Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
SAM_2/SAM70
Albert SAMAIN
Symphonie héroïque
1900
ÉVOCATIONS
IDÉAL
Hors la ville de fer et de pierre massive, 6+6 a
À l'aurore, le chœur des beaux adolescents 6+6 b
S'en est allé, pieds nus, dans l'herbe humide et vive, 6+6 a
Le cœur pur, la chair vierge et les yeux innocents. 6+6 b
5 Toute une aube en frissons se lève dans leurs âmes. 6+6 a
Ils vont rêvant de chars dorés, d'arcs triomphaux, 6+6 b
De chevaux emportant leur gloire dans des flammes, 6+6 a
Et d'empires conquis sous des soleils nouveaux ! 6+6 b
Leur pensée est pareille au feuillage du saule 6+6 a
10 À toute heure agi d'un murmure incertain ; 6+6 b
Et leur main fièrement rejette sur l'épaule 6+6 a
Leur beau manteau qui claque aux souffles du matin. 6+6 b
En eux couve le feu qui détruit et qui crée ; 6+6 a
Et, croyant aux clairons qui renversaient les tours, 6+6 b
15 Ils vont remplir l'amphore à la source sacrée 6+6 a
D'où sort, large et profond, le fleuve ancien des jours. 6+6 b
Ils ont l'amour du juste et le mépris des lâches, 6+6 a
Et veulent que ton règne arrive enfin, seigneur ! 6+6 b
Et déjà leur sang brûle, en lavant toutes taches, 6+6 a
20 De jaillir, rouge, aux pieds sacrés de la douleur ! 6+6 b
Tambours d'or, clairons d'or, sonnez par les campagnes ! 6+6 a
Orgueil, étends sur eux tes deux ailes de fer ! 6+6 b
Ce qui vient d'eux est pur comme l'eau des montagnes, 6+6 a
Et fort comme le vent qui souffle sur la mer ! 6+6 b
25 Sur leurs pas l'allégresse éclate en jeunes rires, 6+6 a
La terre se colore aux feux divins du jour, 6+6 b
Le vent chante à travers les cordes de leurs lyres, 6+6 a
Et le cœur de la rose a des larmes d'amour. 6+6 b
Là-bas, vers l'horizon roulant des vapeurs roses, 6+6 a
30 Vers les hauteurs où vibre un éblouissement, 6+6 b
Ivres de s'avancer dans la beauté des choses, 6+6 a
Et d'être à chaque pas plus près du firmament ; 6+6 b
Vers les sommets tachés d'écumes de lumière 6+6 a
Où piaffent, tout fumants, les chevaux du soleil, 6+6 b
35 Plus haut, plus haut toujours, vers la cime dernière 6+6 a
Au seuil de l'empyrée effrayant et vermeil ; 6+6 b
Ils vont, ils vont, portés par un souffle de flamme… 6+6 a
Et l'espérance, triste avec des yeux divins, 6+6 b
Si pâle sous son noir manteau de pauvre femme, 6+6 a
40 Un jour encore, au ciel lève ses vieilles mains ! 6+6 b
Pieds nus, manteaux flottants dans la brise, à l'aurore, 6+6 a
Tels, un jour, sont partis les enfants ingénus, 6+6 b
Le cœur vierge, les mains pures, l'âme sonore… 6+6 a
Oh ! Comme il faisait soir, quand ils sont revenus ! 6+6 b
45 Pareils aux émigrants dévorés par les fièvres, 6+6 a
Ils vont, l'haleine courte et le geste incertain. 6+6 b
Sombres, l'envie au foie et l'ironie aux lèvres ; 6+6 a
Et leur sourire est las comme un feu qui s'éteint. 6+6 b
Ils ont perdu la foi, la foi qui chante en route 6+6 a
50 Et plante au cœur du mal ses talons frémissants. 6+6 b
Ils ont perdu, rongés par la lèpre du doute, 6+6 a
Le ciel qui se reflète aux yeux des innocents. 6+6 b
Même ils ont renié l'orgueil de la souffrance, 6+6 a
Et dans la multitude au front bas, au cœur dur, 6+6 b
55 Assoupie au fumier de son indifférence, 6+6 a
Ils sont rentrés soumis comme un bétail obscur. 6+6 b
Leurs rêves engraissés paissent parmi les foules ; 6+6 a
Aux fentes de leur cœur d'acier noble bardé, 6+6 b
Le sang altier des forts goutte à goutte s'écoule, 6+6 a
60 Et puis leur cœur un jour se referme, vidé. 6+6 b
Matrone bien fardée au seuil clair des boutiques, 6+6 a
Leur âme épanouie accueille les passants ; 6+6 b
Surtout ils sont dévots aux seuls dieux authentiques, 6+6 a
Et, le front dans la poudre, adorent les puissants. 6+6 b
65 Ils veulent des soldats, des juges, des polices, 6+6 a
Et, rassurés par l'ordre aux solides étaux, 6+6 b
Ils regardent grouiller au vivier de leurs vices 6+6 a
Les sept vipères d'or des péchés capitaux. 6+6 b
Pourtant, parfois, des soirs, ils songent dans les villes 6+6 a
70 À ceux-là qui près d'eux gravissaient l'avenir, 6+6 b
Et qui, ne voulant pas boire aux écuelles viles, 6+6 a
S'étant couchés là-haut, s'y sont laissés mourir ; 6+6 b
Et le remords les prend quand, au penchant des cimes, 6+6 a
Un éclair leur fait voir, les deux bras étendus, 6+6 b
75 Des cadavres hautains, dont les yeux magnanimes 6+6 a
Rêvent, tout grands ouverts, aux idéals perdus ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
logo du CRISCO logo de l'université