Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
SSA_1/SSA31
Camille SAINT-SAËNS
RIMES FAMILIÈRES
1890
POÉSIES DIVERSES
LE PAYS MERVEILLEUX
À M. Albert Périlhou.
Lorsqu’on a cheminé | bien longtemps dans la plaine. 6+6 a
Que les pieds sont lassés | du chemin parcouru, 6+6 b
On voit surgir au loin, | vision surhumaine, 6+6 a
Le mont géant. Il est | brusquement apparu, 6+6 b
5 Enveloppé d’azur | et baigné de lumière ; 6+6 a
Plus haut que la nuée | aux contours éclatants 6+6 b
Il élève sa cime ; | on dirait qu’à la Terre 6+6 a
Il est extérieur : | ses pics étincelants 6+6 b
Se dressent radieux | dans un monde de gloire ; 6+6 a
10 C’est le pays rêvé, | c’est l’Olympe des Dieux 6+6 b
Qui boivent le nectar | sur des trônes d’ivoire, 6+6 a
C’est l’Idéal ! montons, | allons vivre en ces lieux 6+6 b
Enchantés ! gravissons | la montagne, courage ! 6+6 a
Encor ! montons encor ! | toujours ! élevons-nous 6+6 b
15 Au-dessus des forêts, | au-dessus de l’orage 6+6 a
Qui pour nous arrêter | roule d’effrayants coups 6+6 b
De tonnerre, et soufflant | ses bruyantes rafales 6+6 a
Brise et disperse au loin | les branches des sapins ; 6+6 b
Là-haut plus de tempête, | et plus de brouillards pâles 6+6 a
20 Qui voilent le soleil ! | les vigoureux alpins 6+6 b
Bravant sans hésiter | fatigues et vertiges 6+6 a
Auront pour récompense | un séjour merveilleux 6+6 b
Interdit à jamais | aux faibles ; des prodiges 6+6 a
Attendent le regard | de ces audacieux 6+6 b
25 Qui méprisent le sol | où rampent les timides. 6+6 a
En route vers les cieux, | loin des plaines humides, 6+6 a
En avant !
— Mais le roc | a déjà remplacé 6+6 a
La terre verdoyante | et les pentes fleuries ; 6+6 b
Malgré l’ardent soleil, | c’est un souffle glacé 6+6 a
30 Qui tombe sur nos fronts ; | nos mains endolories 6+6 b
S’écorchent au contact | de la muraille à pic 6+6 a
Qu’il faut escalader | au risque de la chute. 6+6 b
Plus un être vivant : | le scorpion, l’aspic, 6+6 a
Habitants des déserts, | abandonnent la lutte 6+6 b
35 Avec une nature | implacable. Voici 6+6 a
La neige immaculée, | et voici dans la glace 6+6 b
Perfide qui se fend, | s’entr’ouvre, et sans merci 6+6 a
Nous engloutit, l’affreux | piège de la crevasse. 6+6 b
Enfin l’air manque, et l’on | respire avec effort… 6+6 a
40 Le pays merveilleux | est celui de la mort. 6+6 a
Et c’est la plaine alors, | la plaine dédaignée, 6+6 a
Déroulant à nos pieds | des tableaux inconnus, 6+6 b
Qui dans l’azur et dans | la lumière baignée 6−6 a
Oppose sa richesse | aux rochers froids et nus. 6+6 b
45 La vie à sa surface | est partout répandue : 6+6 a
Confondant sa limite | avec celle du ciel, 6+6 b
L’œil ne peut mesurer | son immense étendue… 6+6 a
Ô mirage qui fais | d’un calice de fiel 6+6 b
La coupe dont l’éclat | fascinant nous attire, 6+6 a
50 Tu nous trompes toujours ! | l’inassouvissement 6+6 b
De l’âme des humains | est l’éternel martyre, 6+6 a
Et de leur fol orgueil | l’éternel châtiment. 6+6 b
mètre profil métrique : 6−6
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