Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
SAM_2/SAM56
Albert SAMAIN
Symphonie héroïque
1900
ÉVOCATIONS
BACCHANTE
J'aime invinciblement. J'aime implacablement. 6+6 a
Je sais qu'il est des cœurs de neige et de rosée ; 6+6 b
Moi, l'amour sous son pied me tient nue et brisée ; 6+6 b
Et je porte mes sens comme un mal infamant. 6+6 a
5 Ma bouche est détendue, et mes hanches sont mûres ; 6+6 a
Mes seins un peu tombants ont la lourdeur d'un fruit ; 6+6 b
Comme l'impur miroir d'un restaurant de nuit, 6+6 b
Mon corps est tout rayé d'ardentes meurtrissures. 6+6 a
Telle et plus âpre ainsi, je dompte le troupeau. 6+6 a
10 Les reins cambrés, je vais plus que jamais puissante ; 6+6 b
Car je n'ai qu'à pencher ma nuque pour qu'on sente 6+6 b
L'odeur de tout l'amour incrusté dans ma peau. 6+6 a
Mon cœur aride est plein de cendre et de pierrailles ; 6+6 a
Quand je rencontre un homme où ma chair sent un roi, 6+6 b
15 Je frissonne, et son seul regard posé sur moi 6+6 b
Ainsi qu'un grand éclair descend dans mes entrailles. 6+6 a
Prince ou rustre, qu'importe, il sera dans mes bras. 6+6 a
Simplement — car je hais les grâces puériles — 6+6 b
Je collerai ma bouche à ses dents, et, fébriles, 6+6 b
20 Mes mains l'entraîneront vers mon lit large et bas. 6+6 a
La flamme, ouragan d'or, passe, et, toute, je brûle. 6+6 a
Après, mon cœur n'est plus qu'un lambeau calciné ; 6+6 b
Et du plus fol amour et du plus effréné 6+6 b
Je m'éveille en stupeur comme une somnambule. 6+6 a
25 Tout est fini ; sanglots, menaces, désespoirs, 6+6 a
Rien n'émeut mes grands yeux cernés de larges bistres 6+6 b
Oh ! Qui dira jamais quels cadavres sinistres 6+6 b
Gisent sans sépulture au fond de mes yeux noirs ! … 6+6 a
Vraiment, je suis l'amante, et n'ai point d'autre rôle. 6+6 a
30 Dans mon cœur tout est mort, quand le temps est passé. 6+6 b
Ma passion d'hier ? … c'est comme un fruit pressé 6+6 b
Dont on jette la peau par-dessus son épaule. 6+6 a
Mon désir dans les cœurs entre comme un couteau ; 6+6 a
Et parmi mes amants je ne connais personne 6+6 b
35 Qui, sur ma couche en feu, devant moi ne frissonne 6+6 b
Comme devant la porte ouverte du tombeau. 6+6 a
Je veux les longs transports où la chair épuisée 6+6 a
S'abîme, et ressuscite, et meurt éperdument. 6+6 b
C'est de tant de baisers, aigus jusqu'au tourment, 6+6 b
40 Que je suis à jamais pâle et martyrisée. 6+6 a
Je sais trop combien vaine est la rébellion. 6+6 a
Raison, pudeur, qui donc entrerait en balance ? 6+6 b
Quand mes sens ont parlé, tout en moi fait silence, 6+6 b
Comme au désert la nuit quand gronde le lion. 6+6 a
45 Oh ! Ce rêve tragique en moi toujours vivace, 6+6 a
Que l'amour et la mort, vieux couple fraternel, 6+6 b
Sur mon corps disputé, quelque soir solennel, 6+6 b
Comme deux carnassiers, s'abordent face à face ! … 6+6 a
Qu'importe j'irai ferme au destin qui m'attend. 6+6 a
50 Sous les lustres en feu, dans la salle écarlate, 6+6 b
Que mon parfum s'allume, et que mon rire éclate, 6+6 b
Et que mes yeux tout nus s'offrent ! … des soirs, pourtant 6+6 a
Je tords mes pauvres bras sur ma couche de braise. 6+6 a
Triste et repue enfin, j'écoute avec stupeur 6+6 b
55 L'heure tomber au vide effrayant de mon cœur ; 6+6 b
Et mon harnais de bête amoureuse me pèse. 6+6 a
Mes sens dorment d'un air de félins au repos… 6+6 a
Mais leur calme sournois couve déjà l'émeute. 6+6 b
Déjà, déjà, j'entends les abois de la meute, 6+6 b
60 Et je bondis avec mes cheveux sur mon dos ! 6+6 a
Oh ! Fuir sans arrêter pour boire aux sources fraîches, 6+6 a
Pour regarder le ciel comme un petit enfant… 6+6 b
Le ciel ! … l'archer est là souriant, triomphant ; 6+6 b
Et, folle, sous la pluie innombrable des flèches, 6+6 a
65 Je tombe, en blasphémant la justice des dieux ! 6+6 a
Aveugle et sourde, hélas ! Trône la destinée. 6+6 b
Et mon âme au plaisir féroce condamnée 6+6 b
Pleure, et pour ne point voir met ses mains sur ses yeux. 6+6 a
Mais écoutez… voici la flûte et les cymbales ! 6+6 a
70 Les torches dans la nuit jettent des feux sanglants ; 6+6 b
Ce soir, les vents du sud ont embrasé mes flancs, 6+6 b
Et, dans l'ombre, j'entends galoper les cavales… 6+6 a
Malheur à celui-là qui passe en ce moment ! 6+6 a
Demi-nue, et penchée hors de ma porte noire, 6+6 b
75 Je l'appelle comme un mourant demande à boire… 6−6 b
Il vient ! Malheur à lui ! Malheur à mon amant ! 6+6 a
J'aime invinciblement ! J'aime implacablement ! 6+6 a
mètre profil métrique : 6−6
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