Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
SAM_2/SAM74
Albert SAMAIN
Symphonie héroïque
1900
SYMPHONIE HÉROÏQUE
LES MONTS
Épiques survivants | des vieux âges que hante 6+6 a
Une mystérieuse | et lointaine épouvante, 6+6 a
Les monts dressent au ciel | leur tumulte géant. 6+6 b
La terre les vénère | ainsi que ses grands prêtres, 6+6 c
5 Et, dans la hiérarchie | éternelle des êtres, 6+6 c
Ils n'ont au-dessus d'eux, | les augustes ancêtres, 6+6 c
Que le grand ancêtre océan. 8 b
Le tonnerre leur plaît. | Tout le ciel qui s'embrase 6+6 a
À leurs fronts ceints d'éclairs | met un nimbe d'extase. 6+6 a
10 Ils font rugir la foudre | au creux de leurs ravins ; 6+6 b
Et sous les vents du nord | à la sauvage allure, 6+6 c
Ils semblent redresser | leur antique stature, 6+6 c
Ravis de voir flotter | comme une chevelure 6+6 c
Leurs grandes forêts de sapins. 8 b
15 Au-dessus du troupeau | servile et gras des plaines, 6+6 a
La fière aridité | de leurs formes hautaines 6+6 a
Se drape en plein azur | d'un manteau de clartés. 6+6 b
Ils sont les chastes monts | aux aigles seuls propices, 6+6 c
Et la mort, les deux mains | pleines de maléfices, 6+6 c
20 Garde sinistrement | au bord des précipices 6+6 c
Leurs terribles virginités. 8 b
Une douceur aussi | dans leur grand cœur circule. 6+6 a
La corne pastorale | au fond du crépuscule 6+6 a
De vallon en vallon | sonne en se prolongeant. 6+6 b
25 Avec la brebis blanche | et la chèvre grimpante 6+6 c
Les vaches des bergers | s'égrènent sur la pente ; 6+6 c
Et toute la montagne, | où maint troupeau serpente, 6+6 c
Est pleine de cloches d'argent. 8 b
Le soir, c'est derrière eux | que le soleil se couche… 6+6 a
30 Alors, la nuit, vêtus | d'une ombre plus farouche, 6+6 a
Ils rendent à leurs pieds | les coteaux plus tremblants. 6+6 b
Et quand du fond du ciel | la filiale aurore 6+6 c
S'avance, d'un premier | rayon pur et sonore 6+6 c
Elle va, comme on fait | aux vieillards qu'on honore, 6+6 c
35 Baiser d'abord leurs cheveux blancs. 8 b
Ils sont l'élan puissant | et profond de la terre. 6+6 a
L'azur les glorifie, | et leur splendeur austère 6+6 a
Exalte les chanteurs | aux beaux fronts inspirés. 6+6 b
Leurs pensers sont de grands | éclairs sur les abîmes ; 6+6 c
40 La force des torrents | gronde en leurs voix sublimes ; 6+6 c
Et c'est le même vent | vertigineux des cimes 6+6 c
Qui souffle dans leurs chants sacrés. 8 b
L'arc de Diane sonne | aux forêts du Taygète. 6+6 a
Sur le Parnasse en fleur, | Apollon Musagète 6+6 a
45 Fait chanter l'archet d'or | dans l'air de cristal bleu. 6+6 b
L'Olympe craque au bruit | de l'immortelle joie ; 6+6 c
Sur le Caucase en sang | l'affreux vautour s'éploie ; 6+6 c
Et l'Oeta voit debout | dans le feu qui flamboie 6+6 c
Hercule devenir un dieu. 8 b
50 Moïse au large front | d'airain, Orphée imberbe, 6+6 a
Tous les pâles songeurs | où s'incarna le verbe, 6+6 a
Pensifs, ont descendu | leurs géants escaliers… 6+6 b
Car les monts, où le rêve | augustement s'attache, 6+6 c
Ont dans leurs profondeurs | une âme qui se cache ; 6+6 c
55 Et c'est de leurs vieux flancs | éventrés qu'on arrache 6+6 c
Le marbre où les dieux sont taillés. 8 b
De sommet en sommet | bondissant, éperdue, 6+6 a
L'âme — en plein firmament — | respire l'étendue, 6+6 a
Et s'enivre du froid | sublime de l'éther… 6+6 b
60 Les routes, les cités, | les campagnes reculent, 6+6 c
Toutes les visions | de la terre s'annulent ; 6+6 c
Et seuls les grands sommets | dans la lumière ondulent 6+6 c
Comme les vagues de la mer 8 b
Les monts ont les glaciers | d'argent, les sources neuves 6+6 a
65 D'où sort la majesté | pacifique des fleuves, 6+6 a
Les rocs aériens | où l'aigle fait son nid. 6+6 b
Par leurs sentiers hardis, | fuyant les embuscades, 6+6 c
Les chamois indomptés | mènent leurs cavalcades ; 6+6 c
Et l'arc-en-ciel qui brille | au travers des cascades 6+6 c
70 Fleurit leurs lèvres de granit. 8 b
Ainsi, gardant pour eux | la terreur des orages, 6+6 a
Ils couvrent à leurs pieds | les humbles pâturages 6+6 a
De la grave bonté | d'un regard paternel. 6+6 b
Dans l'azur étonné | leurs pics superbes plongent. 6+6 c
75 Sans fin à l'horizon | leurs croupes se prolongent ; 6+6 c
Et, doux de la douceur | des colosses, ils songent 6+6 c
Dans je ne sais quoi d'éternel. 8 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
logo du CRISCO logo de l'université