Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
SAM_3/SAM155
Albert SAMAIN
Au Jardin de l'Infante
1893
TENTATION
L'AMANT
Qui parle ainsi dans l'ombre, | et quel appel résonne 6+6 a
A travers les rideaux | pesants et ténébreux ? 6+6 b
C'est un poignant appel, | et ma chair en frissonne 6+6 a
Comme s'il m'enlaçait | de grands bras langoureux. 6+6 b
LA MORT
5 Viens, je t'aime, je suis | la Belle fabuleuse, 6+6 a
La sirène qui rôde | aux suprêmes confins, 6+6 b
Et qu'on entend chanter, | lente et vertigineuse, 6+6 a
Dans l'air triste des soirs | où les sens sont divins. 6+6 b
L'AMANT
Que veux-tu ? Sur mon cœur | s'endort la Sulamite, 6+6 a
10 Ivre du vin trop fort | que nos lèvres ont bu : 6+6 b
Et mon amour, debout | dans sa foi sans limite, 6+6 a
Est comme un chef superbe | au sein de la tribu. 6+6 b
LA MORT
Viens, tous les lendemains | d'ici-bas sont funèbres ; 6+6 a
Chaque miroir d'une heure | est un miroir terni, 6+6 b
15 Viens, plonge en mes cheveux | ruisselants de ténèbres, 6+6 a
En eux seuls tu pourras | respirer l'infini. 6+6 b
L'AMANT
Oui, ta voix est suave | et mon cœur se dilate 6+6 a
A t'écouter chanter, | ô pâle, ô sombre sœur ; 6+6 b
Souvent, dans la fureur | du plaisir écarlate, 6+6 a
20 Ta voix d'ombre arrosa | mon âme de douceur. 6+6 b
LA MORT
Viens, je suis la suprême | amante qu'on épouse 6+6 a
Au delà de la vie | ironique, au delà 6+6 b
Des soleils d'or brutal | dont la terre est jalouse ; 6+6 a
Et la Nuit chaste et froide | à jamais me voila. 6+6 b
L'AMANT
25 L'heure a sonné parmi | l'espace taciturne. 6+6 a
Vois, mon amante est belle, | et je veux l'adorer ; 6+6 b
Car son cœur est à moi, | son cœur plein comme une urne 6+6 a
De toute l'eau du ciel | que l'amour peut pleurer. 6+6 b
LA MORT
Pauvre fou ! Celle-là | vraiment l'as-tu bien toute ?… 6+6 a
30 Sondas-tu jusqu'au fond | l'abîme de ses yeux ? 6+6 b
Ton amour ? C'est un fruit | mûr pour le ver du doute. 6+6 a
Prends garde, ton amour | n'est qu'orgueil, orgueilleux ! 6+6 b
L'AMANT
Tais-toi, laisse-moi vivre | et m'enivrer de l'heure. 6+6 a
Dans cet air plein encor | de ses derniers aveux. 6+6 b
35 Sa chair est glorieuse, | et son souffle m'effleure 6+6 a
Et son bras est si blanc | qui soutient ses cheveux ! 6+6 b
LA MORT
Un nuage d'amour | roule à travers la chambre. 6+6 a
Les fleurs dans les cristaux | s'ouvrent à larges plis. 6+6 b
Plus fine que l'acier, | plus subtile que l'ambre, 6+6 a
40 Ma voix glisse et pénètre | aux plus secrets replis. 6+6 b
L'AMANT
Entre toutes les nuits, | ma nuit est magnifique. 6+6 a
Va-t'en, je ne veux pas | t'appartenir ce soir. 6+6 b
Va-t'en, car ton regard | tenace et maléfique 6+6 a
M'attire et me retient | comme un sombre miroir. 6+6 b
LA MORT
45 Dis, lorsque tu collais | tes lèvres à sa bouche, 6+6 a
Dis, n'as-tu pas vécu | parfois, dans un moment, 6+6 b
L'infini d'une angoisse | éperdue et farouche ?… 6+6 a
C'est qu'alors tu baisais | ma bouche, ô mon amant. 6+6 b
L'AMANT
Oui, parfois j'ai goûté | des baisers de vertige 6+6 a
50 Plus puissants que la plus | délirante liqueur 6+6 b
Et j'ai senti dans l'ombre, | ainsi qu'un noir prodige, 6+6 a
Des doigts mystérieux | qui détachaient mon cœur. 6+6 b
LA MORT
C'était moi, moi, te dis-je, | à travers l'étendue, 6+6 a
A travers le mirage | éclatant du plaisir. 6+6
55 Tu cherchais dans mes yeux | la grande nuit perdue. 6+6 a
Viens, je suis la Mort douce, | et l'amante attendue. 6+6 a
Et je te verserai, | sous mes larges pavots. 6+6 a
Bercé hors de la vie, | et de l'être, et des âges. 6+6 b
Au bruit des mers sans fin | battant mes noirs rivages, 6+6 b
60 Loin du mal et des pleurs, | du doute et des sanglots, 6+6 a
Le silence et l'oubli | dans l'éternel repos. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
logo du CRISCO logo de l'université