Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
THL_1/THL47
Raymond de la TAILHÈDE
LES POÉSIES
Édition définitive
1887-1926
LES POÉSIES DIVERSES
(1898-1907)
X
HYMNE POUR LA FRANCE
A LA MÉMOIRE DE JACQUES TEULADE-CABANÈS
AGE DE 23 ANS
TUÉ LE 14 SEPTEMBRE 1916
EN MACÉDOINE
Pays natal ! O terre | entre toutes bénie, 6+6 a
Dont le nom murmuré | nous est une harmonie, 6+6 a
Dont le sol lumineux | n'a d'égal que le ciel ; 6+6 b
Mère ! comme à ce mot | magique tu déploies 6+6 c
5 Dans nos cœurs aussitôt | vibrants toutes les joies, 6+6 c
Toi par qui l'amertume | a la saveur du miel ! 6+6 b
A toute autre beauté | ton image s'oppose ; 6+6 a
Tu pourrais, sans unir | les pampres à la rose, 6+6 a
Courber ton front neigeux | sous l'horreur des frimas, 6+6 b
10 Pour tes fils, cependant, | toujours tu serais belle ; 6+6 c
Ils aimeraient de toi | jusqu'à l'ombre cruelle 6+6 c
Où se cachent les dieux | que l'on ne connaît pas. 6+6 b
Mais ni le dur métal | des lunes boréales 6+6 a
Ne vient mordre à tes fruits | dorés, ni les rafales 6+6 a
15 De l'orageux. Autan | ne versent tes blés mûrs. 6+6 b
Heureux qui le premier | t'a vue et t'a chérie ! 6+6 c
Bienheureux ses enfants ! | car nulle autre patrie 6+6 c
N'a de plus douces nuits | et des soleils plus purs ! 6+6 b
Terre libre où fleurit | l'héroïsme et la gloire ! 6+6 a
20 France dont les soldats | ont inscrit dans l'histoire 6+6 a
L'impérissable honneur ! | Royaume sans lequel 6+6 b
L'homme aurait ignoré | la splendeur de ce monde, 6+6 c
Et ne l'aurait forgée | à la flamme féconde 6+6 c
Pour s'en faire une armure | et se rendre immortel ! 6+6 b
25 Armure ! claire épée | étincelante et fine ! 6+6 a
Effrayant bouclier | levé sur ta poitrine, 6+6 a
Miroir de la terreur | de tous tes ennemis ! 6+6 b
Brassards et morion ! | Haute et svelte cuirasse ! 6+6 c
Cimier éblouissant ! | insigne de ta race, 6+6 c
30 Gage des fiers destins | qui te furent promis ! 6+6 b
Certes, ce n'est pas tout | que d'être une guerrière, 6+6 a
Et l'arme n'est pour toi | que la raison dernière : 6+6 a
Tu savais, pacifique, | ouvrir tes larges bras ; 6+6 b
Sur ton sein tu pressais, | dans une même étreinte, 6+6 c
35 Celui de qui la tête | est de vert laurier ceinte 6+6 c
Et l'humble populaire | éloigné des combats. 6+6 b
Tu l'aimais, ce repos, | jusque dans son ivresse. 6+6 a
— C'est un divin breuvage | à la chaude caresse, 6+6 a
Mais le fond de la coupe | est lourd d'un noir poison. 6+6 b
40 — Ton esprit et tes yeux | s'emplissaient de fumées ; 6+6 c
Et des cieux flamboyants | les torches allumées 6+6 c
Disputaient vainement | aux ombres l'horizon. 6+6 b
Un stupide sommeil | avait glacé ta face ; 6+6 a
Tu perdais à la fois | ta force avec ta grâce, 6+6 a
45 Et tu ne voulais plus | même t'en souvenir. 6+6 b
Reniant ton passé | tu semblais te survivre : 6+6 c
Ta gloire était cachée | aux pages d'un vieux livre 6+6 c
Comme une fleur fanée | achève d'y mourir. 6+6 b
On ne te voyait plus | alors, ô noble France, 6+6 a
50 Châtier justement | l'orgueilleuse ignorance, 6+6 a
Et mettre le poète | à son rang, le premier. 6+6 b
Alors, cédant aux cris | de la tourbe insensée, 6+6 c
Ainsi que le dormeur, | ton unique pensée 6+6 c
C'était de tout subir | pour ne pas t'éveiller. 6+6 b
55 Quelle voix surhumaine | ou plutôt quel tonnerre 6+6 a
A dans le même temps | épouvanté la terre 6+6 a
Et d'un éclat brutal | ton rêve traversé ? 6+6 b
Une longue clameur | monte du fond des combes ! 6+6 c
Quel fossoyeur là-bas | a creusé tant de tombes ? 6+6 c
60 A quel front le laurier | va-t-il être enlacé ? 6+6 b
Pareille au ciel d'hiver | que la pluie accompagne, 6+6 a
Avec ses généraux, | la puissante Allemagne, 6+6 a
Avec ses régiments, | avec ses bataillons, 6+6 b
Frappe inlassablement | ta campagne et l'écrase ! 6+6 c
65 Regarde tes cités | gisant dans l'herbe rase, 6+6 c
Et tes champs labourés | par l'acier des canons ! 6+6 b
Tu ne laisseras pas | sans la venger l'injure ! 6+6 a
Ta main peut être lente, | elle n'est pas moins sûre : 6+6 a
La part du châtiment | sera faite à chacun ! 6+6 b
70 Dans la pierre de Reims | sculpte ton diadème, 6+6 c
Arras ensanglanté | soit aussi ton emblème, 6+6 c
Taille pour ton manteau | la pourpre de Verdun ! 6+6 b
Et lorsqu'ils te verront | paraître ainsi, farouche, 6+6 a
La sinistre épouvante | aura cousu leur bouche, 6+6 a
75 Un feu prodigieux | aura brûlé leur cœur ! 6+6 b
Ces Rois, à ton aspect, | ces princes, cette armée, 6+6 c
Seront comme une brume | aussitôt dissipée, 6+6 c
Car il n'est dû qu'à toi | de nommer le vainqueur, 6+6 b
A toi seule, ô ma France, | à toi par qui la Lyre 6+6 a
80 Fera d'autant plus haut | toutes ses cordes bruire 6+6 a
Que tu peux te vanter | de poètes nombreux, 6+6 b
Entre lesquels il faut | que je prenne une place 6+6 c
Dont la grandeur s'égale | à l'honneur de ta race, 6+6 c
Moi qui pour la chanter | escaladai les cieux ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
logo du CRISCO logo de l'université