Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
SAM_1/SAM48
Albert SAMAIN
Le Chariot d'or
1900
INTÉRIEUR
AUTOMNE
Le vent tourbillonnant, | qui rabat les volets, 6+6 a
Là-bas tord la forêt | comme une chevelure. 6+6 b
Des troncs entrechoqués | monte un puissant murmure 6+6 b
Pareil au bruit des mers, | rouleuses de galets. 6+6 a
5 L'automne qui descend | les collines voilées 6+6 a
Fait, sous ses pas profonds, | tressaillir notre cœur ; 6+6 b
Et voici que s'afflige | avec plus de ferveur 6+6 b
Le tendre désespoir | des roses envolées. 6+6 a
Le vol des guêpes d'or | qui vibrait sans repos 6+6 a
10 S'est tu ; le pêne grince | à la grille rouillée ; 6+6 b
La tonnelle grelotte | et la terre est mouillée, 6+6 b
Et le linge blanc claque, | éperdu, dans l'enclos. 6+6 a
Le jardin nu sourit | comme une face aimée 6+6 a
Qui vous dit longuement | adieu, quand la mort vient ; 6+6 b
15 Seul, le son d'une enclume | ou l'aboiement d'un chien 6+6 b
Monte, mélancolique, | à la vitre fermée. 6+6 a
Suscitant des pensers | d'immortelle et de buis, 6+6 a
La cloche sonne, grave, | au cœur de la paroisse ; 6+6 b
Et la lumière, avec | un long frisson d'angoisse, 6+6 b
20 Écoute au fond du ciel | venir les longues nuits. 6+6 a
Les longues nuits demain | remplaceront, lugubres, 6+6 a
Les limpides matins, | les matins frais et fous, 6+6 b
Pleins de papillons blancs | chavirant dans les choux 6+6 b
Et de voix sonnant clair | dans les brises salubres. 6+6 a
25 Qu'importe, la maison, | sans se plaindre de toi, 6+6 a
T'accueille avec son lierre | et ses nids d'hirondelle, 6+6 b
Et, fêtant le retour | du prodigue près d'elle, 6+6 b
Fait sortir la fumée | à longs flots bleus du toit. 6+6 a
Lorsque la vie éclate | et ruisselle et flamboie, 6+6 a
30 Ivre du vin trop fort | de la terre, et laissant 6+6 b
Pendre ses cheveux lourds | sur la coupe du sang, 6+6 b
L'âme impure est pareille | à la fille de joie. 6+6 a
Mais les corbeaux au ciel | s'assemblent par milliers, 6+6 a
Et déjà, reniant | sa folie orageuse, 6+6 b
35 L'âme pousse un soupir | joyeux de voyageuse 6+6 b
Qui retrouve, en rentrant, | ses meubles familiers. 6+6 a
L'étendard de l'été | pend noirci sur sa hampe. 6+6 a
Remonte dans ta chambre, | accroche ton manteau ; 6+6 b
Et que ton rêve, ainsi | qu'une rose dans l'eau, 6+6 b
40 S'entr'ouvre au doux soleil | intime de la lampe. 6+6 a
Dans l'horloge pensive, | au timbre avertisseur, 6+6 a
Mystérieusement | bat le cœur du silence. 6+6 b
La solitude au seuil | étend sa vigilance, 6+6 b
Et baise, en se penchant, | ton front comme une sœur. 6+6 a
45 C'est le refuge élu, | c'est la bonne demeure, 6+6 a
La cellule aux murs chauds, | l'âtre au subtil loisir, 6+6 b
Où s'élabore, ainsi | qu'un très rare élixir, 6+6 b
L'essence fine de | la vie intérieure. 6−6 a
Là, tu peux déposer | le masque et les fardeaux, 6+6 a
50 Loin de la foule et libre, | enfin, des simagrées, 6+6 b
Afin que le parfum | des choses préférées 6+6 b
Flotte, seul, pour ton cœur | dans les plis des rideaux. 6+6 a
C'est la bonne saison, | entre toutes féconde, 6+6 a
D'adorer tes vrais dieux, | sans honte, à ta façon, 6+6 b
55 Et de descendre en toi | jusqu'au divin frisson 6+6 b
De te découvrir jeune | et vierge comme un monde ! 6+6 a
Tout est calme ; le vent | pleure au fond du couloir ; 6+6 a
Ton esprit a rompu | ses chaînes imbéciles, 6+6 b
Et, nu, penché sur l'eau | des heures immobiles, 6+6 b
60 Se mire au pur cristal | de son propre miroir : 6+6 a
Et, près du feu qui meurt, | ce sont des grâces nues, 6+6 a
Des départs de vaisseaux | haut voilés dans l'air vif, 6+6 b
L'âpre suc d'un baiser | sensuel et pensif, 6+6 b
Et des soleils couchants | sur des eaux inconnues… 6+6 a
mètre profil métrique : 6−6
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