Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
SAM_1/SAM5
Albert SAMAIN
Le Chariot d'or
1900
LES ROSES DANS LA COUPE
ÉLÉGIE
C'était un soir de grâce | et de mansuétude 6+6 a
Où l'amour sur les yeux | baise la solitude. 6+6 a
Dans l'ombre, une idéale | haleine de printemps 6+6 b
Passait, comme un soupir, | sous les manteaux flottants. 6+6 b
5 De jardins en jardins | ici la ville bleue 6+6 a
Au fond du crépuscule | expirait en banlieue… 6+6 a
La pluie intermittente | et tiède des beaux soirs 6+6 b
Avait légèrement | mouillé les pavés noirs. 6+6 b
L'avenue était sombre, | odorante, et déserte… 6+6 a
10 Les bras nus, et sa robe | à la brise entr'ouverte, 6+6 a
La nuit pâle, en rêvant, | respirait des lilas ; 6+6 b
Et la terre était douce | et fondait sous les pas. 6+6 b
Jetant vers le voyage | un appel symbolique, 6+6 a
Parfois un train lointain | sifflait, mélancolique ; 6+6 a
15 Et des ombres passaient, | lentes et parlant bas, 6+6 b
Pendant que les grands chiens | pleuraient dans les villas. 6+6 b
Soudain d'un pavillon, | qu'entourait le mystère, 6+6 a
J'entendis s'élever | une voix solitaire 6+6 a
Qui vibrait dans le soir | comme un beau violon ; 6+6 b
20 Et, me penchant un peu, | dans un noble salon 6+6 b
Où flottait un passé | d'Éloas et d'Elvires, 6+6 a
Je vis, à la lueur | vacillante des cires, 6+6 a
Un visage de marbre | avec de lourds bandeaux, 6+6 b
Et de grands yeux brillants | de larmes aux flambeaux. 6+6 b
25 Anxieux, j'écoutai : | la voix ardente et sombre 6+6 a
S'en allait si blessée, | et si triste dans l'ombre, 6+6 a
Oh ! Si divinement | triste, que l'on eût dit 6+6 b
Une larme sur le | visage de la nuit ! … 6−6 b
Jamais rien n'atteindra, | pour émouvoir notre âme, 6+6 a
30 Le charme surhumain | de la voix d'une femme 6+6 a
Qui, sur l'ivoire pâle | où flotte son bras nu, 6+6 b
Raconte au vent nocturne | un amour inconnu… 6+6 b
Quel secret disiez-vous, | et quel mal sans remède, 6+6 a
Larges gouttes d'amour | tombant dans la nuit tiède, 6+6 a
35 Sanglots d'un cœur que rien | ne peut plus contenir, 6+6 b
Et qui cède, chargé | de trop de souvenir ! 6+6 b
L'âme de l'inconnue | expirait sur sa lèvre ; 6+6 a
Ses yeux, ses grands yeux noirs | charbonnés par la fièvre 6+6 a
Exagéraient encor | sa hautaine pâleur ; 6+6 b
40 Et sa voix, qui semblait | faite pour la douleur 6+6 b
Exhalait toute, avec | ses cordes épuisées, 6+6 a
L'infini de douceur | qu'ont les choses brisées… 6+6 a
Je l'écoutais, mêlée | à l'odeur des jardins, 6+6 b
Au grand silence ému | de roulements lointains, 6+6 b
45 Aux diamants de l'ombre, | aux brises moelleuses, 6+6 a
Au ciel tendre où coulait | le lait des nébuleuses, 6+6 a
Et je sentais, saisi | d'un trouble grandissant, 6+6 b
Par degrés s'en aller | vers elle, en frémissant, 6+6 b
Tout ce qui flotte en nous | par de telles soirées 6+6 a
50 De tendresse ineffable | et de pitiés sacrées. 6+6 a
Ô toi qui, ce soir-là, | répandais ton ennui 6+6 b
Comme une essence d'or | sur les pieds de la nuit, 6+6 b
Qui te dira jamais | qu'à tes côtés, perdue, 6+6 a
Mon âme t'adorait | pour ta plainte entendue, 6+6 a
55 Et, parmi l'ombre douce | et les lilas en fleur, 6+6 b
Appuyait, en tremblant, | ses lèvres sur ton cœur. 6+6 b
mètre profil métrique : 6−6
logo du CRISCO logo de l'université