Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
ROS_1/ROS46
Edmond ROSTAND
LES MUSARDISES
1887-1893
III
LA MAISON DES PYRÉNÉES
XI
L'IF
Le sol était jonché d'une automne craquante ; 6+6 a
Et je faisais, au fond des bois où je fréquente, 6+6 a
Mon petit tour contemplatif. 8 b
Les buissons roux étaient comme un cercle de faunes. 6+6 c
5 Soudain, il me sembla, parmi les arbres jaunes, 6+6 c
Que je voyais jaunir un if. 8 b
« Eh quoi ! vous, l'arbre vert, toujours vert », m'étonnai-je 6+6 a
« Vous dont le vert profond reste noir sous la neige. 6+6 a
Vous, l'If, de ce jaune honteux ? » 8 b
10 Mais, semblant désigner d'un mouvement de branche 6+6 c
Les arbres dont sur lui tout l'octobre se penche, 6+6 c
L'If me répondit : « Ce sont, eux… 8 b
« Eux qui, supportant mal mes insolences vertes, 6+6 a
Des feuilles qu'ils perdaient ont mes branches couvertes. 6+6 a
15 Ces feuilles, innombrablement, 8 b
Se sont, comme des mains rageuses et crispées, 6+6 c
A tous mes verts piquants si jaunes agrippées, 6+6 c
Qu'on me croira jaune, un moment ! » 8 b
« — Quoi ! d'autres t'ont je ces feuilles que tu portes ? » 6+6 a
20 Il reprit : « L'arbre mort jette des feuilles mortes ! 6+6 a
Homme, ceci vous étonna ? 8 b
Agit-on dans vos bois autrement qu'en les nôtres ? 6+6 c
On prend toujours sur soi ce que l'on jette aux autres. 6+6 c
On ne prête que ce qu'on a. 8 b
25 « Il faut à son prochain que l'on prête, sans cesse, 6+6 a
Flétri, sa flétrissure, et, sec, sa sécheresse, 6+6 a
Et, mort, qu'on lui prête sa mort. 8 b
Quand nous différons d'eux, les arbres et les hommes 6+6 c
Veulent, de ce qu'ils sont couvrant ce que nous sommes, 6+6 c
30 Nous étouffer comme un remord ! 8 b
« Sachez-le, puisqu'il faut qu'un arbre vous éduque : 6+6 a
La feuille persistante à la feuille caduque 6+6 a
Ne devrait pas se laisser voir. 8 b
N'est-il pas naturel que, voyant ma verdure, 6+6 c
35 Ces arbres aient trouvé, pour cacher que je dure, 6+6 c
De se laisser sur moi pleuvoir ? 8 b
« Ah ! quand ils souffrent trop, les tilleuls et les chênes, 6+6 a
De ne laisser tomber sur les mousses prochaines 6+6 a
Que tous ces tristes haillons bruns, 8 b
40 Que ces maigres chiffons dont l'horreur tourne et vole, 6+6 c
Ils peuvent bien, mon Dieu ! si cela les console, 6+6 c
M'en attribuer quelques-uns ! 8 b
« Le vent n'aura besoin que d'une chiquenaude 6+6 a
Pour faire s'écrouler tout ce qui s'échafaude 6+6 a
45 Fallacieusement sur moi. 8 b
Je serai netto par quelques brises fraîches. 6+6 c
Car ces feuilles ne sont que de pauvres, de sèches… 6+6 c
Que dis-tu ? Calme ton émoi ! 8 b
« Voilà bien les grands mots des hommes : calomnies ? 6+6 a
50 Feuilles mortes, tout simplement ! feuilles jaunies ! 8+4 a
En suis-je moins vert là-dessous ? 8 b
L'indulgence est facile aux arbres qui demeurent, 6+6 c
Et nous pouvons laisser à des arbres qui meurent 6+6 c
Le plaisir de mourir sur nous ! » 8 b
mètre profils métriques : 8, 6=6
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