Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
SIL_1/SIL47
Armand SILVESTRE
Les Renaissances
1870
PAYSAGES MÉTAPHYSIQUES
Tableautins
I
Le Pêcheur
Comme un pêcheur debout sur la rive profonde, 6+6 a
Dieu, sur le bord du ciel devançant le matin, 6+6 b
Jette, — immense filet, — chaque jour sur le monde 6+6 a
Et l'entraîne, le soir, plein d'un sombre butin. 6+6 b
5 Ceux-là que nous aimons, ce sont ceux qu'il emporte : 6+6 a
Ce qu'il en fait là-haut, nul ne le sait ici. 6+6 b
— Le flot s'est refermé, comme une immense porte 6+6 a
Entre nous et nos morts, notre éternel souci ! 6+6 b
II
Le Semeur
Debout sur le sillon béant, le vieux semeur, 6+6 a
10 En cadence y fait choir la graine nourricière ; 6+6 b
Les corbeaux, attentifs à son prudent labeur, 6+6 a
Avides pèlerins, cheminent par derrière. 6+6 b
Nous semons nos espoirs, tout le long du chemin, 6+6 a
Aux sillons de l'amour, aux vents du lendemain ! 6+6 a
15 — Le temps, sombre corbeau toujours en sentinelle, 6+6 b
Dévore sur nos pas la semence éternelle. 6+6 b
III
Le Bûcher
Dans les sentiers perdus, moissonnant les bois morts, 6+6 a
Le Temps a traversé la forêt de mon âme, 6+6 b
Entassant et foulant souvenirs et remords, 6+6 a
20 En un sombre bûcher d'où jaillira la flamme, 6+6 b
O mes folles amours ! Démons ! Cœurs inhumains ! 6+6 a
Accourez et dansez ! C'est mon âme qui brûle ! 6+6 b
— Je m'en retourne aux cieux, comme le grand Hercule, 6+6 b
Sur les ailes du feu qu'ont allumé vos mains ! 6+6 a
IV
Le Printemps
25 Comme un faune endormi dont les nymphes lascives 6+6 a
Ont caressé les flancs de leurs gerbes de fleurs, 6+6 b
L'An se réveille et prend mouvement et couleurs, 6+6 b
Au doux flagellement des brises fugitives. 6+6 a
O Printemps ! — Un frisson court dans l'air matinal ; 6+6 a
30 La sève mord l'écorce et le lierre l'enlace ; 6+6 b
Et la source, entr'ouvrant sa paupière de glace, 6+6 b
Sous des cils de roseaux, montre un œil virginal. 6+6 a
V
La Source
La source va creusant, d'une larme immortelle, 6+6 a
Un nid pour les vautours, dans le flanc du granit : 6+6 b
35 Le souvenir amer, au fond du cœur fidèle, 6+6 a
Tel, filtrant sans relâche, à la mort fait son nid. 6+6 b
Et les vents embrasés, dont la source est tarie, 6+6 a
Ne sécheront jamais la blessure du cœur. 6+6 b
— Quelques-uns ne l'ont su, mais aucun ne l'oublie, 6+6 a
40 Cet amour qui nous fit la première douleur ! 6+6 b
VI
La Rosée
Quand le soleil a bu, sur la cime des bois, 6+6 a
La fraîcheur des baisers que l'Aube chaste y pose, 6+6 b
La rosée erre encore aux buissons et parfois 6+6 a
Se pend, frileuse perle, aux lèvres d'une rose. 6+6 b
45 Du premier souvenir immortelle douceur ! 6+6 a
Frêle perle d'amour au temps cruel ravie ! 6+6 b
— Ainsi, chacun de nous porte, au fond de son cœur, 6+6 a
Un pleur tombé du ciel à l'aube de la vie. 6+6 b
VII
L'Œuf
L'œuf, c'est la vie enclose aux formes de la pierre : 6+6 a
50 — Quand l'oiselet surgit comme un mort glorieux, 6+6 b
De son frêle cercueil secouant la poussière, 6+6 a
Il envoie au soleil de petits cris joyeux. 6+6 b
Tout est cercueil, mais tout cache un vivant ! Perdue 6+6 a
Au secret des tombeaux, la vie attend l'essor, 6+6 b
55 — L'aile immense des cieux sur la terre étendue, 6+6 a
Couve l'œuf immortel que féconde la Mort ! 6+6 b
VIII
La Nature
À Georges Guéroult.
J'ai voulu te concevoir seule 8 a
Dans mon cerveau régénéré, 8 b
Grande Nature, auguste aïeule 8 a
60 Qui dors au fond du bois sacré ; 8 b
Et j'ai chassé de la lumière 8 a
Que filtrent tes yeux d'or mi-clos, 8 b
La vision qui, la première, 8 a
Apprit à mon sein les sanglots ; 8 b
65 Le spectre de la sœur amère 8 a
Que ton flanc jette à notre cœur, 8 b
Ta cruelle image, ô ma mère ! 8 a
La Femme, fantôme vainqueur ! 8 b
En vain, je l'ai chassé dans l'ombre 8 a
70 Que répand sur le bois épais, 8 b
Avec ta chevelure sombre, 8 a
L'heure de la nocturne paix : 8 b
Car en moi vous êtes entrées, 8 a
Plus poignantes que mes amours, 8 b
75 O tristesses des nuits sacrées 8 a
Pleurant sur le berceau des jours ! 8 b
De vous, ô langueurs éternelles ! 8 a
En moi quelque chose est resté, 8 b
O lassitudes maternelles 8 a
80 Des tristes flancs qui m'ont porté ! 8 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
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