. 6+6 e
Il adore dans l’orqui se rend adorable 6+6 f
Bâtir d’une vapeurun temple mémorable, 6+6 f
Suspendre au sombre étherson risque et son récif, 6+6 g
25 Et vole, ivre des feuxd’un triomphe passif, 6+6 g
Sur l’abime aux ponts d’orrejoindre la Fortune ; 6+6 h
— Tandis qu’aux bords lointainsdu Théâtre pensif, 6+6 g
Sous un masque légerglisse la mince lune 6+6 h
*
… Ce vin bu, l’homme bâille,et brise le flacon. 6+6 i
30 Aux merveilles du videil garde une rancune ; 6+6 h
Mais le charme du soirfume sur le balcon 6+6 i
Une confusionde femme et de flocon 6+6 i
*
Ô Conseil !… Stationsolennelle !… Balance 6+6 j
D’un doigt doré pesantles motifs du silence ! 6+6 j
35 Ô sagesse sensibleentre les dieux ardents ! 6+6 k
— De l’espace trop beau,préserve-moi, balustre ! 6+6 l
Là, m’appelle la mer !… Là, se penche l’illustre 6+6 l
Vénus Vertigineuseavec ses bras fondants ! 6+6 k
*
Mon œil, quoiqu’il s’attacheau sort souple des ondes, 6+6 m
40 Et boive comme en songeà l’éternel verseau, 6+6 n
Garde une chambre fixeet capable des mondes ; 6+6 m
Et ma cupiditédes surprises profondes 6+6 m
Voit à peine au traversdu transparent berceau 6+6 n
Cette femme d’écumeet d’algue et d’or que roule 6+6 o
45 Sur le sable et le sella meule de la houle. 6+6 o
*
Pourtant je place aux cieuxles ébats d’un esprit ; 6+6 p
Je vois dans leurs vapeursdes terres inconnues, 6+6 q
Des déesses de fleursfeindre d’être des nues, 6+6 q
Des puissances d’orageerrer a demi nues, 6+6 q
50 Et sur les roches d’airdu soir qui s’assombrit, 6+6 p
Telle divinités’accoude. Un ange nage. 6+6 r
Il restaure l’espaceà chaque tour de rein. 6+6 s
Moi, qui jette ici-basl’ombre d’un personnage, 6+6 r
Toutefois déliédans le plein souverain, 6+6 s
55 Je me sens qui me trempe,et pur qui me dédaigne ! 6+6 t
Vivant au sein futurle souvenir marin, 6+6 s
Tout le corps de mon choixdans mes regards se baigne ! 6+6 t
*
Une crête écumeuse,énorme et colorée, 6+6 c
Barre, puissamment pure,et plisse le parvis. 6+6 u
60 Roule jusqu’à mon cœurla distance dorée, 6+6 c
Vague !… Croulants soleilsaux horizons ravis, 6+6 u
Tu n’iras pas plus loinque la ligne ignorée 6+6 c
Qui divise les dieuxdes ombres je vis. 6+6 u
*
Une volute lenteet longue d’une lieue 6+6 v
65 Semant les charmes lourdsde sa blanche torpeur 6+6 b
se joue une joie,une soif d’être bleue, 6+6 v
Tire le noir navireépuisé de vapeur… 6+6 b
*
Mais pesants et neigeuxles monts du crépuscule, 6+6 w
Les nuages trop pleinset leurs seins copieux, 6+6 e
70 Toute la majestéde l’Olympe recule, 6+6 w
Car voici le signal,voici l’or des adieux, 6+6 e
Et l’espace a huméla barque minuscule 6+6 w
*
Lourds frontons du sommeiltoujours inachevés, 6+6 x
Rideaux bizarrementd’un rubis relevés 6+6 x
75 Pour le mauvais regardd’une sombre planète, 6+6 y
Les temps sont accomplis,les désirs se sont tus, 6+6 z
Et dans la bouche d’or,bâillements combattus, 6+6 z
S’écartèlent les motsque charmait le poète 6+6 y
Les temps sont accomplis,les désirs se sont tus. 6+6 z
*
80 Adieu, Adieu !… Vers vous,ô mes belles images, 6+6 a
Mes bras tendent toujoursinsatiable port ! 6+6 b
Venez, effarouchés,hérissant vos plumages, 6+6 a
Voiliers aventureuxque talonne la mort ! 6+6 b
Hâtez-vous, hâtez-vous !… La nuit presse !… Tantale 6+6 c
85 Va périr ! Et la joieéphémère des cieux ! 6+6 e
Une rose naguèreaux ténèbres fatale, 6+6 c
Une toute dernière roseoccidentale 8+4 c
Pâlit affreusementsur le soir spacieux… 6+6 e
Je ne vois plus frémirau mât du belvédère 6+6 d
90 Ivre de brise un sylpheaux couleurs de drapeau, 6+6 n
Et ce grand port n’est plusqu’un noir débarcadère 6+6 d
Couru du vent glacéque sent venir ma peau ! 6+6 n
Fermez-vous ! Fermez-vous !Fenêtres offensées ! 6+6 e
Grands yeux qui redoutezla véritable nuit ! 6+6 p
95 Et toi, de ces hauteursd’astres ensemencées, 6+6 e
Accepte, fécondéde mystère et d’ennui, 6+6 p
Une maternitémuette de pensées… 6+6 e
mètre profil métrique : 6=6
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