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| = césure
SIL_1/SIL48
Armand SILVESTRE
Les Renaissances
1870
A TRAVERS L'ÂME
Le Passé
I
Sur l'amant et sur la maîtresse, 8 a
L'Aube épanche un jour enchanté, 8 b
Et le temps semble à leur ivresse 8 a
Le seuil d'or d'une éternité. 8 b
5 Et le premier frisson des brises, 8 a
Baisant leurs fronts silencieux, 8 b
Emporte leurs âmes surprises, 8 a
D'une aile égale vers les cieux ! 8 b
Plus haut que le vol des colombes 8 a
10 Et le dernier parfum des fleurs, 8 b
Ils passent au-dessus des tombes 8 a
Sans entendre couler les pleurs. 8 b
Pasteurs du blanc troupeau des rêves, 8 a
Une étoile, au sillon vainqueur, 8 b
15 A guidé leurs pas sur les grèves ; 8 a
Un Dieu jeune est né dans leur cœur ! 8 b
L'encens, la cinname et la myrrhe 8 a
Brûlent dans leurs souffles mêlés ; 8 b
Le chœur des anges les admire 8 a
20 Sur le seuil des Édens voilés. 8 b
Sous le vent des harpes sacrées, 8 a
Frémissant des mêmes accords, 8 b
Comme sous des mains inspirées, 8 a
Leurs âmes vibrent dans leurs corps ; 8 b
25 L'extase a figé les paroles 8 a
Sur leurs lèvres au souffle éteint, 8 b
Comme la rosée, aux corolles, 8 a
Le premier frisson du matin, 8 b
D'un baiser leur chair est liée, 8 a
30 D'un serment leur être est uni, 8 b
Et leur âme multipliée 8 a
Partout confine à l'infini. 8 b
Parfums errants, nuit solennelle, 8 a
Hymne où l'esprit bercé s'endort, 8 b
35 Lis pur, étoile fraternelle… 8 a
Oh ! le beau chemin vers la mort ! 8 b
Sous leurs pas la nue est ouverte : 8 a
L'astre a laissé choir son flambeau… 8 b
L'amant fuit la route déserte, 8 a
40 La maîtresse gît au tombeau. 8 b
Au soleil d'or sitôt fermée, 8 a
O fleur morte, immortelle fleur ! 8 b
Tu reposes, ma bien-aimée ! 8 a
Des deux, ton sort est le meilleur. 8 b
45 Ayant clos tes yeux et ta bouche, 8 a
Que me font l'air et le soleil ! 8 b
— A ceux qu'unit la même couche, 8 a
Dieu devrait le même sommeil. 8 b
II
Rayonnement discret de la lampe baissée, 6+6 a
50 Douce plainte du lin par l'aiguille mordu, 6+6 b
Chant léger qu'étouffait sur sa lèvre pressée 6+6 a
Le baiser toujours pris et toujours défendu ! 6+6 b
Vieux livre interrompu de lentes causeries, 6+6 a
Silence qu'emplissaient de longs enchantements, 6+6 b
55 Parfum toujours en fleur des roses défleuries, 6+6 a
Calme des soirs passés près des tisons fumants ! 6+6 b
Oh ! je baise en pleurant l'aile dont tu m'effleures, 6+6 a
Souvenir éternel, regret inconsolé, 6+6 b
Amour qui fus ma vie et qui t'es envolé, 6+6 b
60 — Charme de tous les lieux et de toutes les heures ! 6+6 a
III
L'air du soir emportait sous les feuillages sombres, 6+6 a
Comme un parfum du ciel, l'âme des voluptés ; 6+6 b
Les rêves se levaient partout avec les ombres : 6+6 a
Celle qui fut mon cœur était à mes côtés. 6+6 b
65 Nous suivions le grand bois, parmi l'herbe mouillée, 6+6 a
L'air au front, l'œil au ciel, la bruyère aux genoux, 6+6 b
Et comme elle sortait, blanche, de la feuillée, 6+6 a
Une source se prit à gémir près de nous. 6+6 b
Ce sanglot sans pitié, poursuivant mon oreille, 6+6 a
70 S'en fut jusqu'à mon cœur joyeux et l'affligea : 6+6 b
La santé fleurissait sa beauté sans pareille, 6+6 a
Et je cherchais pourquoi l'onde pleurait déjà ! 6+6 b
IV
Sur le lac, où j'ai vu passer les cygnes blancs, 6+6 a
Un rêve flotte et suit leur lumineux cortège : 6+6 b
75 Je vois l'ange endormi, l'enfant au corps de neige, 6+6 b
Qui soulève vers moi ses bras nus et tremblants, 6+6 a
Ses bras pareils aux cous harmonieux des cygnes ! 6+6 c
— Et, quand le flot s'enfuit, leurs gestes nonchalants, 6+6 a
Comme pour un adieu, tristes, me font des signes. 6+6 c
80 Dans le chœur fraternel des célestes oiseaux, 6+6 a
Que cherche, sous l'azur, la chère ensevelie ? 6+6 b
A-t-elle retrou le bouquet d'Ophélie, 6+6 b
La pâle fleur d'amour qui croît au fond des eaux ? 6+6 a
— Quand la frcheur du vol des cygnes les effleure, 6+6 c
85 Son haleine frissonne aux cimes des roseaux 6+6 a
Et me trouble, en passant, comme une voix qui pleure. 6+6 c
Sur le lac où j'ai vu descendre le soleil, 6+6 a
Un rêve flotte et suit la vision première : 6+6 b
Je revois mon amour couché dans la lumière, 6+6 b
90 Comme un lis abattu que teint un sang vermeil ; 6+6 a
Et le flot, aux rougeurs dont le couchant l'irise, 6+6 c
Palpite sur la grève, incessant et pareil 6+6 a
A la lèvre qu'empourpre un baiser qui la brise. 6+6 c
Des baisers ont passé, rapides et brûlants, 6+6 a
95 Sur ma lèvre où jadis son âme s'est posée, 6+6 b
Et j'ai senti saigner, toujours inépuisée, 6+6 b
Sous l'implacable fer de mes souvenirs lents, 6+6 a
Ma dernière douleur et mon amour première, 6+6 c
— Près du lac où j'ai vu passer les cygnes blancs, 6+6 a
100 Près du lac où j'ai vu descendre la lumière. 6+6 c
V
Très pâle et le front ceint de marguerites, 5+5 a
Ses grands yeux levés et qui, somnolents, 5+5 b
Semblaient lire au ciel des choses écrites, 5+5 a
Elle s'en allait, rêveuse, à pas lents, 5+5 b
105 Si pâle et le front ceint de marguerites ! 5+5 a
Très douce et ne parlant plus à la terre 10 a
Qu'avec son sourire et comme tout bas, 5+5 b
Elle allait cueillant la fleur solitaire 5+5 a
Qu'un rêve faisait naître sous ses pas… 5+5 b
110 Si douce et ne parlant plus à la terre ! 10 a
Très frêle et pareille au roseau qui penche, 5+5 a
Un faix invisible inclinait son front. 5+5 b
Va, repose en paix, ma colombe blanche, 5+5 a
Toi que plus jamais mes yeux ne verront 5+5 b
115 Si frêle et pareil au roseau qui penche. 5+5 a
mètre profils métriques : 8, 6+6, 5÷5
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