Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
SAM_3/SAM124
Albert SAMAIN
Au Jardin de l'Infante
1893
DESTINS
Veneris monumenta nefandæ.
Virgile.
O femme, chair tragique, exquisement amère, 6+6 a
Femme, notre mépris sublime et notre Dieu, 6+6 b
O monstre de douceur et cavale de feu. 6+6 b
Qui galope plus vite encor que la Chimère. 6+6 a
5 Femme, qui nous attends dans l'ombre au coin du bois, 6+6 a
Quand, chevaliers d'avril, en nos armures neuves 6+6 b
Nous allons vers la vie, et descendons les fleuves 6+6 b
En bateaux pavoisés, le rameau vert aux doigts. 6+6 a
L'oriflamme Espérance aux frcheurs matinales 6+6 a
10 Ondule, et nous ouvrons dans le matin sacré 6+6 b
Nos yeux brillants encor de n'avoir pas pleuré. 6+6 b
Nos yeux promis un jour à tes fêtes fatales. 6+6 a
Aux mirages de l'art, aux froissements du fer, 6+6 a
Le sang rouge à torrents en nous se précipite, 6+6 b
15 Et notre âme se gonfle, et s'élance, et palpite 6+6 b
Vers l'infini comme aux approches de la mer ! 6−6 a
Toi, debout au miroir et dominant la vie. 6+6 a
Tu peignes tes cheveux splendides lentement, 6+6 b
Et pour nous voir passer, tu tournes un moment 6+6 b
20 Tes yeux d'enfant féroce, à qui tout fait envie. 6+6 a
Fleur chaude, fleur de chair balançant ton poison, 6+6 a
Tu te souris, tordant ta nudité hautaine. 6+6 b
Et déjà les parfums de ta robe lointaine 6+6 b
Nagent comme une haleine ardente à l'horizon. 6+6 a
25 A l'horizon d'espoir et de rêves sublimes. 6+6 a
D'obstacles à franchir d'un orgueil irrité, 6+6 b
Et de sommets divins, où se cabre, indompté. 6+6 b
Le grand cheval ailé, qui hennit aux abîmes ! 6+6 a
Ah ! tu la connais bien, sphynx avide et moqueur, 6+6 a
30 Cette folle aux yeux d'or qu'à vingt ans l'on épouse, 6+6 b
La Gloire, femme aussi… Lève-toi donc, jalouse, 6+6 b
Debout, et plante-nous ta frénésie au cœur ! 6+6 a
Rampe au long des buissons, darde tes yeux de flamme. 6+6 a
Un regard, et dé la chair folle s'émeut ; 6+6 b
35 Un sourire, et l'alcool de nos sens a pris feu ; 6+6 b
Un baiser, et tes dents ont mordu dans notre âme ! 6+6 a
A Toi, va, maintenant les sublimes, les fous, 6+6 a
Tous ceux qui s'en allaient aux fêtes inconnues. 6+6 b
Archanges déplumés, précipités des nues. 6+6 b
40 Oh ! comme les voi rampants à tes genoux ! 6+6 a
Tout leur cœur alté râle vers ta peau rose. 6+6 a
D'où rayonne un désir électrique et brutal. 6+6 b
L'horizon lumineux sombre en un soir fatal. 6+6 b
Et voici s'effondrer la grande apothéose 6+6 a
45 Toi cependant, trônant aux ténèbres du lit, 6+6 a
Tu berces leur vieux rêve éteint dans ta chair sourde, 6+6 b
Et tu caches le monde à leur paupière lourde 6+6 b
Avec tes longs cheveux de langueur et d'oubli. 6+6 a
Ta chair est leur soleil ; tes pieds nus sont leur gloire ; 6+6 a
50 Et ton sein tiède est une mer aux vagues d'or, 4+4+4 b
Où leur cœur de tendresse et d'infini s'endort 6+6 b
Sous tes yeux, où s'allume une sombre victoire. 6+6 a
Pour toi seule, à jamais, à jamais, sans remords, 6+6 a
Chante leur sang brû par le feu de ta bouche, 6+6 b
55 Et, souriant du haut de ton orgueil farouche. 6+6 b
Tu refermes sur eux, douce enfin à leur mort. 6+6 a
Tes bras, tes bras profonds et doux comme la mort. 6+6 a
mètre profil métrique : 6=6
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