Métrique en Ligne
TAI_2/TAI47
Laurent TAILHADE
Vitraux
1891
Les Fleurs d'Ophélie
Sweets to the sveet…
And from her fair and unpolluted flesh
May violets spring ! …
Fleurs sur fleur ! fleurs d'été, fleurs de printemps ! fleurs blêmes 6+6 a
De novembre épanchant la rancœur des adieux 6+6 b
Et, dans les joncs tressés, les fauves chrysanthèmes ; 6+6 a
Les lotus réservés pour la table des dieux ; 6+6 b
5 Les lis hautains, parmi les touffes d'amarantes, 6+6 c
Dressant avec orgueil leurs thyrses radieux ; 6+6 b
Les roses de Noël aux pâleurs transparentes, 6+6 c
Et puis, toutes les fleurs éprises des tombeaux, 6+6 a
Violettes des morts, fougères odorantes, 6+6 c
10 Asphodèles, soleils héraldiques et beaux, 6+6 a
Mandragores criant d'une voix surhumaine 6+6 b
Au pied des gibets noirs que hantent les corbeaux. 6+6 a
Fleurs sur fleur ! Effeuillez des fleurs ! Que l'on promène 6+6 b
Des encensoirs fleuris sur le tertre où, là-bas, 6+6 c
15 Dort Ophélie avec Rowena de Tremaine. 6+6 b
Amour ! Amour ! et sur leurs fronts que tu courbas 6−6 c
Fais ruisseler la pourpre extatique des roses, 6+6 a
Pareille au sang joyeux versé dans les combats. 6+6 c
Jadis elles chantaient, vierges aux blondeurs roses, 6+6 a
20 Les Amantes des jours qui ne renaîtront plus, 6+6 b
Sous leurs habits tissus d'ors fins et d'argyroses. 6+6 a
Ô lointaine douceur des printemps révolus ! 6+6 b
Épanouissement auroral des Idées ! 6+6 c
Porte du ciel offerte aux lèvres des élus ! 6+6 b
25 Les vierges à présent, mortes ou possédées, 6+6 c
Sont loin ! bien loin ! L'espoir est tombé de nos cœurs, 6+6 a
Telles d'un arbre mort les branches émondées. 6+6 c
Et l'Ombre, et les Regrets, et l'Oubli sont vainqueurs. 6+6 a
À travers les iris et les joncs, Ophélie 6+6 b
30 Abandonne son âme aux murmures berceurs 6+6 a
Du fleuve seul témoin de sa mélancolie. 6+6 b
Et voici qu'au fond des verdâtres épaisseurs 6−6 c
Tintent confusément des harpes cristallines 6+6 b
Attirantes avec leurs rythmes obsesseurs. 6+6 c
35 L'or diffus du soleil empourpre les collines 6+6 a
Par delà le château d'Elseneur et les tours 6+6 c
Qu'assombrissent déjà les ténèbres félines. 6+6 a
La Nuit féline dans sa robe de velours 6−6 b
Berce les eaux, les vals profonds et les ciels mornes 6+6 a
40 Et des saules noueux estompe les contours. 6+6 b
Et les nuages roux du ponant sont des mornes 6+6 c
Où grimpent, lance au poing, d'atroces cavaliers 6+6 b
Éperonnant le vol furieux des licornes. 6+6 c
Or la Dame qui rêve aux serments oubliés 6+6 a
45 Marmonne un virelai très ancien. La démence 6+6 c
Élargit sur son front les deuils multipliés. 6+6 a
Fleurs sur fleur ! Des sanglots éteignent sa romance, 6+6 b
Tandis que, les cheveux couronnés de jasmin, 6+6 a
Elle s'incline vers les joncs du fleuve immense. 6−6 b
50 Les Nixes près du bord lui montrent le chemin, 6+6 c
Et, calme, au fil de l'onde en les glauques prairies, 6+6 b
Elle descend avec des bleuets dans la main. 6+6 c
Les fleurs palustres sur ses paupières meurtries 6−6 a
Poseront le dictame adoré du sommeil, 6+6 c
55 Dans des jardins de nacre au sol de pierreries. 6+6 a
Sous les porches d'azur où jamais le soleil 6+6 b
Ne dore des galets la candeur ivoirine, 6+6 a
Sous les nymphéas blancs teintés de sang ermeil, 6+6 b
Ophélie a fermé ses yeux d'aigue-marine. 6+6 c
mètre profil métrique : 6−6
forme globale type : terza rima classique
schéma : 20(aba) b
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